Tourner la page de la fronde des élus locaux. Le gouvernement débute au Sénat l’examen de son texte engagement et proximité. Un projet de loi portée par le ministre chargé des Collectivités locales, Sébastien Lecornu. Le texte, sur lequel près de 1000 amendements ont été déposés, entend renforcer la place des maires au sein des intercommunalités, comme leur autorité, après la mort du maire de Signes dans l’exercice de ses fonctions, et assurer un statut aux élus. Autant de remèdes à la crise des vocations, qui touche les petites communes.
Se montrer à l’écoute après la fronde des élus locaux
Au début du quinquennat, les choses avaient plutôt mal commencé pour Emmanuel Macron. Ses relations avec les élus locaux s’étaient vite détériorées. Les trois principales associations d’élus – communes, départements, régions – se sont alliées pour faire front commun au sein de « Territoires unis ».
Depuis, la crise des gilets jaunes et le grand débat, où Emmanuel Macron a passé 96 heures devant les élus locaux, sont passés par là. Le chef de l’Etat a décidé que l’acte II du quinquennat se ferait par l’écoute et la concertation. Les textes sur les collectivités ne coupent pas à ce changement de méthode.
Plutôt que de partir de zéro, l’exécutif est allé s’appuyer sur ceux qui connaissent bien les élus locaux : les sénateurs. La Haute assemblée, à commencer par son président, Gérard Larcher, est à leur chevet. Le Sénat représente les collectivités, selon la Constitution, et multiplie les initiatives depuis des années. Il a pour le coup une longueur d’avance sur le sujet.
« Nous savons aussi parfois faire front commun »
Pour son texte, Sébastien Lecornu s’est donc « inspiré » largement des travaux du Sénat. Preuve de cette entente cordiale : à l’ouverture de la discussion générale, ce mardi 8 octobre, le ministre et les sénateurs ne se sont pas privés pour s’envoyer des fleurs. Ça change de certains textes. L’ambiance était tout autre, récemment, sur le projet de loi de Bruno Poirson sur l’économie circulaire.
Le ministre s’est dit « engagé auprès de vous (les sénateurs), pour que nous soyons dans une coproduction la meilleure possible » (voir la première vidéo). Jean-Marie Bockel, président UDI de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, a tenu à « saluer l’esprit de dialogue des ministres Gourault et Lecornu, avec lesquels nous avons travaillé très en amont du projet de loi ». « Il est temps de montrer que sur ces questions, nous savons aussi parfois faire front commun. Car ce qui est en jeu, c’est avant tout la démocratie locale, la vitalité de cette France communale » ajoute le sénateur LR de l’Ardèche, Mathieu Darnaud, co-rapporteur du projet de loi. Regardez :
Mathieu Darnaud (LR) « Nous savons aussi parfois faire front commun » pour les maires
« Nous sommes passés de #balancetonmaire à #cajoletonélu »
Le Sénateur PS Eric Kerrouche a cassé un peu la bonne ambiance. « En moins d'un an, nous sommes passés de #balancetonmaire à #cajoletonélu » lance l’élu, qui ironise (voir vidéo ci-dessous) :
« Si on était moqueur, on ne pourrait que souligner l’heureux calendrier de ce texte qui, par le plus grands des hasards et car il est forcément très utile, doit forcément être voté avant les élections municipales ».
Le socialiste pense que ce nouvel « intérêt pour les élus locaux » sera « prolongé jusqu’en septembre 2020 », soit au moment des prochaines sénatoriales. S’il reconnaît être « sévère », Eric Kerrouche reconnaît néanmoins « certaines mesures utiles », comme le « pacte de gouvernance » entre communes et intercos ou « l’amélioration de la prise en charge des frais de déplacement » pour les élus.
Eric Kerrouche (PS) « Nous sommes passés de #balancetonmaire à #cajoletonélu »
La communiste Cécile Cukierman dénonce de son côté un texte au « manque criant d’ambition » qui ne revient pas « à la source de conséquences néfastes ». Mais la sénatrice PCF de la Loire salue au moins le « coup d’arrêt avec les projets passés » car « pour la première fois, on ne cherche plus à grossir » les intercommunalités.
« Des corrections oui, le grand soir non »
Reste que sur le fond, ce projet de loi est globalement bien accueilli et était attendu. L’idée de Sébastien Lecornu est de « converger sur un texte pragmatique ». « Des corrections oui, le grand soir non » lance le ministre. Les élus ne veulent pas d’un nouveau « bing bang » territorial, après des années de réformes.
Le texte redonne plus de place à la commune au sein de l’intercommunalité. Sur ce point, si les sénateurs saluent l’effort du gouvernement, ils vont plus loin. C’est l’un des rares points de divergence. Ils donnent encore plus de « souplesse », explique la sénatrice UDI Françoise Gatel, l’autre rapporteur du texte, en ouvrant la voie « à un transfert à la carte des compétences facultatives » vers les intercos ou en « supprimant les compétences optionnelles ».
« On a parfois laissé les maires trop seuls »
L’autre point fort du texte renforce l’autorité du maire et son pouvoir de police. Après la mort du maire de Signes, le Sénat avait de son côté lancé une grande consultation des maires sur les incivilités. Il en ressort un plan d’action (voir notre article) qui a nourri le texte au Sénat.
« Là aussi, on a parfois laissé les maires trop seuls » souligne le membre du gouvernement, ancien maire de Vernon (Eure). Le gouvernement souhaite que l’Etat prenne à sa charge l’accompagnement juridique pour les maires. Sebastien Lecornu salue, là aussi, « les travaux de la commission des lois qui souhaite enrichir » la copie de l’exécutif.
Augmentation des indemnités et formation
Le texte porte enfin la question du statut de l’élu. C’est l’arlésienne des débats d’élus locaux. En 2012, lors des états généraux des collectivités organisés par l’ancien président PS du Sénat, Jean-Pierre Bel, le sujet était sur toutes les lèvres (lire notre article). Pour mieux aider les élus, le gouvernement se penche aujourd’hui sur leur formation, ou la question de la prise en charge des frais de garde pour les maires des communes jusqu’à 3.500 habitants.
Autre point : l’augmentation des indemnités des maires dans les petites communes (lire notre article). Sur ce point, la version sénatoriale diffère quelque peu, mais le ministre a salué le fait que « le Sénat a pris cette question à bras-le-corps ». Preuve encore que, le temps d’un texte, gouvernement et sénateurs se retrouvent presque bras dessus, bras dessous, pour aider les élus.