Conflit Arménie/Azerbaïdjan : le Sénat, une nouvelle fois, au secours des Arméniens
Après la reprise des combats entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan le mois dernier, le Sénat a déposé une proposition de résolution transpartisane qui exige le retrait des troupes azerbaïdjanaises et la fin de « la politique anti-arménienne » menée par Bakou. Il y a deux ans, la Haute assemblée avait voté une résolution pour la reconnaissance du Haut-Karabagh.

Conflit Arménie/Azerbaïdjan : le Sénat, une nouvelle fois, au secours des Arméniens

Après la reprise des combats entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan le mois dernier, le Sénat a déposé une proposition de résolution transpartisane qui exige le retrait des troupes azerbaïdjanaises et la fin de « la politique anti-arménienne » menée par Bakou. Il y a deux ans, la Haute assemblée avait voté une résolution pour la reconnaissance du Haut-Karabagh.
Simon Barbarit

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C’est symbolique, mais comme le souligne Gilbert-Luc Devinaz, sénateur socialiste, président du Groupe interparlementaire d’amitié France Arménie, « le Sénat ne dispose pas de Casques bleus ». A défaut c’est une proposition de résolution déposée par les présidents de groupes, LR, centriste, socialiste et communiste qui sera examinée mi-novembre et vraisemblablement adoptée. Le texte appelle « le gouvernement à agir pour faire respecter, par tout moyen, l’accord de cessez-le-feu conclu entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan le 9 novembre 2020 ». Les sénateurs plaident pour « le retrait des troupes azerbaïdjanaises sur leurs positions initiales, notamment en dehors du territoire arménien et du couloir de Latchin. Ils demandent également la fin de « la politique anti-arménienne conduite par le Gouvernement de l’Azerbaïdjan ».

Cette proposition fait suite à la reprise des combats le mois dernier au cours desquels 286 personnes ont été tuées dans les affrontements. Il y a 2 ans, « la guerre des 44 jours » avait coûté la vie à plus de 6.500 soldats, avant l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020 dans le Haut-Karabagh. Un territoire montagneux de 440 kilomètres carrés que se disputent l’Arménie, à majorité chrétienne, et l’Azerbaïdjan, à majorité chiite. L’accord avait scellé la défaite d’Erevan qui avait perdu le contrôle militaire du Haut-Karabagh peuplé à 95 % d’Arméniens. La Russie était intervenue auprès des deux anciennes républiques de l’Union soviétique. 2 000 soldats russes avaient été dépêchés pour enrayer la reconquête militaire de l’enclave disputée.

« Le gouvernement français se sent-il solidaire de cet accord que l’on peut qualifier d’indigne ?

« Moscou a déployé des forces de maintien de la paix dans le Haut-Karabagh, mais son contingent est relativement limité. En fait, Vladimir Poutine se pose plutôt comme un arbitre entre les deux belligérants. En a-t-il encore les moyens malgré les lourdes pertes subies en Ukraine ? », s’interrogeait le 16 septembre dernier sur publicsenat.fr, Taline Ter Minassian, historienne, professeure à l’Inalco, spécialiste de la Russie et du Caucase et auteure du livre « Gorbatchev » (PUF).

Mercredi, lors des questions d’actualité au gouvernement, c’est le sénateur LR, Etienne Blanc, également membre du groupe d’amitié France-Arménie, qui a interpellé la ministre des Affaires étrangères. « La semaine dernière, nous nous sommes rendus à Erevan avec Gilbert-Luc Devinaz et le groupe d’amitié, alors que l’Azerbaïdjan se livrait à sa énième attaque contre le peuple et le territoire arménien », a-t-il rappelé avant d’interroger franchement la ministre sur la position du gouvernement sur l’accord gazier signé entre l’Union européenne et Bakou en juillet dernier. « Le gouvernement français se sent-il solidaire de cet accord que l’on peut qualifier d’indigne ? […] La France accepte-t-elle d’être le fer de lance d’un dispositif qui permettrait à l’Arménie de disposer d’armes défensives pour assurer la protection de son peuple et de son territoire ? ».

L’élu du Rhône a aussi souhaité savoir si la France, qui préside actuellement le Conseil de sécurité de l’ONU, acceptait de s’engager « à des efforts incessants » auprès des Nations Unies pour déployer une force d’interposition entre les deux belligérants. Des applaudissements très nourris ont ponctué son interpellation.

Réponse diplomatique de Catherine Colonna qui a rappelé que « la France était solidaire du peuple arménien ». « Les frappes menées contre le territoire internationalement reconnu de l’Arménie constituent une violation de la charte des Nations Unies. Elles doivent cessées […] La France avec l’Union européenne est engagée avec les deux pays dans un processus de dialogue », a-t-elle ajouté.

Rencontre quadripartite en présence d’Emmanuel Macron prévue cette semaine

Au même moment, le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian a annoncé qu’une rencontre quadripartite se tiendrait cette semaine entre le président azerbaïdjanais Ilham Aliev, Emmanuel Macron et le président du Conseil européen, Charles Michel. La dernière rencontre entre le président azerbaïdjanais et le Premier ministre arménien remonte au 31 août à Bruxelles, sous la médiation de l’UE.

« L’Europe permet à l’Azerbaïdjan d’acheter des armes pour massacrer des Arméniens »

Invité de la matinale de Public Sénat, le président du groupe LR, Bruno Retailleau a dénoncé l’attitude européenne vis-à-vis des Azéris. « L’Arménie, avec le peuple juif, est un peuple qui a connu le génocide, et qu’est-ce que l’on fait ? On conclut un accord gazier. Avec cet accord, l’Europe permet à l’Azerbaïdjan d’acheter des armes pour massacrer des Arméniens. A quoi bon brandir des valeurs morales pour arrêter les importations de gaz russe quand on a la position inverse vis-à-vis de l’Azerbaïdjan qui agresse et attaque l’Arménie ? », a-t-il fustigé dénonçant un deux poids deux mesures.

« Si les Arméniens y passent, ça pourrait nous arriver aussi »

« On a cru que la chute du mur de Berlin sonnait la fin de l’Histoire. Mais il ne faut pas se tromper. L’Azerbaïdjan et son alliée à la Turquie mènent une guerre d’empires. Erdogan et Aliev ont besoin d’alimenter le nationalisme pour se maintenir au pouvoir. Derrière l’Arménie, ce sont les systèmes démocratiques qui sont menacés. Si les Arméniens y passent, ça pourrait nous arriver aussi », s’inquiète Gilbert-Luc Devinaz.

Ce n’est pas la première fois que le Sénat est proactif sur ce dossier quitte parfois à bousculer les canaux diplomatiques officiels. Après avoir adopté, contre l’avis du gouvernement, une proposition de résolution pour la reconnaissance de la République du Haut-Karabagh fin 2020, une délégation sénatoriale, sous la houlette de Gérard Larcher avait fait le déplacement en Arménie pour la commémoration du génocide. Pris de court, l’exécutif avait envoyé en urgence, le secrétaire d’Etat Jean-Baptiste Lemoyne participer à la commémoration.

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