Le Nouveau Front Populaire (NFP) peine à porter une voix commune sur les prochaines échéances parlementaires, malgré la volonté partagée par l’ensemble des groupes de gauche de censurer le futur gouvernement de Michel Barnier. En outre, l’affrontement des derniers jours entre Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin interroge sur la place de LFI au sein de l’alliance.
Emmanuel Macron lance la plateforme du Conseil national de la refondation ainsi que les « chantiers » de l’Ecole et de la Santé
Publié le
« Ceci n’est pas un débat », a semblé marteler le chef de l’Etat dans une vidéo d’un peu moins de 14 minutes diffusée sur sa chaîne Youtube ce lundi midi. Le col roulé était de sortie, et il ne manquait que la pipe pour faire du Magritte, parce que le chef de l’Etat a pourtant bien semblé annoncé un « grand débat » 2.0. Emmanuel Macron est d’ailleurs explicitement revenu sur les « innovations démocratiques » de son premier quinquennat en rappelant les réalisations dues au fameux « grand débat », comme les maisons « France Service » ou la création de nouvelles sous-préfectures, annonce qui sera précisée « dans les prochains jours. » La Convention citoyenne pour le climat a aussi été citée par le chef de l’Etat comme un « travail démocratique inédit », et a voulu placer les travaux du Conseil national de la refondation (CNR) dans la lignée de ces expériences démocratiques.
>> Pour revivre le « grand débat » : Grand débat national à Niort : entre « mascarade » et « excellent débat démocratique » ou Grand débat à Villiers-le-Bel : « On a parlé, on s’est lâché »
« Le but sera de dire ‘quels sont les faits’ pour éviter les désaccords sur des faits incontestables »
Emmanuel Macron a ainsi détaillé le fonctionnement de la plateforme du CNR, dont les débuts avaient été assez chaotiques il y a quelques semaines, avec notamment un boycott des forces politiques d’opposition. Les premières réunions du CNR rassembleront tout de même des représentants du gouvernement, des forces syndicales et patronales, les associations d’élus locaux et les « forces vives de la société », qui rappelle là aussi le début du premier quinquennat du chef de l’Etat et les appels à la « société civile. » Le but de ces premières réunions est de « bâtir un consensus », selon les mots du Président de la République, et de mettre en place sa « nouvelle méthode » : « Le but sera de dire ‘quels sont les faits’ pour définir ce sur quoi les uns et les autres sont d’accords ou pas, et pour éviter les désaccords sur des faits incontestables. » Un « jargon hors sol » qui ne semble pas du goût de Jean-Luc Mélenchon, alors que Marine Le Pen en appelle au référendum d’initiative citoyenne face au CNR qui n’a « aucune légitimité. »
Il n’en reste pas moins qu’Emmanuel Macron a tenté de faire du CNR un lieu de débat et de réflexion de long terme, destiné à « construire des stratégies nationales sur des grands sujets de transition », comme la « transition productive, climatique, démographique, numérique, ou du travail. » L’outil de cette réflexion sera la plateforme conseil-refondation.fr, qui devrait permettre à chacun « d’apporter [ses] contributions personnelles, de lever plusieurs questions et de nous aider à bâtir les projets et nous inspirer d’expériences locales. »
Ceci n’est pas un débat : les « immenses chantiers nationaux »
Emmanuel Macron a tout de même tenté de dessiner une ligne de continuité dans les expérimentations démocratiques de ses différents quinquennats, tout en essayant de balayer, par anticipation, les critiques sur un énième « débat », dont les traductions concrètes sont parfois difficiles à identifier. Pour ce faire, le Président de la République a tenté de mettre en place une rhétorique de « l’action », qu’il a opposée au « débat. » « Il y a une volonté des citoyens d’être associés à l’action, mais pas simplement au moment des élections et de participer à la prise de décision, d’être un acteur des décisions publiques », a notamment expliqué le chef de l’Etat. Comprenez : le CNR ne sera pas un « rebranding » du grand débat, pour garder des vocables de la start-up nation. Et pour éviter ce piège, Emmanuel Macron a développé l’idée du lancement de deux « immenses chantiers nationaux » sur l’Ecole et la Santé, qui « ne sont pas du débat », a-t-il prévenu.
