Code du travail : le Sénat pourrait adopter une version qui « va plus loin » que l’initiale
L'examen par le Sénat du projet de loi d'habilitation débute ce lundi, à 16h. Mercredi dernier, la commission des affaires sociales du Sénat a voté 31 amendements, qui vont dans le sens d’un renforcement de l’esprit libéral du texte. Communistes et socialistes y sont hostiles.

Code du travail : le Sénat pourrait adopter une version qui « va plus loin » que l’initiale

L'examen par le Sénat du projet de loi d'habilitation débute ce lundi, à 16h. Mercredi dernier, la commission des affaires sociales du Sénat a voté 31 amendements, qui vont dans le sens d’un renforcement de l’esprit libéral du texte. Communistes et socialistes y sont hostiles.
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Par Alice Bardo

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« On est allé plus loin dans le dispositif de souplesse des entreprises », confie René-Paul Savary (LR), secrétaire de la commission aux affaires sociales. Après son passage à l’Assemblée nationale début juillet, le projet de loi d’habilitation à réformer le droit du travail par ordonnances est arrivé mercredi dernier au Sénat. La commission des affaires sociales était chargée de son examen, avant que le texte ne soit discuté puis voté en séance publique, à partir de 16h ce lundi.

Avec 270 voix pour et seulement 50 contre, les députés ont déjà validé la reconnaissance d’une « place centrale » des accords d’entreprise (article 1), la fusion des instances représentatives du personnel (article 2) et la mise en place d’un « référentiel obligatoire pour les dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse », (article 3). Mais aussi la réduction des délais de recours en cas de rupture du contrat de travail, la faculté d’adapter par convention ou accord de branche des dispositions en matière de CDD, relatives aux motifs de recours à ces contrats, à leur durée et à leur renouvellement, ou encore le recours aux controversés « contrats de chantier » (article 4).

« La commission va aller encore plus loin »

Sur les 83 amendements déposés par les membres de la commission aux affaires sociales à la version du texte adoptée par l’Assemblée nationale, 31 ont été retenus.

« La commission va aller encore plus loin dans sa volonté de libérer les entreprises », s’inquiétait Annie David mercredi dernier. « On va baisser le seuil pour la présence des organisations syndicales, baisser le seuil pour les accords d’entreprises, et donner la possibilité à un salarié de signer un accord d’entreprise. » La dernière mesure revient, selon elle, à « nier le lien de subordination ».

« Liberté d’organisation du référendum »

Parmi les amendements adoptés en commission la semaine dernière, la réduction au moins de moitié des délais de contestation d'un licenciement économique, ou encore « la liberté d’organisation du référendum », précise René-Paul Savary.

Depuis le 1er janvier dernier, le référendum d’entreprise permet de soumettre au vote des employés les accords qui n’ont réussi à convaincre qu’une minorité de syndicats. Une possibilité ouverte par la loi El Khomri. Emmanuel Macron souhaite aller au-delà, en ouvrant la possibilité aux employeurs d’initier eux aussi un référendum. Une volonté partagée par les sénateurs LR, qui offusque les communistes : « On nous dit que c’est un texte gagnant – gagnant mais je ne vois pas où les salariés sont gagnants ! », fustige Annie David.

« Suppression du délégué syndical »

La sénatrice s’est également insurgée contre la suppression de l’obligation des entreprises de moins de 50 salariés de négocier avec un délégué syndical voulue par ses collègues LR. Désignés parmi les salariés de l’entreprise par l’organisation syndicale à laquelle ils adhèrent, les délégués syndicaux sont présents dans l’entreprise depuis 1968. Déjà échaudés par la fusion des instances représentatives du personnel, cette mesure, si elle est adoptée par les sénateurs, risque de crisper encore plus les syndicats, dont les négociations avec le gouvernement à ce sujet sont terminées. Annie David, elle, craint que « les salariés deviennent des professionnels du syndicalisme ».

« Ce texte amplifie ce qui a déjà été mis en place par la loi El Khomri, et même aggrave même les choses », déplore la sénatrice communiste Laurence Cohen.  

Nicole Bricq, sénatrice LREM, estime pour sa part avoir eu affaire au « canal historique de droite au Sénat, qui est quand même bien vigoureux et qui a tordu le texte qui nous arrive de l‘Assemblée pour faire droit aux demandes du patronat ». « Il faudra qu’en séance on revienne à des formules plus raisonnables car sinon les ordonnances pencheront d’un côté qui n’est pas celui de la concertation », espère-t-elle. En outre, parmi les amendements adoptés par la commission, la réduction au moins de moitié des délais de contestation d’un licenciement économique.

Nicole Bricq : « Il faudra qu’en séance on revienne à des formules plus raisonnables car sinon les ordonnances pencheront d’un coté qui n’est pas celui de la concertation »
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Les membres socialistes de la commission sont quant à eux restés particulièrement silencieux. Avant la reprise de l’examen du texte, en milieu de journée, l’un d’eux assure que leur position n’est « pas déterminée ». Les autres sont restés mutiques. À l’Assemblée, Les députés de la Nouvelle Gauche ont tous voté contre le projet de loi. Invité de Sénat 360, sur Public Sénat, le sénateur PS Jean-Louis Tourenne assure qu'au Sénat aussi, les socialistes sont unis : « Jusqu’à présent, j’ai plutôt eu le sentiment que nous étions d’accord. » 

Tourenne : « Jusqu’à présent j’ai plutôt eu le sentiment que nous étions d’accord »
00:40

Le recours aux ordonnances jugé « ennuyeux »

Côté LR, les amendements votés en commission vont « dans le bon sens » en ce qu’ils « renforcent le dialogue social au sien de l’entreprise ». En accord sur le fond, les sénateurs Républicains le sont moins sur la forme. Le rapporteur du projet de loi, Alain Milon, n’est pas très friand des ordonnances. René-Paul Savary trouve lui aussi « ennuyeux » que cette réforme se fasse ainsi, tandis qu’une sénatrice LR considère qu’ « il faut aller vite ».

La sénatrice communiste Laurence Cohen, elle, estime que « le gouvernement se fiche un peu de l’opinion des parlementaires » et qualifie le recours aux ordonnances d’un « 49-3 déguisé ». Et de conclure : « La position de notre groupe est claire : on va voter contre. Et on va batailler au niveau des amendements pour des suppressions d’articles. »

(sujet vidéo : Quentin Calmet)

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