Après le coup d’éclat, samedi, à la tribune du 81e congrès du Parti socialiste, à Nancy, de Nicolas Mayer-Rossignol, l’issue laissait de moins en moins la place au doute. Il n’y aura pas d’accord entre le courant du maire de Rouen et celui d’Olivier Faure pour une direction commune. Chacun restera de son côté, avec une majorité et une minorité. Une situation finalement très classique au PS.
C’est le rapport à La France insoumise (LFI) qui est la cause des dissensions, comme nous le racontions hier, où la journée a été rythmée par les discussions. Le désaccord a été constaté samedi soir. Sur le coup de 23 heures, Olivier Faure a appelé Nicolas Mayer-Rossignol – le premier appel depuis l’ouverture du congrès vendredi.
« Une ligne de clarté et une ligne de confusion »
Le camp de l’opposant numéro 1 au premier secrétaire voulait que soit stipulé que le PS ne fera pas d’accord avec LFI aux municipales, nationalement et localement, ainsi qu’en cas de législatives anticipées. Ils ont proposé un dernier « amendement » de « compromis ». Il dit : « Nous ne ferons pas d’accord national et programmatique aux législatives avec LFI », a raconté Nicolas Mayer-Rossignol, ce dimanche matin, lors d’une conférence de presse annoncée après minuit, reconnaissant qu’au niveau local, des listes pouvaient être faites avec LFI. La direction a dit niet.
« Le réel, c’est quand on se cogne. Alors qu’on voulait nous faire croire que le sujet était derrière nous, cet amendement a été clairement refusé par Olivier Faure et la direction », soutient ce matin « NMR », qui ne peut que constater qu’il y a aujourd’hui au PS « deux lignes : une ligne de clarté, une ligne de confusion ». Il ajoute : « Il y a une ligne de confusion car Olivier Faure ne veut pas sortir de l’ambiguïté avec LFI ».
« La direction sortante prend la responsabilité de diviser le PS »
Selon le maire de Rouen, « c’était le seul élément qui nous séparait d’un accord ». Il renvoie la faute sur Olivier Faure : « La direction sortante prend la responsabilité de diviser le PS ».
« Ce matin, les masques tombent », ajoute le député Philippe Brun. « Olivier Faure a remporté cette victoire au congrès en omettant ses ambitions aux militants », dénonce le député, qui ne voulait « pas accepter une synthèse à tout prix ». « Le sujet a été caché », renchérit Nicolas Mayer-Rossignol. Malgré ces tensions, il précise au passage que « personne ici n’a l’intention de quitter le PS ».
Un désaccord qui n’est finalement pas pour déplaire à Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat et pro Mayer-Rossignol. « Je préfère une majorité et une minorité avec deux lignes claires », avance le sénateur du Nord, « plutôt rassuré ». Il se « demande si le calcul d’Olivier Faure » n’était pas d’en arriver là, pour garder à sa main un parti « qu’il maîtrise ».
« Ils créent un problème sur n’importe quoi »
Quelques secondes après, un soutien d’Olivier Faure vient débriefer avec la presse, et minimise. « Ils créent un problème sur n’importe quoi », balaie le député Arthur Delaporte, « là c’est ça, ça aurait pu être autre chose ». « Je ne mettrai pas un signe égal entre extrême droite et LFI », prévient-il.
François Kalfon, pro « NMR », arrive et l’interpelle : « J’appelle ça tromper les militants », dit-il, lui reprochant de « faire le débrief pour faire ton narratif ». François Kalfon pointe ensuite autant « l’extrême droite anti musulmane et Jean-Luc Mélenchon et ses amis antisémites ». « Il y a un désaccord stratégique majeur », résume l’eurodéputé PS, qui lâche que « le seul objectif, c’est aussi de protéger leurs circonscriptions, jusqu’à la Seine-et-Marne », soit la terre d’élection d’Olivier Faure.
« Quelle est leur position par rapport à certains de leurs amis, comme Bernard Cazeneuve, qui a vu François Rebsamen ? »
Arrive un autre eurodéputé, Pierre Jouvet, l’un des plus proches lieutenants d’Olivier Faure. « On n’a rien refusé. Ce n’est pas l’Assemblée avec un amendement, un sous-amendement », commence le secrétaire général du PS. La formulation qu’ils ont proposée parle de « plan dissolution, afin de construire le rassemblement de la gauche et des écologistes de Glucksmann à Ruffin, tout en évaluant les risques d’accession au pouvoir de l’extrême droite », ce qui pourrait inclure le front républicain, avec LFI, auquel tiennent les fauristes. « Nous avons toujours été exemplaires sur le front républicain », assurait quelques minutes plus tôt Nicolas Mayer-Rossignol. Autrement dit, ce ne serait pas le problème.
Assurant ne pas avoir de « difficulté à faire des compromis », Pierre Jouvet pointe des postures dans le camp d’en face, évoquant « la volonté tribunitienne hier d’exciter un congrès ». Et de retourner les accusations de manque de « clarté », demandant « quelle est leur position par rapport à certains de leurs amis, comme Bernard Cazeneuve, qui a vu François Rebsamen », ministre du gouvernement Bayrou, issu du PS.
« Nous allons continuer à travailler ensemble sur le projet socialiste et les municipales »
Le responsable PS assure que malgré ce nouveau psychodrame, il n’y aura pas d’ostracisme. « Nous allons continuer à travailler ensemble sur le projet socialiste et les municipales. Tout le monde sera associé », assure Pierre Jouvet. Mais la question de la stratégie pour la présidentielle et le mode de désignation d’un candidat va encore diviser les socialistes, qui ne sont pas prêts à parler d’une seule voix. Si le désaccord peut aussi en arranger certains, des deux côtés, le parti sort de son congrès divisé. Pas idéal pour aborder la suite.