Deux discours et deux votes en deux jours. Le gouvernement lance l’acte II du quinquennat Macron en s’adressant à l’Assemblée nationale et au Sénat. Tout commencera cet après-midi, où Édouard Philippe fera une déclaration de politique générale en vertu de l’article 49-1 de la Constitution devant les députés. Le Palais Bourbon votera ensuite la confiance. Si le gouvernement n’obtient pas la majorité des voix, il tombera, et un remaniement sera organisé. Cette situation est néanmoins improbable, puisque la majorité gouvernementale (LREM + MoDem) compte 343 élus au 126 rue de l’Université.
Simultanément, le ministre d'État François de Rugy lira la même déclaration au Palais du Luxembourg. Mais les sénateurs ne voteront pas aujourd’hui. Car demain, Édouard Philippe prononcera un nouveau discours -différent de celui de mercredi- devant les élus à 9 h 30, en vertu de l’article 49-4 de la Constitution. (Un discours que vous pourrez suivre en direct sur notre antenne.)
Cet alinéa 4, qui a « la faculté de demander au Sénat l'approbation d'une déclaration de politique générale », n’a qu’une valeur symbolique. En effet, le vote qui suivra, même s’il ne donne pas raison à Édouard Philippe, ne permettra pas de renverser le gouvernement.
Pourquoi un nouveau discours au Sénat ?
Outre le symbole, l’exécutif pense tactique et regarde aussi vers la réforme constitutionnelle. Cette dernière avait été avortée en juillet 2018 avec le feuilleton de l’affaire Benalla. Néanmoins, Emmanuel Macron a annoncé en avril qu’elle devait être étudiée par le Parlement « durant l’été », mais le calendrier est encore flexible car le texte n'est toujours pas passé en Conseil des ministres.
Pour la faire adopter, deux possibilités existent, la voie référendaire ou la voie parlementaire. L’exécutif a choisi la seconde option, qui nécessite le vote d’au moins trois cinquièmes du Parlement (Sénat et Assemblée nationale réunis). La majorité gouvernementale compte 371 élus (343 députés et 28 sénateurs). Or, pour que la réforme soit votée, il faut réunir à minima 556 sièges. L’occasion donc pour le gouvernement avec ce vote sans enjeu au Sénat de compter ses troupes et voir quels élus supposés membre de l’opposition seraient Macron-compatibles. Le Premier ministre voudra également apaiser les tensions avec la majorité sénatoriale en abordant des sujets liés à la haute chambre à savoir les collectivités territoriales.
Et les yeux vont surtout être rivés sur la droite, car, comme nous l’expliquions dans cet article, plusieurs sénateurs LR pourraient s’abstenir et ne pas voter contre la déclaration de politique générale d’Édouard Philippe, divisant ainsi le groupe. Des réunions de groupe des sénateurs LR et UC ont lieu cet après-midi après la prise de parole de François de Rugy afin de définir une ligne de conduite. Une énième division chez Les Républicains qui interviendrait alors que de nombreux élus locaux ont appelé récemment à soutenir Emmanuel Macron. Certains sénateurs comme Roger Karoutchi ou Jean-Raymond Hugonet n'hésitent pas à parler de « piège » pour qualifier le vote qui suivra le discours d'Édouard Philippe.
À l’Assemblée nationale, la problématique est là même. Il s’agira pour Édouard Philippe de compter les abstentions nouvelles et les votes en sa faveur venant des groupes d’opposition.
Les votes au Palais Bourbon ce mercredi et au Sénat ce jeudi, bien que sans risques, pourraient tout de même être déterminants pour le gouvernement. Car l’exécutif serait prêt à abandonner la réforme constitutionnelle d’après les propos d’Édouard Philippe rapportés par Le Journal du dimanche. « Si on n'a pas la certitude d'aboutir, s'engager dans ce process(us) n'aurait pas de sens », aurait-il expliqué.
Une utilisation peu fréquente du 49-4
Les déclarations de politique générale sans vote en vertu de l’alinéa 1 de l’article 49 sont plutôt fréquentes au Sénat, puisque trois se sont déroulés sous le quinquennat Hollande, deux sous le quinquennat Sarkozy et trois sous le deuxième de Jacques Chirac.
L’utilisation de l’alinéa 4, provoquant un vote symbolique, est lui assez rare. Sa dernière utilisation remonte au 25 novembre 2010. À l’époque, la haute assemblée avait donné son approbation à la déclaration de politique générale de François Fillon par 180 voix contre 153. Avant lui, les sénateurs s’étaient prononcés par un vote sur la politique générale du gouvernement seulement 16 fois depuis le début de la Cinquième République.