L’image se voulait éloquente. Emmanuel Macron entouré de la ministre du travail, Muriel Pénicaud, et de Christophe Castaner à l’époque porte-parole du gouvernement, signe les ordonnances réformant le droit du travail. Une réforme d’une « ampleur » sans précédent « depuis le début de la Ve République ».
Pour le moment cette réforme, promesse phare du candidat d’En Marche durant la campagne, n’a qu’une valeur réglementaire. En effet, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 28 novembre dernier, le projet de loi de ratification arrive en commission des affaires sociales du Sénat, ce mercredi, et ne devrait être examiné dans l’hémicycle qu’à partir du 23 janvier. (voir le sujet ci-dessous)
Suite du parcours des ordonnances
Les syndicats ont saisi le Conseil d’État
Raison pour laquelle, les recours devant le conseil d’État se sont multipliés cet automne. La CGT en a déposé plusieurs, notamment un sur l’ordonnance relative à la négociation collective dont elle estime qu’elle porte « gravement atteinte » aux droits fondamentaux des salariés. Le mois dernier, c’est la CFDT qui a fait de même en contestant devant le juge administratif la possibilité pour un employeur de moins de 20 salariés « de déroger au code du travail sans négociation avec les représentants du personnel ».
« On peut encore peser sur le contenu des ordonnances »
Ce mercredi, à Paris, plusieurs centaines de salariés ont manifesté pour demander le retrait « des ordonnances Macron ». « On peut encore peser sur le contenu des ordonnances puisqu’elles doivent passer au Sénat en janvier, puis repasser une dernière fois par l’Assemblée nationale. Donc, il faut se battre jusqu’au bout. On voit qu’ils viennent de prendre encore une sixième ordonnance pour muscler leur contenu. Même s’il ne se passe plus rien au niveau national et interprofessionnel, nous, ce qu’on constate sur le terrain, ce sont des grèves, des grèves extrêmement longues » explique Laurent Degousée co-délégué de la fédération Sud Commerce.
Une sixième ordonnance adoptée en conseil des ministres
Effectivement, une sixième ordonnance destinée à apporter des « corrections et des mises en cohérence rédactionnelles » a été adoptée en conseil des ministres. Le texte comporte également plusieurs modifications de fond que déplorent les syndicats. Pour les députés de la France insoumise, elle « amplifie le mouvement » d' « attaques incessantes contre les droits fondamentaux des travailleurs ». Les ordonnances initiales fusionnent les délégués du personnel (DP), les comités d'entreprise (CE), et les CHSCT au sein d'un conseil social et économique (CSE), et donnent la possibilité aux entreprises, par accord majoritaire, d'ajouter les délégués syndicaux (DS), et donc la compétence de négociation, au sein d'une instance unique, nommée conseil d'entreprise.
La sixième ordonnance donne à ce conseil d'entreprise la compétence de négocier des plans de sauvegarde de l'emploi. Un amendement LREM en ce sens a déjà été voté pendant l'examen du projet de loi de ratification des cinq premières ordonnances, mais le ministère du Travail a souhaité, en l'intégrant à la sixième, « favoriser une entrée en vigueur rapide ».
Autre modification: en cas de licenciement économique, le délai de recours de 12 mois s'appliquera même si l'employeur ne l'a pas mentionné dans sa lettre de licenciement. Dans sa rédaction précédente, la loi prévoyait que ce délai ne soit « opposable » au salarié que s'il en avait été fait mention dans la lettre.
Enfin, l'ordonnance précise les modalités de suppression du contrat de génération, mesure phare du quinquennat de François Hollande. Les entreprises qui ont réalisé avant le 23 septembre une embauche donnant droit à une aide ont jusqu'à vendredi pour la réclamer.
Le ministère du Travail planche désormais sur une septième ordonnance, sur le travail détaché, qui doit être prise avant le 15 mars. Le projet de loi d'habilitation adopté en août lui permet de « modifier la législation applicable en matière de détachement ».