Sans grande surprise, c’est Christiane Taubira qui a été désignée vainqueure, hier soir, du scrutin au jugement majoritaire organisé par la Primaire populaire et qui a finalement rassemblé un peu plus de 400 000 votants. Un « événement politique » pour Guillaume Lacroix, qui voit dans les critiques des autres candidats de gauche une forme de succès de l’initiative : « On entend tout le monde parler de cette primaire populaire, même si c’est pour en dire du mal. […] C’est la première fois que j’entends autant de gens de gauche faire passer un vote citoyen pour quelque chose d’indigne. »
« En 30 ans de vie politique, Christiane Taubira n’aurait pas de pensée politique hormis celle de René Char ? »
Parce que d’après le président du Parti radical de gauche, c’est bien pour le rassemblement à gauche qu’œuvrent la Primaire populaire et Christiane Taubira : « Elle est une candidate qui continue son chemin de rassemblement. Christiane Taubira n’appartient à aucun parti : elle n’est pas la candidate du Parti radical de gauche. » Le but pour Guillaume Lacroix, c’est « d’avoir un bulletin qui va à l’Elysée le 10 avril », mais celui-ci sera-t-il nécessairement celui de Christiane Taubira, ou bien pourrait-elle se ranger derrière un autre candidat mieux placé au nom de la sacro-sainte union de la gauche ? « Aucun autre candidat ne dispose d’une légitimité citoyenne aussi large, elle incarne le rassemblement. Christiane Taubira a déclaré sa candidature, elle avance, laissons quelques heures passer et venir les choses. Elle va appeler les autres candidats de gauche, elle a des capacités de conviction que personne n’ignore », répond le président du PRG.
Pour convaincre, il faut des propositions de fond, et Guillaume Lacroix s’inscrit en faux contre les « caricatures » qui sont réservées à sa candidate par « calcul politique. » À droite, on caricaturerait ses positions sur la laïcité, alors « qu’une candidate de gauche qui affirme que la laïcité n’écrase pas mais émancipe, est dans la droite ligne de la laïcité républicaine. » Et qui de mieux que le Parti radical de gauche, un des pères de la loi de 1905, pour l’affirmer ? Sur la loi de 2004 sur le port du voile à l’Ecole, tout de même, le président du Parti radical reconnaît un désaccord, puisque Christiane Taubira avait voté contre. À gauche, on caricaturerait sa candidature en l’accusant de ne pas avoir de programme derrière des citations de poètes : « En 30 ans de vie politique, Christiane Taubira n’aurait pas de pensée politique hormis celle de René Char ? » Le président du Parti radical renchérit : « Elle propose une revalorisation du SMIC à 1400 euros et une conférence salariale autour d’elle. Elle propose d’encadrer les prix de l’essence, 100 000 fonctionnaires de santé en plus. » D’autant plus qu’un programme, au fond, ne serait pas si indispensable : « Un programme ce n’est pas un catalogue de mesures que personne ne lit, dont on ne sait jamais laquelle sera vraiment appliquée. »
De la « gauche plurielle » à la « gauche multiple »
La situation à gauche est critique pour Guillaume Lacroix et commande de se rassembler et Christiane Taubira serait la mieux à même d’œuvrer à l’union : « Je suis un homme préoccupé, je ne suis pas heureux quand je vois l’état de la gauche aujourd’hui. Le peuple de gauche est en burn-out depuis des années. Elle est inclassable, c’est sa force : elle peut mettre des partis côte à côte sans les forcer à se ranger derrière une autre famille politique. Elle peut rassembler une gauche multiple. » On est encore très loin de la « gauche plurielle », qui avait rassemblé le PS, le PCF, le PRG, Les Verts et le Mouvement des citoyens pour les législatives de 1997. À la présidentielle suivante, Christiane Taubira était justement candidate – du PRG cette fois – au sein d’une gauche divisée entre 8 candidats, pour le résultat que l’on sait.