Le mouvement des gilets jaunes va-t-il se propager parmi les forces de l’ordre ? Dans un contexte de crise sociale et de menace terroriste, la colère qui monte chez des policiers à de quoi fortement inquiéter le gouvernement. Pas de blocage de ronds-points, mais une « journée commissariat mort » lancé par le syndicat Alliance pour mercredi, un mouvement « service minimum-100% prévention » pour Unsa-Police, ou encore un « acte 1 de la colère des forces de l’ordre » lancé solennellement par Unité SGP Police. Sans oublier, l’association MPC (Mobilisation des Policiers en Colère) qui appelle, via le hashtag #GirosBleus, à une manifestation jeudi soir sur les Champs-Élysées.
« Demain, les collègues resteront dans leur commissariat »
« La coupe est pleine. Il faut que le ministre de l’Intérieur et le président de la République prennent conscience des difficultés de notre métier. Il faut autre chose que des serrages de mains, que des mots d’enthousiasme et d’encouragement (….) ça ne suffit plus pour les forces de sécurité ». « Demain, les collègues resteront dans leur unité, dans leur commissariat et ne répondront évidemment qu’en cas d’appels d’urgence pour assurer la sécurité des citoyens » indique Stanislas Gaudon, secrétaire national du syndicat Alliance police nationale.
« L’État doit presque 275 millions d'euros à ses policiers »
Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner qui doit recevoir les syndicats en fin de journée, a relativisé ces appels au service minimum de la part des forces de l’ordre. « Je ne pense pas que les policiers soient gilets jaunes. Je pense que les policiers, au contraire, ont protégé la République quand certains gilets jaunes l'ont attaquée » a-t-il souligné.
Sur le fond, le ministre a déclaré vouloir ouvrir « le chantier » des heures supplémentaires, reconnaissant que l’État devait « presque 275 millions d'euros à ses policiers » avant d’ajouter : « Je ne peux pas dire d'un claquement de doigts que je vais trouver 275 millions d'euros (...). Ça nous prendra un peu de temps, on ne trouve pas comme ça en quelques semaines un tel montant ».
Chez les forces de l’ordre : le taux de suicide est supérieur de 36 % à celui de la moyenne nationale
La source du mécontentement des forces de l’ordre ne remonte pas aux dernières semaines. En effet, le 3 juillet dernier, une commission d’enquête du Sénat publiait son rapport sur « l’état des forces de sécurité intérieure ». « Le malaise est extrêmement profond » constataient les élus. En 2017, 50 policiers et plus de 40 gendarmes s’étaient donné la mort. Soit un taux de suicide supérieur de 36 % à celui de la moyenne nationale relevait le rapport. La « pression migratoire sans précédent », le « risque terroriste fort », la « contestation sociale importante » ont favorisé « l’émergence de syndrome d’épuisement professionnel » peut-on lire. Un climat qui n’a pas changé depuis. Le Sénat faisait aussi état du non-paiement de 22 millions d’heures supplémentaires effectuées par les forces de l’ordre, évaluées à plus de 272 millions d’euros, il y a 6 mois.
« Des véhicules qui ne passeraient même pas le contrôle technique »
Le rapporteur LR de la commission d’enquête, François Grosdidier dénonce un « budget totalement insuffisant » consacré aux forces de sécurité, pourtant augmenté de 3,4% soit une hausse de 575 millions d’euros. « Les crédits de paiement augmentent moins que l’inflation et ils présentent ça comme un exploit alors que ça ne permet même pas de stabiliser l’état de dégradation actuel » relève François Grosdidier avant de préciser. « On a des véhicules qui ont 7 ou 8 ans avec des centaines de milliers de kilomètres et qui ne passeraient même pas le contrôle technique si ce n’étaient pas des voitures de police. Vous avez aussi des locaux insalubres et indignes au sens de la réglementation ». Au-delà d’une simplification de la procédure pénale qui pourrait s’apparenter à un gain de temps pour les fonctionnaires de police, le sénateur préconise également « une loi de programmation, qui sur 5 ans et même plus s’il le faut, rattrape le retard et offre cette perspective dont les policiers et gendarmes ont besoin pour retrouver le moral »
Cet après-midi, le gouvernement a proposé un amendement « exceptionnel » chiffré à 33,5 millions d’euros au projet de loi de finances 2019, fixant une prime exceptionnelle de 300 euros aux forces de l'ordre mobilisées pour faire face au mouvement des « gilets jaunes ».