Collectivités : face à l’augmentation des normes, le Sénat propose « une thérapie de choc »

Collectivités : face à l’augmentation des normes, le Sénat propose « une thérapie de choc »

Dans un rapport présenté le 26 janvier, le Sénat formule une série de recommandations au gouvernement pour en finir avec l’inflation normative. Un sujet crucial pour la chambre haute, représentante des collectivités territoriales.
Henri Clavier

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

2 milliards d’euros entre 2017 et 2021, voici le montant, selon le rapport, des dépenses entraînées par l’adaptation des collectivités territoriales aux nouvelles normes juridiques. Un serpent de mer pour les collectivités territoriales qui se plaignent du nombre croissant de normes auxquelles elles sont assujetties. Le Code général des collectivités territoriales (CGCT) a ainsi triplé de volume entre 2002 et 2022 pour atteindre le million de mots aujourd’hui. Le code de l’urbanisme a lui aussi connu une augmentation soutenue (+44 %) du nombre de mots lors des dix dernières années. Face à ce constat, les auteurs du rapport rappellent que « La norme a vocation à donner un cadre d’action aux politiques publiques locales, certainement pas à étouffer les initiatives locales. La norme doit permettre et non entraver. »

Les auteurs du rapport, Françoise Gatel, sénatrice centriste d’Ille-et-Vilaine, et Rémy Pointereau, sénateur LR du Cher identifient plusieurs facteurs responsables de ce phénomène. En premier lieu, Rémy Pointereau regrette un recours massif à la « norme magique » à savoir la présentation d’une loi dans le but de contenter l’opinion publique. La surtransposition des normes européennes, c’est-à-dire l’ajout de dispositions dépassant les objectifs posés par la directive, contribue largement à ce phénomène. En janvier 2016, le Sénat avait pourtant voté, à l’initiative de Rémy Pointereau, une proposition de loi fixant le principe d’interdiction de la surtransposition des textes européens sans que l’Assemblée nationale ne donne suite. De son côté, Françoise Gatel évoquait, en juillet 2022, « les décrets d’application quasi kafkaïens, qui déforment l’esprit de la loi, nous conduisent collectivement dans une impasse. »

L’entrée en vigueur en 2009 d’une loi organique imposant de joindre une étude d’impact, pour définir les objectifs et les solutions non-législatives envisageables, n’a pas permis d’endiguer l’inflation normative.

La nécessité d’un meilleur contrôle a priori

Au travers des recommandations formulées, le rapport insiste sur la nécessité d’une meilleure collaboration entre l’exécutif, le Parlement et les collectivités territoriales. Face à l’inefficacité des études d’impact, devenues des « plaidoyers pro domo », le rapport préconise de renforcer la sincérité des études d’impact en les faisant certifier par le Conseil National d’évaluation des normes (CNEN).

L’objectif est de faire du CNEN, chargé d’évaluer l’impact technique et financier des normes applicables aux collectivités territoriales, un véritable garant de l’utilité de la norme. D’une part, en augmentant les moyens humains et financiers à sa disposition. D’autre part, en contraignant le gouvernement à présenter une « étude d’options » au CNEN afin d’évaluer la pertinence du projet de loi.

Les auteurs du rapport souhaitent également que le gouvernement présente, à chaque début de session, les principales mesures législatives et réglementaires relatives aux collectivités territoriales afin d’évaluer leur pertinence. Le Sénat entend jouer un rôle de veille et d’alerte en amont du dépôt d’un projet de loi afin de remplir « son rôle de gardien vigilant du processus de fabrique des réformes impactant les collectivités territoriales. » La chambre haute cherche donc à renforcer la concertation et organisera les États généraux de la Simplification le 16 mars 2023.

« Chaque loi territoriale devrait prévoir, pour ses dispositions les plus importantes, des clauses de réexamen »

Au-delà de la prévention et de l’anticipation, la possibilité d’introduire des clauses de réexamen ou des clauses dites « guillotines » au sein des textes est envisagée par le rapport. Inspirées des « sunset clause » britanniques, les clauses guillotines permettraient, à une certaine échéance, d’évaluer le texte au regard des objectifs initialement fixés. En cas d’incapacité à améliorer l’action publique, la loi peut faire l’objet d’une modification substantielle voire d’une suppression.

Le rapport pointe la nécessité d’introduire un contrôle a posteriori des normes et de transformer la culture française en la matière, « Ces démarches évaluatives demeurent encore trop rares en France en comparaison des pratiques de certains de nos voisins tels que les Pays-Bas ou l’Allemagne. »

Dans la même thématique

Collectivités : face à l’augmentation des normes, le Sénat propose « une thérapie de choc »
4min

Politique

Liens du RN avec la Russie : « Je savais que le rapport de Renaissance serait injuste, pas qu’il serait malhonnête ! », dénonce Jean-Philippe Tanguy

Invité de la matinale de Public Sénat ce jeudi 5 juin, le député RN Jean-Philippe Tanguy rappelle avoir saisi la justice contre sa collègue, la députée Renaissance Constance Le Grip. Il lui reproche d’avoir éventé le contenu d’un rapport d’enquête sur les ingérences étrangères, qui dénonce notamment la proximité du RN et de la Russie.

Le

Collectivités : face à l’augmentation des normes, le Sénat propose « une thérapie de choc »
2min

Politique

Retraites : « La Constitution a été respectée, je ne vois pas pourquoi deux mois après on reviendrait sur ce texte » s’étonne Philippe Manière.

La réforme des retraites a beau avoir été adoptée mi-avril sans vote du Parlement, les oppositions tentent toujours d’abroger un texte qu’elles estiment injuste. Les élus du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT) ont mis sur la table une proposition de loi visant à faire revenir l’âge légal à 62 ans. Mais avant son éventuel examen le 8 juin, la majorité présidentielle est parvenue ce mercredi à supprimer sa principale mesure en commission. Est-il normal de vouloir débattre d'une loi récemment adoptée par le Parlement ?

Le

7min

Politique

Sénatoriales 2023 dans le Pas-de-Calais : la multiplication des candidatures

Dans le Pas-de-Calais, les listes se dessinent petit à petit. Face à une gauche qui part en ordre dispersé, la stratégie du camp présidentiel est encore floue et suspendue à la candidature de l’ex-ministre Brigitte Bourguignon. La droite mise sur la continuité et réinvestit ses sortants dans une liste mêlant LR et UDI. Le RN espère bien obtenir un siège dans ce fief de Marine Le Pen, dans la foulée de la vague frontiste des législatives.

Le

Paris: Senate pension debat
8min

Politique

Immigration : que contiennent les deux propositions de loi LR ?

Les deux propositions de loi constitutionnelle et ordinaire présentées par les Républicains ont été déposées au Sénat cette semaine. Le texte ordinaire composé de plus de 56 articles reprend les mesures du rapport adopté par la commission des lois en mars avec quelques nouveautés sur la restriction du droit du sol et les procédures d’éloignement.

Le