Les sénateurs de la commission des finances s’inquiétaient déjà à l’automne de la lenteur de la mise en œuvre du plan de relance français adopté en décembre. Le plan de relance européen, qui l’appuie en partie, pourrait mettre un peu plus à rude épreuve leur impatience. Du point de vue européen, où la matière budgétaire est un processus lourd, la vitesse pourrait être au rendez-vous. Le plan de relance européen de 750 milliards d’euros, acté le 21 juillet dernier par les chefs d’Etat et de gouvernement puis adopté par le Conseil européen en décembre, devrait – sauf accident – se matérialiser dans les prochains mois. Auditionné au Sénat par les sénateurs de la commission des affaires européennes, ce 11 février, le secrétaire d’Etat Clément Beaune a même fait preuve d’optimisme à ce sujet.
« J’espère, devant vous, c’est le combat que nous engageons, que concrètement, de manière sonnante et trébuchante, les fonds européens du plan de relance arriveront dès le mois de mai en France et dans les autres pays européens », a-t-il estimé. L’annonce a surpris Jean-François Rapin (LR), président de la commission sénatoriale. Selon lui, le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), placé sous l’autorité de Matignon, tablait plutôt sur le mois de juin.
Clément Beaune reconnaît cependant que son calendrier « n’est pas encore acquis ». « Nous devons nous assurer que les 40 parlements concernés dans les 27 Etats membres assurent la ratification. » Or, de son propre aveu, le processus en général prend au moins deux années. Là où il en faudrait cinq mois, dans la situation actuelle. Autant dire que mai ou juin, c’est demain. L’étape de la ratification par chaque assemblée nationale ou régionale, pour les Etats concernés, est primordiale. Il s’agit d’un prérequis pour que la Commission européenne puisse emprunter sur les marchés, les 390 milliards d’euros qui seront versés sous forme de subventions, et les 360 milliards versés sous forme de prêts, à l’ensemble l’Union.
5 sur 40 milliards d’ici juin
« C’est sans doute long par rapport à nos besoins de relance, mais nous pouvons le faire […] Nous nous battons pour le faire le plus vite possible », a insisté le secrétaire d’Etat. Au mois de mai, ou en juin, le scénario « un peu moins optimiste », la France pourrait recevoir la première tranche des fonds européens. Un « préfinancement » de 13 % sera versé, selon Clément Beaune, qui espère 30 % sur l’année 2021. Soit un peu plus de cinq milliards d’euros sur les 40 affectés à la France, qui viendront financer le plan de relance national de 100 milliards d’euros. Le sénateur Jean-François Rapin s’est demandé si ces cinq milliards allaient servir à « rembourser les avances faites par l’Etat sur le plan de relance ». « Si nous avons le plan de relance, ça vient oui, d’une certaine façon au remboursement », a considéré Clément Beaune.
D’après les conclusions du comité de suivi du plan français, environ 11 milliards d’euros ont été « dégagés » à ce jour, dont 9 « effectivement décaissés », selon les services de Matignon. Clément Beaune a d’ailleurs souligné que le ministère des Collectivités territoriales, autour de Jacqueline Gourault, était étroitement associé dans la définition des lignes directrices du plan. Les régions sont effet aux premières loges lorsqu’il s’agit de fonds européens, et ces collectivités doivent donc coordonner l’utilisation des projets du plan de relance avec les fonds européens classiques. La France doit remettre prochainement un programme qui précisera les projets qui relèveront ou non du plan de relance. « C’est en train d’être finalisé », a indiqué Clément Beaune.
Clément Beaune assure que l’introduction de deux nouvelles ressources pour l’Union, d’ici fin 2022, est possible
Le comité de suivi du plan de relance doit d’ailleurs adresser dans les prochains jours au Parlement un rapport sur la mise en œuvre des fonds.
Au début du mois de février, le président (LR) de la commission des finances du Sénat, Jean-François Husson, rappelait que le plan de relance européen était le « résultat d’un compromis fragile entre les pays « frugaux » et le sud de l’Europe », et que par conséquent « la bonne utilisation des fonds européens dans le cadre des plans nationaux pour la reprise et la résilience » serait « cruciale ». Fin janvier, le Parlement avait adopté le projet de loi relatif « au système des ressources propres de l’Union européenne ».
Si les Européens ont décidé pour la première fois de lever une dette en commun, et de flécher les enveloppes du plan en fonction de l’évolution du taux de chômage des Etats membres, la dette devra être remboursée. Jean-François Husson a rappelé que « seule l’introduction de nouvelles ressources propres permettra de soulager les budgets nationaux ». L’Europe va travailler sur un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (il s’agit de taxer les biens ne respectant pas les mêmes normes environnementales), ainsi que sur une taxe sur les activités numériques.
Clément Beaune a estimé « possible » le fait d’aboutir sur ces deux chantiers « d’ici fin 2022 ». « Nous n’avons jamais été aussi proches depuis 40 ans de créer deux nouvelles ressources propres essentielles. »