La condamnation de Nicolas Sarkozy à 5 ans de prison ferme pour association de malfaiteurs, assortie d’un mandat de dépôt avec exécution provisoire, dans le procès du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, va envoyer l’ancien Président tout droit en prison. Face à ce coup de tonnerre, plusieurs personnalités politiques de droite, comme le sénateur LR Stéphane Le Rudulier, demandent à Emmanuel Macron une grâce présidentielle.
Rappelons que depuis son élection en 2017, Emmanuel Macron a entretenu de bonnes relations avec Nicolas Sarkozy, le consultant et le voyant de manière répétée, avant que leur relation ne se semble se refroidir, depuis que l’ancien chef de l’Etat a vu sa Légion d’honneur retirée, après sa condamnation dans l’affaire des écoutes.
Sur la totalité ou une partie de la peine
Cette fois, pas de bracelet électronique comme dans cette précédente affaire. S’il veut échapper à l’incarcération, il devra compter sur la grâce présidentielle. Comment ce pouvoir très spécial, octroyé au président de la République, fonctionne-t-il ? Héritage du droit romain et de droit monarchique, c’est aujourd’hui l’article 17 de la Constitution de 1958 qui donne au Président ce pouvoir. Un article très court, qui dit : « Le président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel ». Il lui permet de décider de dispenser une personne condamnée d’exécuter sa peine. Cette grâce s’applique soit pour la totalité de la peine, soit pour une partie.
A noter, qu’il ne faut pas confondre la grâce, émanant donc d’une décision du Président, de l’amnistie, qui est un acte législatif relevant de la compétence du Parlement.
Pour bénéficier de la grâce, la personne doit être condamnée à une peine d’emprisonnement ou à une peine d’amende. La grâce ne porte que sur les sanctions pénales, et non civiles et administratives. L’ancien chef de l’Etat peut donc en bénéficier.
Pour bénéficier du droit de grâce, la condamnation doit être définitive, ce qui n’est pas le cas pour Nicolas Sarkozy
Mais point important, dans le cas de Nicolas Sarkozy : pour pouvoir bénéficier de la grâce, « la condamnation doit être définitive », selon le site service-public.fr. Or l’ex-Président a annoncé son intention de faire appel. Ce recours ne rend donc pas définitive la décision. Par conséquent, il ne peut encore, pour l’heure, solliciter de grâce présidentielle.
« Aucun texte ne prévoit de condition de condamnation définitive pour l’octroi d’une grâce », précise ce vendredi Anne Ponseille, maître de conférences en droit privé à la faculté de droit et de Science politique de Montpellier, au site Le club des juristes, « mais la doctrine majoritaire s’accorde pour dire qu’il s’agit d’une condition de recevabilité ».
La demande peut être faite par le condamné, un avocat, la famille ou un ami
Techniquement, une demande de grâce présidentielle doit être adressée par écrit à la présidence de la République, par le condamné, un avocat ou même un membre de la famille ou un ami. Le dossier est ensuite étudié par un service du ministère de la justice, la Direction des affaires criminelles et des grâces.
Si le Président accepte de gracier une personne condamnée – il n’est pas obligé de justifier sa décision – un décret de grâce est pris. Il est signé du président de la République et contre signé par le premier ministre et par le ministre de la Justice. Il n’est pas publié au Journal officiel. En cas de grâce, la décision n’efface en revanche pas la condamnation, qui figure toujours au casier judiciaire.
« Si un jour je devais avoir des responsabilités, l’une des premières choses que je ferais, c’est de supprimer le droit de grâce », affirmait Nicolas Sarkozy en 2006
Il faut savoir que le droit de grâce a changé, sous la Ve République. S’il était largement utilisé par Charles de Gaulle ou Georges Pompidou, il est aujourd’hui très rare. Surtout après une révision constitutionnelle de 2008, qui a supprimé la grâce collective, sous la présidence d’un certain… Nicolas Sarkozy. La même année, il gracie, à titre individuel, 27 détenus « exemplaires », dont l’ancien préfet Jean-Charles Marchiani. François Hollande eu recours à la grâce présidentielle à une quarantaine de reprises, selon Libération, et Emmanuel Macron qu’une seule fois, jusqu’à présent.
Mais ce pouvoir aurait pu disparaître. Alors ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, toujours lui, déclarait, le 8 juin 2006 : « Si un jour je devais avoir des responsabilités, l’une des premières choses que je ferais, c’est de supprimer le droit de grâce et l’amnistie ». Il ne l’a finalement pas supprimée. Près de 20 ans après, il pourrait bien en avoir besoin. Mais la décision ne dépend plus de lui.