« À chaque territoire ses problématiques » : un fonds d’innovation pédagogique pour l’Ecole
Sur l’Ecole, « chaque établissement scolaire qui le souhaite » pourra organiser un « travail de refondation » sur le modèle de « Marseille en grand », plan qu’avait lancé le chef de l’Etat il y a un an pour rénover les écoles de la cité phocéenne, physiquement et – à titre d’expérimentation – pédagogiquement. « L’administration sera au service [de ce débat]. Les rectorats seront là pour vous appuyer et vous donner la boîte à outils pour vous aider à inventer les bonnes réponses pédagogiques », a détaillé Emmanuel Macron en citant des problèmes allant de l’apprentissage des mathématiques aux problématiques d’orientation en passant par l’organisation du temps périscolaire. « À chaque territoire ses problématiques », a-t-il conclu en en appelant à des « réponses différenciées. » Une philosophie en effet déjà esquissée dans l’expérimentation marseillaise, d’une plus grande autonomie pédagogique des établissements pour s’adapter aux problématiques et aux publics locaux.
Là où le chef de l’Etat est allé plus loin, c’est en annonçant la création d’un « fonds d’innovation pédagogique » afin de « libérer de l’argent pour les innovations » à l’Ecole. Autrement dit, l’Etat mettra un fonds d’un certain montant à disposition des projets de « refondation » présentés par les établissements volontaires, après une concertation avec l’ensemble des acteurs concernés. Ainsi « dès le début de l’année prochaine, des choses changeront », a assuré le Président de la République. « À tel endroit, une salle sera ouverte, un poste d’accompagnateur sera créé. C’est du changement à l’échelle de vos vies en temps réel. » Emmanuel Macron adapte en quelque sorte les procédures d’appel à projet permettant à des entreprises de bénéficier de subventions publiques à des projets pédagogiques « bâtis » par la communauté pédagogique d’un établissement et tous ceux qui se porteront volontaires pour participer à ce « travail de refondation. »
« Je serai à vos côtés pour changer les vies, envers et contre tous les blocages »
En ce qui concerne la Santé aussi, Emmanuel Macron a décliné l’idée qu’il y a « des milliers de réponses […] autant qu’il y a de bassins de vie », et qu’il faut donc mettre en place des « réponses différenciées sur le terrain. » Le Président de la République a ainsi annoncé l’organisation de projets « notre santé » qui regrouperaient les hospitaliers, les libéraux, les associations professionnelles, les professions paramédicales, et tous les acteurs « qui font notre santé. » Le but sera de « les mettre autour d’une table pour faire le même bilan de la situation, un constat partagé qui permet de voir les points qui changeraient leur vie », avec en ligne de mire l’idée de donner « plus de pouvoirs aux services et de responsabilités aux soignants », dans la même stratégie que sur l’Ecole. Dans la foulée, François Braun a donné le coup d’envoi ce lundi au Mans de ce « CNR Santé » qui doit répondre au « défi de l’accès aux soins », en « mettant autour de la table », donc, quelques400 soignants, élus et patients.
Là aussi, le Président rappelle que ces discussions autour d’une même table « ne sont pas des débats » et fait le lien avec son slogan de la campagne présidentielle, « Avec vous » : « Dès la mi-octobre, notre Ecole et notre Santé, c’est le ‘avec vous’ mis en œuvre. Participez à la plateforme et aidez-moi à transformer le pays, loin des postures, des conservatismes et des débats parfois caricaturaux. » Si le but est de mettre tout le monde d’accord sur des « faits », le Président de la République semble tout de même anticiper des difficultés : « Nous avons tous notre part à prendre. Nous pouvons changer les vies si nous décidons de le faire. Je serai à vos côtés pour le faire envers et contre tous les blocages. » Là encore, une reprise d’un thème au cœur du macronisme originel de 2017, et de ses inspirations libérales teintées de la « Nouvelle Société » qui briserait les « blocages » appelée de ses vœux par Jacques Chaban-Delmas en 1969. En tout état de cause, ce ne sont pas les « blocages » qui devraient manquer au second quinquennat d’Emmanuel Macron s’il le lance sur les thèmes de la réforme des retraites ou peut-être de l’autonomie des établissements scolaires.