A quelques kilomètres de l’Assemblée nationale, où l’exécutif se démène pour tenter de faire atterrir le budget de la sécurité sociale (PLFSS) avant la fin de l’année, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) accueille la plénière d’ouverture de la Conférence Travail, Emploi, Retraites. Ces réunions de travail ont été mises en état de marche à l’initiative du Premier ministre, lorsque l’inscription de la suspension de la réforme des retraites au PLFSS a été votée par les députés. Elles doivent permettre au gouvernement d’opérer un tour d’horizon sur les conditions de travail, l’emploi et l’avenir du système des retraites.
« Cette conférence est un espoir pour le pays »
Comme un air de déjà-vu ? Quelques mois après l’échec du conclave voulu par François Bayrou, le ton se veut différent, la méthode nouvelle. D’ailleurs, il n’y a, cette fois, « pas d’obligation de résultat », rappelle Jean-Pierre Farandou. En effet, l’exécutif a prévenu : c’est un lieu de débat, pas une instance de négociation en vue de boucler un accord. Alors « il n’y a pas de stress, on avance, on a le temps qu’il faut ». Enfin, « pas trop non plus, pour que les choses gardent du rythme », concède-t-il. Les discussions, censées se dérouler jusqu’à l’été 2026, réunissent syndicats, patronat et employeurs publics, car elles ne traiteront pas que du privé, insiste le ministre, à la tribune du palais d’Iéna. Si la CGT, dirigée par Sophie Binet, a finalement décidé d’y participer, après avoir été absente de la réunion de lancement, le MEDEF, a, quant à lui, claqué la porte. Une manière pour la première organisation patronale de souligner son mécontentement contre les efforts demandés aux entreprises dans le projet de loi de finances (PLF), aussi examiné par les parlementaires.
Pas de quoi tarir l’optimisme du ministre du Travail et des Solidarités. « Au fond, je pense que cette conférence est un espoir pour le pays, et ce pays en a besoin. Je pense qu’il faut redonner […] un espoir de convergence, de clarification et d’explication », plante-t-il d’emblée, alors que Sébastien Lecornu, pourtant attendu ce matin, est finalement retenu au Palais Bourbon. Cette fois, la démarche se veut « moderne et inédite », assure-t-il, « c’est moderne de débattre à froid, sans tabou ». Et « inédit, parce qu’on a essayé d’avancer deux fois sur les retraites dans ce pays, et on sait ce que ça a donné, […] ça n’a pas abouti, […] parce qu’on n’a pas parlé de travail, et on a été beaucoup à se dire que si on veut avancer sur les retraites, il faut passer par la case travail, parler de ces années où on travaille avant d’arriver à la retraite, parce que ça explique l’état d’esprit et les attentes des salariés quand ils n’arrivent pas très loin de la retraite ».
« Oui, le travail mérité d’être refondé »
« Quand on parle de travail, au fond, l’autre conviction, c’est l’emploi. Ce continuum retraites, travail, emploi, il est fondamental. […] On voit très logiquement que tous les acteurs sont nécessaires, c’est une chaîne avec trois maillons et il faut les trois maillons pour que ça tienne », poursuit le ministre. « Je crois à la vertu du travail (…), en matière de progression, d’émancipation, de développement, d’utilité, d’estime de soi, de socialisation… », déroule-t-il. Et d’insister sur « la jeunesse » : « Il y a ce qu’il s’est passé, le Covid, le télétravail qui est arrivé, la distance qui s’est opérée de fait. Oui, le travail mérité d’être refondé ».
Sans oublier les plus âgés : « On parle beaucoup de Sécurité sociale, si on arrivait à faire travailler les seniors un peu plus, ça changerait fondamentalement les sujets de financement de la sécurité sociale, donc on sait que le travail, c’est aussi quelque chose qui est absolument fondamental pour notre modèle social par exemple », avec des conséquences « sur tout un tas de systèmes qui sont la base du pacte social entre les Français et la Nation ».
L’enjeu réside aussi dans « la compétitivité française, européenne et mondiale », à l’heure de bouleversements majeurs : intelligence artificielle, démographie, transition écologique… Et quand des « pays dans le monde ont des stratégies commerciales très expansives », au détriment de « nos filières attaquées par des produits à des prix largement dégradés », du « dumping » et des « caractéristiques sanitaires très discutables ». « La volonté de faire en sorte que nous créions les conditions de la production en France, et donc du travailler en France, est décisive », martèle Jean-Pierre Farandou. « Nous sommes tous solidaires, […] de l’entreprise qui se bat […], jusqu’au salarié qui trouve un emploi et deviendra retraité ».
« Je suis convaincu que vous avez le souci que notre pays se porte bien »
« Ce n’est certainement pas la conférence du gouvernement. […] C’est largement la vôtre, j’ai confiance en vous », précise-t-il. L’appel à la responsabilité est encore une fois de mise : « Je vous considère tous comme des gens responsables », adresse-t-il à son auditoire, « je considère que vous défendez tous, là où vous êtes, l’intérêt des salariés, l’intérêt des entreprises. Je suis convaincu que, comme moi, vous avez le souci que notre pays se porte bien, confronté à des dangers importants ». Et de conclure : « Au fond, ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous divise ». Rien que ça.