Condamnation de Nicolas Sarkozy : comment un amendement voté par le Sénat permet aujourd’hui aux juges de mettre l’ancien Président en prison

[Info PublicSenat.fr] La condamnation de Nicolas Sarkozy à 5 ans de prison avec mandat de dépôt à effet différé et exécution provisoire, prononcée par le tribunal de Paris, impose à l’ancien chef de l’Etat d’aller en prison. Largement critiquée par les LR, cette mesure vient pourtant de l’application d’un amendement Renaissance, adopté avec le soutien de la droite sénatoriale, en 2018.
François Vignal

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Le travail Parlementaire fait parfois preuve d’une certaine ironie. Il arrive que des amendements, votés au milieu d’un projet de loi à rallonge, aient, des années après, des conséquences insoupçonnées, au moment de leur adoption. C’est le cas d’un amendement sénatorial, qui a sûrement scellé le sort de Nicolas Sarkozy, sans que ses auteurs aient pu imaginer le scénario actuel. Explications.

Suite à la condamnation de Nicolas Sarkozy à 5 ans de prison avec mandat de dépôt à effet différé et exécution provisoire, ce qui va envoyer l’ancien chef de l’Etat en prison, malgré son appel, le président LR du Sénat, Gérard Larcher, n’a pas caché ses critiques, comme une bonne partie de la droite. Il a indiqué partager « le questionnement grandissant au sein de la société sur l’exécution provisoire d’une condamnation, alors que les voies de recours ne sont pas épuisées ».

Amendement déposé et soutenu par des sénateurs devenus ministres du gouvernement démissionnaire

Une réaction critiquée aujourd’hui par le président du groupe PS du Sénat, Patrick Kanner. Dans un courrier adressé à Gérard Larcher, dont publicsenat.fr a obtenu copie, l’ancien ministre pointe sa « regrettable prise de position » sur l’exécution provisoire. « Mon groupe regrette et condamne que vous ayez engagé le Sénat dans cette démarche », écrit Patrick Kanner. Rappelant le sens de l’exécution provisoire, il glisse au passage que « cette disposition a d’ailleurs été récemment étendue au mandat de dépôt à effet différé, appliqué à Nicolas Sarkozy, par un amendement sénatorial », sans en dire plus…

Quel est cet amendement, dont l’adoption passée a aujourd’hui pour conséquence de s’appliquer à Nicolas Sarkozy ? Il s’agit d’un amendement du groupe à l’époque LREM, autrement dit Renaissance, adopté en 2018 lors de l’examen du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice. Cet amendement 259 rectifié avait pour premier signataire Thani Mohamed Soilihi, aujourd’hui ministre démissionnaire délégué, chargé de la Francophonie et des Partenariats Internationaux. Il était cosigné par l’ex-ministre de la Défense, Alain Richard, et tous les membres du groupe RDPI. Il avait été défendu en séance par l’ex-sénateur Arnaud de Belenet.

« L’amendement précise qu’en cas d’appel, le mandat à effet différé ne pourra être mis à exécution, sauf si une décision d’exécution provisoire aura été prise »

L’amendement précisait que « lorsqu’il décerne un mandat de dépôt à effet différé, le tribunal correctionnel peut, dans les cas prévus par les articles 397-4, 465 et 465-1, assortir ce mandat de l’exécution provisoire ».

« Je suis particulièrement heureux de proposer, au travers de cet amendement, une solution de compromis pour incorporer au sein du texte de la commission, dans le respect des dispositifs préalablement introduits, les éléments que la Chancellerie tenait à introduire concernant les modalités concrètes d’organisation du mandat de dépôt à effet différé », avait expliqué Arnaud de Belenet au micro (voir la vidéo). L’ancien sénateur de Seine-et-Marne ajoutait, au sujet de l’amendement : « Il précise qu’en cas d’appel, le mandat à effet différé ne pourra être mis à exécution, sauf si une décision d’exécution provisoire aura été prise ». Soit la situation de Nicolas Sarkozy. Et de conclure son intervention, en indiquant « que cet amendement reprend les observations formulées par l’Association nationale des juges de l’application des peines, ce qui ne paraît pas excessivement malsain ! »

Avis favorable de la commission et avis de sagesse du gouvernement

L’amendement RDPI avait alors reçu un avis favorable de la commission des lois, qui était alors présidé par Philippe Bas, nommé aujourd’hui au Conseil constitutionnel. Le corapporteur du texte n’était autre que le sénateur LR François-Noël Buffet, devenu ensuite président de la commission des lois, aujourd’hui ministre démissionnaire auprès du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. « La commission est favorable à l’amendement n° 259 rectifié, la modification que nous avons souhaitée en commission ayant été apportée », avait laconiquement expliqué François-Noël Buffet.

La ministre de la Justice d’alors, Nicole Belloubet, avait quant à elle émis un simple « avis de sagesse », sans développer davantage. Elle s’en remettait donc à la sagesse du Sénat, qui avait adopté à main levée cet amendement, grâce à la majorité sénatoriale LR et centriste, qui avait également adopté l’ensemble du texte. Ainsi va parfois la vie parlementaire.

Partager cet article

Dans la même thématique

SIPA_ap22985825_000041
3min

Politique

Condamnation de Nicolas Sarkozy : Patrick Kanner écrit à Gérard Larcher pour pointer sa « regrettable prise de position » sur l’exécution provisoire

Le président du groupe PS du Sénat, Patrick Kanner, a écrit au président du Sénat pour exprimer son désaccord sur des critiques formulées par le sénateur LR des Yvelines sur l’exécution provisoire, qui va mener Nicolas Sarkozy en prison. Son groupe ne veut « pas participer à cette mise en cause qui, finalement, fragilise l’équilibre de nos institutions ».

Le

SIPA_01142444_000056
4min

Politique

Immigration : 86 % de profils dangereux dans les centres de rétention administrative, selon un rapport du Sénat

La promesse du gouvernement en 2023 de doubler la capacité des centres de rétention administrative (CRA) pour atteindre 3 000 places en 2027 ne sera pas tenue. C’est ce qui ressort d’un rapport de la sénatrice LR Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale de la mission immigration qui relève que les CRA sont « le moyen le plus sûr » d’exécuter les mesures d’éloignement.

Le