Le PS aura évité le pire : se diviser pendant des jours, sous les caméras. Le congrès de Nancy ne sera pas un remake du congrès de Marseille, même si les acteurs sont les mêmes. On a pourtant cru que les socialistes allaient à nouveau batailler ferme, à coups de chiffres, quand l’annonce des premiers résultats a commencé à virer au psychodrame, dans la nuit de jeudi à vendredi, le camp d’Olivier Faure revendiquant la victoire, quand celui de Nicolas Mayer-Rossignol convoque une conférence de presse en pleine nuit pour annoncer un « score à 50/50 », plus serré encore que lors du congrès de Marseille (lire notre article pour revivre la folle nuit socialiste). Mais rapidement, la raison l’a emporté.
« On n’allait pas retourner dans les délires de Marseille »
Olivier Faure est finalement réélu premier secrétaire du PS. Le député de Seine-et-Marne entame son quatrième mandat en tant que numéro 1 du PS. Et « il a dit que c’était son dernier », glisse Corinne Narassiguin, secrétaire nationale à la coordination du PS. Mais il l’emporte d’un cheveu, avec 50,9 % des voix, contre 49,1 % pour Nicolas Mayer-Rossignol, qui a reconnu sa défaite. Tout s’est joué lors d’un tête-à-tête en pleine nuit. « Ils ont parlé de la suite, de la préparation des municipales, des échéances de 2027 et de la nécessité de rassembler le parti », confie une source proche du premier secrétaire réélu, qui précise qu’« Olivier Faure a proposé que des membres du TOC (le courant de Nicolas Mayer-Rossignol, ndlr) puissent faire partie de la direction, sachant que l’offre avait déjà été faite au TOB de Boris Vallaud la semaine dernière. Nicolas Mayer-Rossignol n’a pas dit non ».
Le camp du maire de Rouen a accepté de ne pas entrer dans un bras de fer mortifère. « On a réussi à les mettre d’accord sur le fait qu’on n’allait pas retourner dans les délires de Marseille », raconte de l’intérieur la sénatrice Corinne Narassiguin. Le tête-à-tête, dans une pièce vitrée, est suivi d’une réunion qui rassemble les deux courants. « On a décidé de ne pas faire de commission de récolement aujourd’hui, pour ne pas retomber dans un psychodrame sur l’examen des litiges, quand tout le monde a mal dormi. Car il y a de nouveau quelques litiges, mais ils sont très peu nombreux », souligne la responsable du PS, qui préside la commission de récolement. Mais tout le monde a reconnu que ces cas litigieux n’étaient pas de nature à changer le nom du gagnant. Le résultat définitif sera donné lors du congrès de Nancy, du 13 au 15 juin. « C’était une volonté de traiter les choses de façon raisonnable et apaisée », se félicite Corinne Narassiguin. « Nous avons un vote clair et un parti apaisé », affirme dans le même sens la maire de Nantes et soutien d’Olivier Faure, Johanna Rolland, invitée de la matinale de Public Sénat ce vendredi.
« On revient quasiment au point de départ »
Corinne Narassiguin ne cache sa « satisfaction. Au début du congrès, c’était le tout sauf Faure, donc on était forcément en minorité et à la fin, il y a une victoire, même si ce n’est pas aussi net qu’espéré ».
Reste que la responsable du PS reconnaît que son parti n’est pas au mieux. « Au final, ça reste un congrès où on revient quasiment au point de départ, car on a un écart qui est un peu plus important qu’à Marseille, mais ça reste globalement un parti coupé en deux », ne peut que reconnaître cette proche d’Olivier Faure, pour qui le soutien de Boris Vallaud, troisième homme du congrès, a sûrement été décisif, tant l’écart se compte en quelques centaines de voix – peut-être 500 au final – sur une participation qui devrait être proche des 25.000 personnes.
