Gérard Collomb s'est offert un destin national tardif en devenant premier de cordée de la Macronie mais cet ex-baron socialiste, qui a quitté avec fracas l'Intérieur, n'a jamais fait le deuil de ce qui constitue son ADN politique: Lyon.
Quatre décennies de vie politique entre Rhône et Saône et un poste prestigieux de ministre d’État place Beauvau, n'auront pas suffi à le détourner de son tropisme local. "Il est obnubilé par Lyon", résument des sources à Beauvau.
Considéré comme un fidèle parmi les fidèles d'Emmanuel Macron, Gérard Collomb, 71 ans, est allé jusqu'à tordre le bras de l'exécutif, dans un psychodrame politique inédit, pour préparer son retour dans la capitale des Gaules. Objectif: garder dans son giron l'hôtel de la Ville et la métropole à l'issue des futures batailles électorales de 2020.
Entré au conseil municipal de la ville en 1977, année de naissance du président de la République, cet ex-professeur de lettres classiques a cumulé toutes les charges électives locales.
Né le 20 juin 1947 à Chalon-sur-Saône, d'une mère femme de ménage et d'un père ouvrier, il est élu une première fois député en 1981.
Hier rocardien, proche de Pierre Mauroy, celui qui a abandonné sa carte du PS pour La République en Marche, revendique encore une étiquette de gauche, mais celle du "réalisme et de l'action".
Une affirmation qui fait rire sous cape ses opposants locaux qui le dépeignent volontiers en "autocrate". C'est "un homme d'équilibre", plaide au contraire un proche. "C'est un vrai Lyonnais, plus centriste que lui, on ne peut pas", dépeint un ex-soutien.
Élu maire du 9e arrondissement en 1995, il devient sénateur du Rhône quatre ans plus tard.
Il attendra 2001, et trois échecs, pour faire basculer Lyon, bastion réputé inexpugnable du centre et de la droite. Ce Franc-Maçon revendiqué y mènera une politique urbanistique ambitieuse et tournée vers le développement économique.
Longtemps en marge avant d'être en Marche, cet éternel outsider du PS a attendu que sa famille politique le récompense d'un poste au gouvernement. En vain.
- "Avec regret" -
"Il y a quelques années, j'avais l'ambition d'être ministre mais cela m'avait passé", confiait au printemps Gérard Collomb à l'AFP. Son "coup de foudre" avec Emmanuel Macron, en qui il a vu l'incarnation nationale de son social-réformisme local, a tout changé.
Avec l'ex-ministre de l'Economie, l'aventure commence dès l'été 2015 à Léognan (Gironde), où l'aile droite du PS avait convié celui que le reste du parti boudait à La Rochelle.
Puis en juin 2016, alors que le futur président était encore à Bercy mais avait déjà lancé son mouvement, le maire de Lyon lui déroule le tapis rouge à l'Hôtel de Ville pour une rencontre avec les forces vives de la métropole.
Une réception qui depuis fin juin 2018 est au cœur d'une enquête préliminaire confiée à la police judiciaire pour détournements de fonds publics, après une plainte d'élus de droite.
Catapulté à près de 70 ans ministre de l'Intérieur, numéro deux du gouvernement, Collomb fait voter une loi antiterroriste qui sort la France de l'état d'urgence mais hérisse les défenseurs des libertés publiques.
Lance aussi une police de sécurité du quotidien qui ne convainc guère en interne. S'attire les foudres de la gauche et de la droite pour sa réforme de l'asile et de l'immigration, un test réussi pour la jeune majorité qu'il a su piloter avec doigté.
Place Beauvau, il n'a que quelques mètres à parcourir pour rejoindre l’Élysée, où chaque semaine, il rencontre Emmanuel Macron. L'affaire Benalla viendra écorner une "relation quasi fusionnelle".
Mais dans un ministère marqué par les Sarkozy, Valls et consorts, la greffe peine à prendre. Il est moqué pour son verbe parfois brouillon, ses gaffes ou ses nombreux voyages lyonnais.
Mercredi matin, lors de la passation de pouvoir avec Édouard Philippe qui assure l'intérim, M. Collomb a dit quitter "avec regret" l'Intérieur. A Beauvau, beaucoup estiment néanmoins que les questions de sécurité ne l'ont jamais franchement passionné.
En même temps, M. Collomb, qui va récupérer son fauteuil de maire clame dans une interview son "envie de retrouver les Lyonnais et de construire l'avenir avec eux".