Confiance dans la justice : « Ce texte ne répond qu’à quelques marottes d’Éric Dupond-Moretti », critique Marie-Pierre de la Gontrie
Invitée de Parlement Hebdo, Marie-Pierre de la Gontrie a estimé que le projet de loi « de confiance dans l’institution judiciaire » voté jeudi par le Sénat ne répondait pas aux enjeux auxquels est actuellement confrontée la Justice. La sénatrice déplore des mesures trop spécifiques qui s’attaquent à de faux problèmes et ne changent finalement pas grand-chose.

Confiance dans la justice : « Ce texte ne répond qu’à quelques marottes d’Éric Dupond-Moretti », critique Marie-Pierre de la Gontrie

Invitée de Parlement Hebdo, Marie-Pierre de la Gontrie a estimé que le projet de loi « de confiance dans l’institution judiciaire » voté jeudi par le Sénat ne répondait pas aux enjeux auxquels est actuellement confrontée la Justice. La sénatrice déplore des mesures trop spécifiques qui s’attaquent à de faux problèmes et ne changent finalement pas grand-chose.
Louis Mollier-Sabet

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« Que restera-t-il du passage d’Éric Dupond-Moretti au ministère de la Justice ? » se demande Marie-Pierre de la Gontrie. La portée rhétorique de la question n’étonnera pas ceux qui sont habitués aux relations tendues entre le Garde des Sceaux et le Sénat. Que ce soit avec la collègue socialiste de Marie-Pierre de la Gontrie, Laurence Rossignol ou bien plus récemment avec Philippe Bas et la majorité sénatoriale, les passages de l’avocat au Palais du Luxembourg sont souvent mouvementés.

« Qu’Éric Dupond-Moretti soit intéressé par le pénal, on le comprend, mais ce n’est pas ce qui intéresse les gens »

En l’occurrence, la sénatrice socialiste ne formule pas directement de critique de l’action d’Éric Dupond-Moretti, mais interroge – sur le fond – l’ambition du projet de loi de « confiance dans l’institution judiciaire » défendu par le Garde des Sceaux au Sénat cette semaine. « Ce texte ne parle que de pénal, qu’Éric Dupond-Moretti soit intéressé par le pénal, on le comprend, mais ce n’est pas ce qui intéresse les gens » regrette par exemple Marie-Pierre de la Gontrie. Pour elle, les tribunaux civils renvoient à une justice beaucoup plus concrète et quotidienne et la reconquête de la confiance des Français dans l’institution judiciaire doit passer par cette justice des divorces, des expulsions locatives, des problèmes de consommation ou des tribunaux sociaux comme les Prud’hommes.

Ainsi le projet de loi du gouvernement « répond à quelques marottes du ministre de la Justice », avec l’encadrement du secret professionnel des avocats et de la durée des enquêtes préliminaires, mais est loin de répondre aux enjeux pour la sénatrice de Paris. Le sondage réalisé par le Sénat est sans appel, 53 % des Français déclarent ne pas avoir confiance dans la justice. « Pourquoi les gens n’ont pas confiance dans la justice ? » se demande Marie-Pierre de la Gontrie « parce que c’est trop long, c’est trop cher et on n’y comprend rien » martèle-t-elle. Elle poursuit : « La confiance dans la justice c’est que vous puissiez vous dire : j’ai un problème, je sais où m’adresser, ça ne me coûte pas une fortune et ça va aboutir rapidement. »

Suppression du rappel à la loi : « Dupond-Moretti nous a inventé un truc, ‘le rappel à la loi Canada dry’ : c’est la même chose »

La sénatrice est formelle, le texte porté par le Garde des Sceaux – et plus largement la politique judiciaire du gouvernement – ne pourra pas répondre aux difficultés de la Justice parce qu’il n’aborde pas ces questions et se concentre sur des faux problèmes. Le rappel à la loi, par exemple, a été supprimé et remplacé par un « avertissement pénal probatoire. » Une modification « qui ne change pas grand-chose » et qui s’apparente plus à un outil de communication qu’à une réforme pénale pour Marie-Pierre de la Gontrie : « Un jour Éric Dupond-Moretti a dit ‘le rappel à la loi c’est insuffisant on va le supprimer’. Il s’est rendu compte que même les magistrats se demandaient quelle serait alors la première réponse pénale. Il nous a donc inventé un truc, le rappel à la loi ‘Canada Dry’ : c’est la même chose. »

En fait, c’est toute la politique judiciaire du gouvernement que la sénatrice socialiste estime insuffisante et trop liée aux faits divers : « C’est comme le texte sur l’irresponsabilité pénale qui était la réponse à l’affaire Sarah Halimi. On peut prendre rendez-vous, vous verrez que le ministre va proposer un texte qui ne change pas grand-chose, parce qu’en réalité les textes actuels convenaient globalement. » Le rendez-vous est pris.

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