C’est une situation diplomatique complexe à laquelle doit faire face la France, quatre jours après le lancement des frappes israéliennes contre des sites militaires et nucléaires en Iran qui ont fait au moins 224 morts et plus d’un millier de blessés, selon un bilan officiel établi pat Téhéran dimanche.
Côté Israël, les missiles iraniens ont coûté la vie à 35 personnes, selon le bureau du Premier ministre israélien. Après des décennies de guerre par procuration et d’opérations ponctuelles c’est la première fois que les deux ennemis jurés depuis la Révolution islamique de 1979 s’affrontent militairement avec une telle intensité.
« Israël est la seule démocratie qui agit par anticipation », avait relevé vendredi, le sénateur centriste, Olivier Cadic. Pour le président LR de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, Cédric Perrin, « la France et plusieurs pays européens considèrent que l’opération israélienne en cours est en quelque sorte une frappe préventive, ce qui, naturellement, fait débat ». « En revanche, ce qui fait consensus, c’est que personne ne veut que l’Iran se dote de l’arme atomique », souligne-t-il
C’est pourquoi, Emmanuel Macron avait indiqué que la France participerait « aux opérations de protection et de défense » d’Israël en cas de « représailles » iraniennes, si elle était « en situation de le faire ».
La France n’a pas été « sollicitée » par Israël
Dimanche, invité du Grand Jury RTL-Le Figaro-Public Sénat-M6 ; le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a confirmé que la France « se tenait prête » à « participer à la défense de ses partenaires ». Toutefois, « à ce stade les moyens militaires français n’ont pas été mobilisés », a-t-il ajouté.
Depuis le Groenland, dimanche, Emmanuel Macron a précisé qu’Israël « n’avait pas sollicité » la France pour « les opérations de protection et de défense ». Faut-il y voir le signe d’une dégradation des relations diplomatiques avec Israël depuis le blocus de Gaza ? Car en avril 2024, la France avait procédé depuis une base en Jordanie à « des interceptions » de missiles et drones iraniens visant Israël. En mai, lors d’une interview sur TF1, Emmanuel Macron avait estimé que l’action menée par le gouvernement de Benyamin Netanyahou à Gaza était « inacceptable », « une honte ». Sans oublier la volonté d’Emmanuel Macron d’aller vers une reconnaissance de l’Etat palestinien, malgré la vive opposition d’Israël. Les frappes israéliennes sur l’Iran l’ont contraint de reporter la conférence à l’ONU sur le sujet, initialement prévue le 18 juin.
« A ce stade, étant donné la nature et la trajectoire des attaques iraniennes contre Israël, les moyens militaires français n’ont pas été mobilisés » ; a justifié dans le Grand Jury, Jean-Noël Barrot.
Le président LR de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, Cédric Perrin évoque lui aussi des raisons stratégiques. « La France dispose d’importantes emprises et capacités dans la région, que ce soit au travers de bases permanentes à Djibouti ou aux Émirats arabes unis ou temporaire comme en Jordanie, et éventuellement au travers des bâtiments de guerre qui croisent dans la région en Mer rouge et dans l’Océan indien. Cela étant, il ne faut pas en déduire que nous disposerions, si c’était ce qui était souhaité, de la capacité d’intercepter les tirs iraniens. Nous voyons bien comment Israël, qui a souvent été présenté comme étant le pays le mieux défendu contre ce type d’attaques, ne peut lui-même arrêter tous les tirs », observe-t-il avant d’ajouter : « C’est le problème de la saturation des défenses par les moyens d’attaque, et cela doit nous faire beaucoup réfléchir en France sur nos propres capacités de défense sol-air, qui ont beaucoup été négligées ces dernières années par manque de crédits suffisants ».
« A ce niveau de tension, il n’y a pas de médiateur incontournable »
L’ancienne ministre et actuelle sénatrice socialiste, Hélène Conway-Mouret évoque quant à elle des motifs politiques à l’absence de sollicitation des moyens militaires français, par Israël. « La France n’est pas intervenue pour intercepter des drones russes en Ukraine. Il y aurait une incohérence à ne pas défendre les Ukrainiens et à défendre Israël qui a attaqué l’Iran. Ce serait une position diplomatique difficile à tenir. La seule chose que l’on doit attendre de la France c’est une action diplomatique. Donald Trump l’a bien compris et ne semble pas vouloir que son pays soit entraîné seul dans ce conflit. Je pense qu’il est sincère quand il appelle à la paix. Mais ce n’est pas ce que souhaite Benyamin Netanyahou. Les Etats-Unis ont même dû s’opposer au plan israélien qui prévoyait l’élimination du guide suprême, Ali Khameni ».
Les conséquences de ce conflit affolent la communauté internationale qui multiplie les appels au calme. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré lundi avoir dit à Benyamin Netanyahou que la diplomatie était la meilleure solution « à long terme » avec l’Iran. Le président américain Donald Trump, allié indéfectible d’Israël, a appelé dimanche les deux pays à « trouver un accord ». Il a ajouté qu’il est « possible » que les Etats-Unis s’impliquent dans le conflit mais se dit « ouvert » à ce que Vladimir Poutine joue un rôle de médiateur dans ce conflit.
Le président russe et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan ont, eux, appelé lundi à « la cessation immédiate des hostilités » entre Israël et l’Iran, exprimant « leur profonde préoccupation face à la poursuite de l’escalade » entre les deux puissances rivales.
« A ce niveau de tension, il n’y a pas de médiateur incontournable. Malheureusement, comme en Afrique, la France a perdu beaucoup de son influence au Moyen-Orient ces dernières années. Et pour pouvoir être un médiateur acceptable par toutes les parties, encore faut-il que tout le monde ait une idée claire du positionnement de la France. Ce n’est malheureusement pas le cas, puisqu’on a plutôt eu l’impression d’une série de revirements qui brouillent notre message et notre crédibilité », déplore Cédric Perrin.
« Aucune vente d’armes françaises à Israël »
La question des relations diplomatico-militaires entre la France et Israël est même devenue un débat récurrent de politique intérieure. Après que des dockers du port de Marseille ont refusé de charger, le 4 juin dernier, des conteneurs à destination d’Israël contenant des pièces pour fusils-mitrailleurs, selon des révélations de Disclose, le sénateur Les Ecologistes des Bouches-du-Rhône, Guy Benarroche, a interrogé, la semaine dernière, le ministre des Armées sur les ventes d’armes à l’Etat hébreu. Lors des questions d’actualité au gouvernement, Sébastien Lecornu a appelé à cesser « cette désinformation », martelant qu’il n’y avait « aucune vente d’armes françaises à Israël ».
Ce lundi, au salon aéronautique du Bourget, plusieurs stands d’industriels israéliens de l’armement exposant des « armes offensives » ont vu leur accès condamné. « La France considère qu’il y a là une situation terrible pour les Gazaouis, une situation humainement et du point de vue humanitaire, du point de vue sécuritaire, extrêmement lourde. La France a tenu à manifester que les armements offensifs ne devaient pas être présents », a déclaré à la presse, le Premier ministre, François Bayrou, après avoir inauguré le salon.
Dans un communiqué, le gouvernement israélien a dénoncé une « décision scandaleuse et sans précédent », qui crée une « ségrégation » à l’encontre des exposants israéliens. Les dirigeants du G7, qui se réunissent au Canada depuis dimanche, seront mis au défi de trouver une position commune en faveur d’une désescalade entre Israël et l’Iran.