Le « pacte de confiance » avec les collectivités territoriales voulu par le gouvernement a-t-il du plomb dans l’aile ? L’annulation de 300 millions d’euros de dotations, révélée ce matin dans la presse, a eu l’effet d’une bombe auprès des élus locaux et de leurs représentants, les sénateurs.
Le ministère de la Cohésion des territoires a expliqué à l’AFP que ces annulations « porteront sur des projets non engagés ». Interrogé à l’issue du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner a considéré qu’il s’agissait d’un « exercice plus comptable que politique ».
Très remonté contre ces réductions, le député socialiste Olivier Dussopt, par ailleurs président de l'Association des petites villes de France, a pris à parti le gouvernement lors des questions d’actualité à l’Assemblée nationale ce mercredi. Le ministre de l'Action et des Comptes publics Gérald Darmanin lui répondu, martelant une fois de plus l’insincérité du budget 2017 et relativisant le montant : « C’est 0,3% des crédits de l’ensemble des concours financiers de l’État aux collectivités qui sont prévus par ce décret ».
« Ce gouvernement fait les poches des collectivités territoriales »
Les élus au Sénat, chambre qui représente les collectivités territoriales, ne mâchent pas leurs mots. « Ce gouvernement fait les poches des collectivités territoriales », a réagi à notre micro le chef de file des Républicains Bruno Retailleau, qui juge la mesure « injuste ». Énumérant la polémique sur le nombre d’élus locaux, la suppression progressive de taxe d’habitation, les 13 milliards d’économies ou encore la fin programmée de la réserve parlementaire, le sénateur de la Vendée y voit une nouvelle illustration d’un « positionnement anti-collectivités locales ».
« Ce gouvernement fait les poches des collectivités territoriales », s'insurge Bruno Retailleau
Images : Aurélien Romano
« M. Macron était bien au courant, lorsqu’il était candidat, des difficultés du pays », a observé le sénateur écologiste Jean Desessard, qui pointe un revirement par rapport aux engagements de campagne du candidat.
Collectivités : « M. Macron était bien au courant, lorsqu’il était candidat, des difficultés du pays », critique Jean Desessard
Images : Aurélien Romano
Un « décret scélérat »
Sur Twitter, les réactions des sénateurs sont tout aussi vives. « C'est à la sulfateuse que le gouvernement Macron s'occupe des collectivités », attaque le sénateur socialiste Gilbert Roger.
Un « décret scélérat », pointe de son côté la sénatrice de l’Orne Nathalie Goulet (Union centriste).
Ce décret en question a été signé quelques jours après la Conférence des territoires qui s’était réuni au Sénat, ce que rappelle son président Gérard Larcher, qui dénonce une « brutalité qui fragilise quartiers et territoires ruraux ».
Lors de cette conférence du 17 juillet, le président de la République s’était « engagé » à « ne pas procéder par baisse brutale de dotations. Du moins, pour l’année 2018 :
« Moi je vous fais confiance. La logique budgétaire, c’est de couper les dotations budgétaires en 2018. Nous ne le ferons pas. Mais avec un pari, c’est que les collectivités locales, avec toutes leurs composantes, sauront prendre pour 2018 la part de ce qu’il leur revient, en baisse de dépenses de fonctionnement et d’investissements bien comprises sans que nous ayons à passer par les dotations, considérant que la dotation c’est ce qui donne de la lisibilité. »
"Nous ne procéderons pas par baisses brutales de dotations", déclarait Emmanuel Macron à la Conférence des territoires
Emmanuel Macron, lors de la Conférence des territoires, le 17 juillet 2017
Malgré les justifications du gouvernement, la colère des élus locaux ne semble pas retomber. Le maire socialiste André Laignel, premier vice-président de l’Association des maires de France, voit dans ce décret une trahison fragilisant la reprise et les collectivités territoriales ». Pour l’édile, ce « coup de rabot en toute discrétion » et un « non-sens économique ».
L'opposition des sénateurs, qu'elle vienne de la droite comme de la gauche, est d'autant plus virulente que des dizaines d'entre eux font actuellement campagne auprès des élus locaux pour assurer leur réélection le 24 septembre, lors des prochaines élections sénatoriales.