Au Sénat, le directeur de l’information de Cnews sous le feu des questions
La commission d’enquête sur la concentration des médias recevait, vendredi 10 décembre, les directeurs des rédactions de LCI, de BFMTV, et de Cnews. L’audition s’est très vite centrée sur la ligne éditoriale particulière de la chaîne d’information du groupe Bolloré qui « a reçu plusieurs mises en demeure pour des expressions racistes ».
Par Héléna Berkaoui
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« A Cnews, il y a des opinions mais ce n’est pas une chaîne d’opinion », a affirmé le directeur de l’information de la chaîne d’information du groupe Canal + devant la commission d’enquête sur la concentration des médias.
Les directeurs des rédactions de LCI et de BFMTV, ainsi que le directeur de l’information de Cnews étaient auditionnés devant la commission sénatoriale, vendredi 10 décembre. L’audition s’est très vite recentrée sur le rôle de la chaîne d’information du groupe de Vincent Bolloré.
Le rapporteur socialiste, David Assouline, a assailli le directeur de l’information de Cnews de questions. « Vous avez à plusieurs reprises reçu des mises en demeure pour des expressions racistes », a d’abord soulevé le sénateur PS de Paris rappelant également la mise en demeure du CSA pour leur manquement aux obligations en matière de pluralisme politique.
En face, le directeur de l’information de Cnews a fait valoir que la condamnation pour provocation à la haine raciale visant leur ancien éditorialiste, Éric Zemmour, était contestée devant le Conseil d’Etat. Une procédure qui concerne les propos du polémiste d’extrême-droite sur les mineurs isolés qu’il avait qualifiés « de voleurs, d’assassins et de violeurs ». La chaîne a déjà été sanctionnée par le CSA d’une amende de 200 000 euros pour « incitation à la haine » et « à la violence ».
Le directeur de l’information de Cnews, Thomas Bauder, s’est aussi défendu de porter une ligne éditoriale partisane :
« En France, il n’y a pas de télé d’opinion, c’est interdit. Nous ne travaillons ni pour un parti, ni pour un candidat, ni même pour une idée. »
David Assouline est revenu à la charge. « Il vous est reproché d’avoir fabriqué un candidat à la présidentielle. Pouvez-vous m’assurer qu’il n’y a aucune consigne dans des conférences de rédaction visant à favoriser telle ou telle idéologie ? », a interrogé le rapporteur de la commission d’enquête. « A aucun moment, je ne cherche à favoriser un parti, un candidat plutôt qu’un autre », s’est défendu Thomas Bauder.
iTélé : la plus longue grève dans l’histoire de l’audiovisuel privé
Après l’arrivée de Vincent Bolloré à la tête du conseil de surveillance de Canal + en 2015, la chaîne d’information a connu de profonds bouleversements. Les salariés d’iTélé ont mené la plus longue grève dans l’histoire de l’audiovisuel privé. Ils protestaient alors contre l’arrivée à l’antenne de l’animateur Jean-Marc Morandini, mis en examen pour corruption de mineur, et pour réclamer des gages d’indépendance de la rédaction.
Leurs revendications sont restées lettre morte et une grande partie des salariés s’en est allée. Interrogé à ce sujet, le directeur de l’information de Cnews rétorque :
« M. le rapporteur, vous disiez que 80 personnes avaient été débarquées de iTélé qui devenait Cnews. Personne n’a été débarqué. Ils sont partis parce qu’ils n’étaient pas en accord avec le projet qui leur avait été présenté », a soutenu Thomas Bauder. Et d’assurer que « l’objectif était de garder tout le monde ».
Directrice de la rédaction de BFMTV, Céline Pigalle a dirigé la rédaction d’iTéle jusqu’à l’arrivée de Vincent Bolloré. Interrogée sur les possibles censures des médias appartenant à de grands groupes, elle a opportunément rappelé un épisode datant de cette époque.
« Dans la période où je travaillais à iTélé, sur la toute fin de mon parcours, il m’a été demandé de rendre compte de l’activité de salles de spectacles qui devaient se développer en Afrique », rappelle Céline Pigalle. Un événement en lien direct avec l’activité du groupe de Vincent Bolloré qu’elle avait refusé de traiter, « on peut toujours dire non ».
