Le Conseil d’État a examiné jeudi les requêtes en référé de 57 députés, opposés au décret limitant la vitesse à 80 km/h sur 400.000 km de routes secondaires, qui ont réclamé la suspension de son application en attendant une décision sur le fond.
La juge des référés, Maud Vialettes, a décidé de prolonger l'instruction du dossier jusqu'à vendredi afin de laisser aux parties -les représentants des députés et du ministère de l'Intérieur-, la possibilité de compléter leur argumentation avec de nouvelles pièces. Elle rendra sa décision en début de semaine prochaine.
Le décret d'application contesté est paru le 17 juin au journal officiel. Il a instauré une limitation de vitesse à 80 km/h (contre 90 km/h) qui est entrée en vigueur le 1er juillet sur l'ensemble des routes secondaires à double sens sans séparateur central (muret, glissière), soit sur 40% du réseau routier français.
Dès son annonce le 9 janvier, la mesure a déclenché une levée de boucliers des associations d'automobilistes et de motards, rejoints par des élus et même certains ministres. Dans un sondage publié en avril, 76% des Français s'y déclaraient opposés.
Cinquante-sept députés, membres notamment des groupes UDI et LR, parmi lesquels le co-président du groupe UDI-Agir-Indépendant, Jean-Christophe Lagarde, ont alors déposé des recours au Conseil d’État contre le décret. Deux en référé (procédure d'urgence) pour obtenir la suspension de son application et la délivrance par l’État des documents administratifs qui ont servi à son élaboration. Et un au fond, pour excès de pouvoir, afin d'obtenir son annulation, mais il ne devrait pas être examiné avant l'automne.
"A un moment donné, vous vous retrouvez face à un acte administratif du Premier ministre. Il n'y a pas eu de débat parlementaire. Votre seul moyen de contester cette mesure c'est de saisir le Conseil d’État", a justifié devant la presse le député de Lozère Pierre Morel A L'Huissier, fer de lance de la contestation.
"C'est la première fois sous la Ve République qu'un collectif de députés attaque un texte réglementaire", a fait valoir l'un de leurs avocats, Me Julien Occhipinti.
A l'audience, les requérants ont dénoncé une mesure générale et non-proportionnée qui ne tient pas compte des particularismes locaux et n'est justifiée par aucune étude d'impact sérieuse sur la baisse de la mortalité. Ils ont pointé certains dangers induits, comme la difficulté de dépasser des camions ou l'ennui au volant pouvant conduire à de l'inattention.
Plus formellement, ils ont constaté l'absence de signature du ministre du budget sur le décret alors que la mesure impacte les finances publiques et dénoncé comme "une tricherie gouvernementale", sa présentation comme une expérimentation sur deux ans, alors que cela n'est pas inscrit dans le décret.
En réponse, les représentants du ministère de l'Intérieur ont fait valoir que la baisse de vitesse de 10km/h ne représentait que 5 mn de retard sur une heure de conduite. Ils ont également justifié la généralité de la mesure par "la nécessité de trouver une règle nationale lisible par l'ensemble des usagers" et rappelé que "les maires avaient la possibilité de réduire encore la vitesse en fonction de l'appréciation locale d'un danger".
Quant à l'expérimentation, ils ont assuré qu'une "clause avec un rendez-vous dans 2 ans pour évaluer l'impact de la mesure" a bien été instaurée par le Comité interministériel de la sécurité routière.