Le maintien du passe sanitaire sera conditionné à l’injection d’une troisième dose de vaccin contre le covid-19 pour les personnes âgées de plus de 65 ans. Emmanuel Macron, qui a pris la parole mardi soir, s’est longuement exprimé sur la situation sanitaire, évoquant la menace d’une cinquième vague en Europe. « Nous pouvons continuer à maîtriser la situation si chacun d’entre nous prend sa part », a déclaré le chef de l’État, qui appelle les non-vaccinés à franchir le pas, mais qui a également pointé la baisse des anticorps chez les plus de 65 ans au bout de plusieurs mois. Et d'annoncer à l'attention de ces derniers : « Il nous faut aujourd’hui accélérer. Si vous avez été vaccinés il y a plus de six mois, je vous appelle à prendre rendez-vous. À partir du 15 décembre, il vous faudra justifier d’un rappel pour prolonger la validité du passe sanitaire ».
Une troisième dose de vaccin peut être administrée depuis le 1er septembre aux publics les plus fragiles : les personnes âgées de plus de 65 ans, les résidents en Ehpad, les personnes souffrant de comorbidités, et depuis octobre à certaines catégories professionnelles comme les soignants et les pompiers. Actuellement, sur les 7,7 millions de Français éligibles à ce second rappel, seuls 3,4 millions l’ont effectué. Or, les hospitalisations liées au covid-19 repartent à la hausse depuis plusieurs semaines, en particulier chez les plus âgés, qui représentent actuellement la moitié des patients en soins critiques.
À partir du 1er décembre, tous les plus de 50 ans pourront bénéficier de cette dose de rappel, a également indiqué Emmanuel Macron.
Une nouvelle privation
« C’est un nouveau tour de vis alors que plus de 70 % de la population est déjà vacciné », s’agace auprès de Public Sénat le sénateur centriste Loïc Hervé, opposé par principe au passe sanitaire, qu’il estime être une atteinte majeure aux libertés fondamentales. « Nous faisons face à un niveau de contrainte qui devient insupportable pour nos compatriotes, qui viennent d’être éprouvés par un an de crise », pointe cet élu, pour qui l’exécutif ne fait pas assez confiance au sens de responsabilité des Français. « Renforcer ainsi le passe sanitaire, revient à recourir à la coercition. »
Patrick Kanner, le patron des sénateurs PS, estime d’ailleurs qu’il y a une contradiction dans le discours du présdent de la République, qui appelle les Français non vaccinés à se responsabiliser, mais annonce également une nouvelle obligation pour ceux qui le sont déjà. « Sur le fond je suis favorable à cette troisième dose, s’il faut en passer par là, alors allons-y ! Mais cela ne peut pas se faire au prix d’un chantage social ! », martèle l’ancien ministre de François Hollande.
« Aujourd’hui, c’est le passe sanitaire qui fait de vous un bon citoyen, et si ça n’est pas le cas, le Père Fouettard Macron vous prive de vie sociale ! », résume-t-il. D’autant que l’utilisation de ce sésame pourra être prolongée jusqu’à la fin du mois de juillet, dans le cadre de la prorogation du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire, adopté après des débats houleux au Parlement en fin de semaine dernière.
Dimanche, le président du Sénat, Gérard Larcher, a estimé sur Europe 1 que lier la troisième dose au passe sanitaire nécessitait un débat devant la représentation nationale. Mais ce point n’a pas été abordé par Emmanuel Macron. « Le passe sanitaire est devenu un outil de gestion de nos libertés, et au train où vont les choses, il risque de devenir un passe à vie », commente encore Patrick Kanner.
Éviter la remise sous cloche du pays
Pour le sénateur Xavier Iacovelli, membre du groupe RDPI, le groupe de la majorité présidentielle au Sénat, le gouvernement « poursuit la stratégie qui a été la sienne depuis le début de la campagne de vaccination, et qui consiste à procéder par palier ». À ses yeux, un engorgement des hôpitaux déclencherait des mesures de restriction autrement plus contraignantes. Ce renforcement du passe serait donc un moindre mal : « Il ne s’agit pas d’une vaccination obligatoire – je ne pense pas que la société soit prête pour ça –, mais indirectement, on incite fortement les gens à se responsabiliser, car on ne peut pas sacrifier l’ensemble du pays pour quelques-uns », plaide-t-il, également auprès de Public Sénat.
Chantre d’une obligation vaccinale pour tous - son groupe politique ayant d’ailleurs tenté de faire passer une proposition de loi en ce sens -, Patrick Kanner estime qu’une telle mesure aurait apporté de la clarté à la politique sanitaire. « La campagne de rappel ouverte aux plus de 50 laisse entendre qu’il s’agira bientôt d’une obligation, et ainsi de suite. C’est une politique de gribouille ! », conclut-il.