Alors que le gouvernement s’apprête à tomber, chacun réfléchit à la suite. A droite, « le nom de François Baroin recircule », glisse le sénateur LR Roger Karoutchi. Au PS, on tend la main. « Nous sommes à la disposition du président de la République », avance Patrick Kanner, à la tête du groupe PS du Sénat. Pour le centriste Hervé Marseille, il faut « trouver une plateforme d’action, comme disent les socialistes, de non censurabilité, pour essayer de trouver un accord ». Les grandes manœuvres ont commencé.
Code du travail : « Prise de contact » entre Emmanuel Macron et les partenaires sociaux
Par Alice Bardo
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Ce matin, c’est Laurent Berger qui a ouvert le bal. Le secrétaire général de la CFDT confie avoir « discuté de la méthode plutôt que du fond » avec le Président, à savoir de la nécessité de laisser le temps de la concertation entre le gouvernement et les partenaires sociaux avant d’adopter la réforme du Code du travail. « J’ai demandé que la méthode ne soit pas à la hussarde », a-t-il répété.
Imbroglio sur le calendrier
Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement, a rappelé jeudi dernier que l’objectif de l’exécutif était « d’être opérationnel à la rentrée », ce qui implique de limiter les discussions à la période estivale. « Juste impossible » de l’avis de Laurent Berger. « Un passage en force » pour son homologue de Force ouvrière. Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, semblait, lui, plutôt optimiste : « Le calendrier a l’air d’avoir bougé » confiait le syndicaliste à sa sortie du Palais de l’Élysée. Et d’ajouter, ironique : « En général quand les ministres reviennent de vacances, ils sont en pleine forme. »
Reçu à midi par Emmanuel Macron, Pierre Gattaz précise pour sa part avoir rappelé au Président « l’urgence des réformes » et glisse quelques minutes plus tard avoir eu quelques « divergences » avec lui, dont une sur le « timing ». Le président du Medef peut toutefois être rassuré car l’Élysée a précisé en début d’après-midi que les discussions ne portaient pas sur le calendrier, contredisant ainsi les propos du leader de la CGT. François Asselin, à la tête de la CPME, a été en mesure de préciser ce calendrier, sa rencontre avec le Président ayant eu lieu à 16h : « Il y aura une grande concertation d’ici l’été, une loi d’habilitation pendant l’été et, à la rentrée, un vote à l’Assemblée nationale sur ces ordonnances. »
L’entourage du Président a également insisté sur sa volonté de faire passer la réforme par ordonnances, ce qu’avait senti Jean-Claude Mailly : « Les ordonnances il en fera. » Une méthode qui ne le gêne pas outre mesure, du moment que l’exécutif « ne précipite pas les choses ».
« Prise de contact » selon Philippe Martinez. « Tour d’horizon » pour Jean-Claude Mailly. Tous s’accordent sur un point : l’entrevue avec le président de la République, d’une heure environ, était plus un échange de points de vue que le point de départ de la concertation. Tous ont obtenu un rendez-vous avec le Premier ministre et la ministre du Travail dans les jours à venir. Demain pour Pierre Gattaz et Jean-Claude Mailly, lundi pour les autres. « Emmanuel Macron donne le cap, c’est le gouvernement avec qui on discutera », rappelle le leader de FO. Philippe Martinez renchérit : « Le Président n’est pas habilité à négocier. » Celui-ci a toutefois fait le choix de les recevoir en tête-à-tête, une première depuis la fin de la présidence Sarkozy.
Le plafonnement des indemnités, « ligne rouge » pour les organisations syndicales
Un Président qui est apparu « à l’écoute » et « attentif » aux yeux de tous. Jean-Claude Mailly ajoute ne pas avoir senti « une volonté de blocage » de sa part et pense avoir « des marges de manœuvres » sur certains points, notamment sur la question des accords de branches et d’entreprises. Dans le cadre de la réforme du Code du travail, Emmanuel Macron souhaite étendre la primauté de l’accord d’entreprise à d’autres domaines, tels les salaires, les conditions de travail ou encore la formation. De quoi déplaire au secrétaire général de FO : « J’ai rappelé l’ADN de FO sur le rôle important de la branche dans les négociations. »
Philippe Martinez a lui aussi alerté le chef de l’État sur « la question du respect de la hiérarchie des normes ». « Il est nécessaire d’avoir des négociations par branches, puis après dans les entreprises », a-t-il ajouté. Côté CGPME, François Asselin plaide pour une « démocratie sociale directe au niveau de l’entreprise, avec un chapeau (au niveau des branches) qui permette d’organiser la compétitivité entre les entreprises de façon loyale ».
Si l’inversion de la hiérarchie des normes est un réel point de crispation, le plafonnement des indemnités prud’homales que l’exécutif souhaite intégrer à sa réforme constitue une « ligne rouge » à ne pas franchir selon les organisations syndicales. Pour Philippe Martinez, l’opposition est telle qu’il n’a pas souhaité « perdre du temps » en évoquant le sujet avec le Président. Il juge la mesure « scandaleuse » : « On n’est pas au supermarché! Il faut tenir compte des conditions du licenciement, de la situation de l’entreprise, de la situation familiale de celui qui est licencié, de l’âge, de l’ancienneté... » De son côté, Pierre Gattaz, qui défend la mesure, tente une comparaison hasardeuse pour justifier le bien-fondé d’un tel plafonnement : « On plafonne bien les peines de prison, pourquoi on ne plafonnerait pas les indemnités prud’homales ? »
« Un chef d’entreprise ça ne va pas dans la rue ça attend »
Outre la réforme du Code du travail, cette rencontre avec le Président a été l’occasion pour chacun de faire valoir ses revendications. Pierre Gattaz a réitéré sa demande de supprimer « deux usines à gaz » : le compte pénibilité - qui fera l’objet d’un « moratoire » a confié Emmanuel Macron à François Asselin quelques heures après sa rencontre avec Pierre Gattaz - et le prélèvement à la source. Il répète à l’envi que « la clé c’est la confiance » et plaide la cause des patrons, ces personnes « tout à fait normales (…) qui stressent quand c’est trop compliqué et qui, par conséquent, n’embaucheront pas ». D’où la nécessité, selon lui, de réformer la fiscalité pour « faire attention aux entreprises qui ont des énormes charges sur la tête » et de mettre fin à l’ « excès de bureaucratie » par la politique du « one in, one out, un texte de loi créé, un texte supprimé ». « Un chef d’entreprise ça ne va pas dans la rue ça attend », ajoute-t-il.
Descendre dans la rue, Philippe Martinez se dit prêt à le faire, comme ce fut le cas lors de l’adoption de loi El Khomri, l’année passée. Ce qu’il souhaite avant tout, « c’est renforcer les droits des salariés ». Un objectif qu’il l’a conduit à rédiger un « Code du travail allégé (…) cinq fois moins épais » que l’actuel. « J’ai promis au Président de lui offrir », assure le leader de la CGT. Il raconte avoir fait plusieurs propositions au Président, dont la hausse du SMIC. » Il conclut : « On n’est pas d’accord mais, au moins, on a échangé ».