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Chute du gouvernement Bayrou : que va-t-il se passer maintenant ?

La chute du gouvernement de François Bayrou hier soir ouvre une nouvelle période de gestion des affaires courantes pour ses ministres. Que permet ce régime, qui n’est pas formellement défini dans la Constitution ?
Mathilde Nutarelli

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Sans surprise, le gouvernement de François Bayrou est tombé hier, lundi 8 septembre. Après huit mois, la France se retrouve à nouveau sans Premier ministre de plein exercice. Emmanuel Macron a promis, via un communiqué de presse, qu’il nommerait un nouveau ou une nouvelle Première ministre « dans les tout prochains jours ». En attendant, que va-t-il se passer ?

Comme lors de la démission de Gabriel Attal ou de la censure de Michel Barnier, le gouvernement démissionnaire reste gérer le pays sous le régime des « affaires courantes ». Cette situation n’est pas définie explicitement dans la Constitution, mais elle est encadrée par deux arrêts du Conseil d’Etat.

Combien de temps cela peut-il durer ?

Les affaires courantes démarrent au moment où le Premier ministre remet sa démission au Président, ce mardi à midi, dans le cas de François Bayrou, et qu’il l’accepte. Elles prennent fin à la constitution d’un nouveau gouvernement, et pas à la nomination d’un nouveau Premier ministre. Dans les textes et la jurisprudence, il n’y a pas de durée maximale pour un gouvernement démissionnaire. Pour autant, le nombre réduit d’actes qu’il peut prendre et le risque juridique qui pèse sur ces derniers, incitent le Président à ne pas trop faire durer cette période. Le record est détenu par le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal, qui a duré 67 jours, du 16 juillet au 21 septembre 2024. Celui de Michel Barnier, censuré le 4 décembre de la même année, avait été aux affaires courantes pendant 19 jours.

Que peut faire le gouvernement sous le régime des affaires courantes ?

Comme il n’existe pas de définition précise dans les textes pour le régime des affaires courantes, c’est la jurisprudence du Conseil d’Etat qui fait foi. Ainsi, les ministres du gouvernement déchu restent en poste, mais ne peuvent gérer que les dossiers propres au fonctionnement de l’Etat et à la continuité du service public. Ils ne peuvent donc pas engager de nouvelles dépenses qui devraient être honorées par le gouvernement suivant. Ainsi, l’examen des projets de loi et proposition de loi en cours est suspendu. Une conférence des présidents de l’Assemblée nationale doit se réunir ce matin pour discuter du calendrier parlementaire.

Le gouvernement démissionnaire peut néanmoins aller au-delà de la gestion des affaires courantes au sens strict en cas d’urgence impérieuse et immédiate. Mais ces définitions, imprécises, laissent une large marge d’interprétation et ouvrent ainsi la porte à une insécurité juridique.

L’adoption de la loi spéciale en 2024 est une illustration de l’ambiguïté dans laquelle se trouve un gouvernement en régime de gestion des affaires courantes. Pour rappel, censuré en décembre 2024, alors que le budget pour 2025 n’avait pas été adopté, le gouvernement démissionnaire de Michel Barnier a fait adopter par le Parlement une loi spéciale. Ce texte, qui dotait la France d’un budget pour l’année à venir en reconduisant les sommes votées en 2024, a permis au pays de continuer de fonctionner normalement au début de l’année 2025. Ce projet de loi a donc supplanté le budget pour 2025 tant que celui-ci n’était pas adopté. Il a été présenté par le gouvernement démissionnaire.

Les députés veulent renforcer le contrôle du Parlement sur les affaires courantes

Pour lever les ambiguïtés, les députés ont adopté le 2 avril 2025 une proposition de loi visant à « renforcer le contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes ». Le texte propose de permettre aux présidents des chambres du parlement de saisir le juge administratif contre les décisions qui outrepasseraient le cadre des affaires courantes. Il permet également la transmission aux Chambres des décrets, ordonnances, textes réglementaires, nominations sensibles pris pendant cette période. La proposition de loi, signée par des députés de plusieurs groupes parlementaires, n’a pas encore été examinée au Sénat.

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