« Stopper les assauts sur la liberté éditoriale n’est pas simplement le fait d’une nouvelle loi »
L’audition s’est tout de même écartée de la seule particularité de la chaîne Cnews. La directrice de l’information de BFMTV a, par exemple, donné sa vision sur l’opportunité de légiférer contre la concentration des médias. « Le sujet est de savoir qui possède, avec quelles intentions. Ce n’est pas seulement le sujet de la concentration. Stopper les assauts sur la liberté éditoriale n’est pas simplement le fait d’une nouvelle loi », estime la directrice de la rédaction de BFMTV.
« L’important est d’avoir des acteurs solides qui n’empêchent pas d’autres acteurs d’émerger », a aussi pointé Céline Pigalle. De ce point de vue, la fusion entre TF1 et M6 qui devra aboutir avant le printemps 2023 pose un certain nombre de questions. « Sur le projet de fusion, des garanties ont été prises en termes d’emplois et en termes d’indépendance des rédactions », a pour sa part souligné le directeur de la rédaction de LCI, Bastien Morassi.
Les auditions de la commission d’enquête se poursuivent, ce vendredi 10 décembre, avec les sociétés des journalistes de RMC, de TF1 et de RTL.
Jeudi soir, dans le cadre de l’examen du budget 2024, le Sénat a rejeté les crédits, pourtant en hausse, de l’audiovisuel public. Les élus de la chambre haute attendent toujours plus de visibilité sur le financement de l’audiovisuel depuis la suppression de la redevance.
Alors que la Nupes s’est décomposée durant les dernières semaines, Jean-Luc Mélenchon a acté, samedi 2 décembre, la fin de la Nupes. Cet été, l’idée d’une liste commune entre les partis de la Nupes pour les élections européennes de juin 2024 avait déjà commencé à fracturer l’alliance, en particulier chez les écologistes. En juillet 2023, le parti de Marine Tondelier, habitué aux bons résultats lors des scrutins européens, désigne Marie Toussaint tête de liste pour les élections européennes. « La réparation est l’un des objectifs de l’écologie politique, le meeting a duré trois heures, c’était très dense » Si les écologistes rejettent l’idée d’une liste commune à gauche, la députée européenne Marie Toussaint plaide pour « un pacte de non-agression à gauche ». Pour rappel, une liste ne peut élire des députés au Parlement européen uniquement si elle dépasse un seuil de 5 %. « Je pense que l’on a des combats essentiels à mener, c’est ce qui doit concentrer toute notre attention », juge Marie Toussaint qui estime que le combat doit être mené contre les partis nationalistes qui continuent de progresser au sein de l’Union européenne. En proposant ce pacte de non-agression, Marie Toussaint rappelle qu’elle souhaite orienter sa campagne autour de « la douceur ». Une approche qui suscite l’étonnement, ou l’incompréhension, notamment après le meeting de lancement de la campagne. Ce 2 décembre, la tête de liste écologiste avait convié un groupe de danseuses pratiquant la « booty-therapy », une danse permettant de « s’assumer ». « La réparation est l’un des objectifs de l’écologie politique, le meeting a duré trois heures, c’était très dense », justifie Marie Toussaint qui assume vouloir mener une campagne « sensible ». « La douceur, dans un monde meurtri par la violence politique et sociale, est un horizon de sauvegarde, c’est un objet de combativité », développe Marie Toussaint pour laquelle cette approche peut être payante. « Il faut sortir les lobbys des institutions, il faut une législation de séparation des lobbys des institutions européennes » Alors que les négociations de la COP 28 se déroulent actuellement à Dubaï avec un nombre record de lobbyistes présents. Selon Marie Toussaint, que cela soit durant les négociations internationales ou au sein des institutions européennes, les lobbys, notamment pétroliers, doivent être écartés des espaces de discussions. « Il faut sortir les lobbys des institutions, il faut une législation de séparation des lobbys des institutions européennes », développe Marie Toussaint alors que les groupes d’intérêts occupent une place importante dans le processus législatif européen. Outre le lobby des énergies fossiles, la tête de liste écologiste prend également pour cible la fédération des chasseurs et son président Willy Schraen qui mènera une liste aux élections européennes. Accusée par ce dernier de prôner une écologie déconnectée, Marie Toussaint a, de nouveau, proposé d’organiser un débat avec Willy Schraen afin de « vérifier qui est du côté de l’agro-industrie et qui est du côté des paysans ». Marie Toussaint fustige notamment l’hypocrisie du patron des chasseurs considérant que ce dernier défend « une vision de l’agriculture sans paysans ».
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