La crise des gilets jaunes a donc poussé Emmanuel Macron à revenir à la méthode qui l’a porté en tête de l’élection présidentielle. Pas de « grande marche » cette fois-ci mais un grand débat national destiné à répondre directement, par des débats, aux aspirations des Français qui s’expriment dans la rue depuis maintenant neuf samedis.
Sur quels sujets les Français vont pouvoir s’exprimer ?
Dans sa lettre le chef de l’État fixe quatre grands thèmes. « La fiscalité et les dépenses publiques, l’organisation de l’État et des services publics, la transition écologique, la démocratie et la citoyenneté ».
Dans chacun de ces sujets, Emmanuel Macron ne se prive pas de faire quelques propositions voire de fixer un cadre. Sur la fiscalité par exemple, le Président indique : « Nous ne pouvons, quoi qu’il en soit, poursuivre les baisses d’impôt sans baisser le niveau global de notre dépense publique ». En ce qui concerne le rétablissement de l’impôt sur la fortune, l’une des principales demandes exprimées par les gilets jaunes, le chef de l’État, sans le citer précisément, semble l’exclure au motif que les mesures « viennent d’être votées et commencent à peine à livrer leurs effets ». Ce sera donc au « Parlement de les évaluer « de manière transparente et avec le recul indispensable ».
Autre exemple, la démocratie, un thème dans lequel Emmanuel Macron fait plusieurs propositions. « Faut-il reconnaître le vote blanc ? Faut-il rendre le vote obligatoire ? Quelle est la bonne dose de proportionnelle aux élections législatives pour une représentation plus juste de tous les projets politiques ? Faut-il, et dans quelles proportions, limiter le nombre de parlementaires ou autres catégories d’élus ? Quel rôle nos assemblées, dont le Sénat et le Conseil Économique, Social et Environnemental doivent-ils jouer pour représenter nos territoires et la société civile ? Faut-il les transformer et comment ? » interroge-t-il.
On notera que le chef de l’État ne souhaite pas revenir sur la politique de la France en matière d’asile, mais ouvre la porte à une réforme sur l’immigration. « Souhaitez-vous que nous puissions nous fixer des objectifs annuels définis par le Parlement ? Que proposez-vous afin de répondre à ce défi (immigration NDLR) qui va durer ? »
Dans quel cadre ?
Les consultations démarrent mardi 15 janvier avec le déplacement du chef de l’État à Grand Bourgtheroulde dans l’Eure où il donnera personnellement le coup d’envoi du « grand débat national ». Si certains élus ont d’ores et déjà fait part de leurs réserves à organiser ces consultations inédites, c’est pourtant sur eux que compte s’appuyer Emmanuel Macron, assurant par exemple que les maires ont « un rôle essentiel car ils sont vos élus et donc l’intermédiaire légitime de l’expression des citoyens ». Emmanuel Macron évoque également la possibilité de débats organisés par « des responsables associatifs, ou de simples citoyens », « dans les assemblées parlementaires comme régionales ou départementales ».
Qui pour piloter ?
Après la polémique sur sa rémunération, Chantal Jouanno présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP) avait finalement décidé de jeter l’éponge. Sur Twitter, l’ancienne sénatrice constate que la mission de la CNDP était accomplie et s’arrêtait au lancement du débat ». « La CNDP n’a pas été saisie pour poursuivre la mission au-delà » précise-t-elle avant d’ajouter : « Dès lors que le Gouvernement a décidé de reprendre le pilotage du Grand débat national, la CNDP qui est une autorité neutre et indépendante n’y a plus sa place. »
Selon plusieurs sources gouvernementales, deux ministres seront chargés d'animer le grand débat national. Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, sera chargée de l'organisation générale du débat et de la mobilisation de la société civile. Sébastien Lecornu ministre chargé des Collectivités territoriales, s’occupera lui de la mobilisation des élus.
L’exécutif pourrait également s’adjoindre les services de « sages », de « garants » indépendants du grand débat national, dont Jean-Paul Bailly, ancien PDG de la RATP devrait faire partie. Un temps évoqué par François de Rugy, l’ancienne patronne de la CFDT, Nicole Notat ne figurera finalement pas dans la liste.
À l’issue de la consultation nationale prévue le 15 mars, le Président « s’est engagé à rendre compte des conclusions directement aux Français « dans le mois qui suivra la fin du débat ». Toutefois, Emmanuel Macron prévient : « Ce débat est une initiative inédite dont j’ai la ferme volonté de tirer toutes les conclusions. Ce n’est ni une élection, ni un référendum ».