Mais elle préfère voir le verre à moitié plein. « Ça veut dire que la ligne stratégique d’Olivier Faure, qui était déjà validée par les bureaux nationaux successifs à la quasi-unanimité, est majoritaire », dit-elle. Mais pas de triomphalisme. « Il y a un travail de reconstruction à terminer », avec l’objectif de « réussir les municipales qui sont devant nous, réussir pour le PS et la gauche en 2027. Mais on a aussi ce travail-là, plus en profondeur, de réconciliation du parti ». Pour tenter de rassembler le PS, Olivier Faure est donc prêt à tendre la main à ses adversaires internes. Boris Vallaud et son courant bien sûr, qui devraient jouer un rôle dans « un pacte de gouvernance », mais aussi « y compris des gens de chez Nicolas Mayer-Rossignol, à condition que ce soit dans un esprit constructif », avance Corinne Narassiguin.
Nicolas Mayer Rossignol attend des « gages » et une « motion de synthèse » pour rejoindre la direction
Une réunion du texte d’orientation de Nicolas Mayer-Rossignol a fait le point vers la pause méridienne. Pas encore sûr que son TO rejoigne les yeux fermés la direction. Tout dépend des conditions. Les soutiens de « NMR » attendent des réponses sur des changements sur le fond et sur la forme au PS. « Si c’est pour être des potiches ou des plantes de service, c’est niet », lâche l’un d’eux.
A 16 heures, une conférence de presse avec Nicolas Mayer-Rossignol est organisée pour faire le point. « Il est essentiel que la direction sortante donne des gages, apporte des réponses concrètes sur cette attente de changement que nous allons continuer de porter », prévient Nicolas Mayer-Rossignol, mais « rien ne peut être comme avant » lance-t-il, demandant « une gouvernance plus collective ». « Nous n’irons pas dans une direction s’il n’y a pas d’abord une discussion sur le fond et s’il n’y a pas de motion de synthèse qui nous permette de réconcilier nos positions et d’aller de l’avant », ajoute, assis à ses côtés, le député PS Philippe Brun. « Concrètement, il faut un texte, au moment du congrès de Nancy, qui montre comment les attentes de changement sont prises en compte », précise « NMR ».
Que le PS soit « extrêmement clair sur le refus d’une alliance avec LFI »
Ils partagent l’idée défendu par Olivier Faure d’une union de la gauche de Ruffin à Glucksmann. Mais pas n’importe comment. « Oui à l’union de la gauche, dans la clarté des alliances », soutient le maire de Rouen, appelant à « être extrêmement clair sur le refus d’une alliance avec LFI », la bête noire des adversaires d’Olivier Faure, qui revendique pourtant maintenant représenter la gauche non-mélenchoniste. « Nous ne nous satisferons pas d’un programme qui serait le programme de Jean-Luc Mélenchon, moins 10% », lance encore Philippe Brun, « il faut qu’on ait notre propre voix ».
Au passage, Nicolas Mayer-Rossignol souligne que « la première condition pour l’union de la gauche, c’est de rassembler les socialistes ». Il laisse même planer la menace que le PS pourrait se diviser, en cas d’accord avec LFI dans certaines villes pour les municipales : « On est très peu nombreux. On n’a jamais eu aussi peu de militants. Personne ne souhaite qu’on se divise encore plus »…
« La remontada a failli réussir »
Un peu plus tôt, le président du groupe PS du Sénat, Patrick Kanner, qui avait soutenu le maire de Rouen, ne cache pas une certaine déception. « Je suis naturellement déçu, puisque j’ai soutenu un candidat, qui pouvait vraiment porter le changement au sein du PS. Je suis déçu, mais en même temps, la remontada a failli réussir et beaucoup prévoyaient un écart plus grand avec le soutien de Boris Vallaud », souligne Patrick Kanner, qui relève que « dans les instances décisionnaires du PS, Olivier Faure n’a potentiellement pas la majorité. Ce qui veut dire qu’il faut changer de gouvernance ». Un roi aux mains liées, Olivier Faure ?
Au passage, l’ancien ministre de François Hollande s’étonne du retard dans l’organisation du prochain scrutin local. « Aujourd’hui, il y a des centaines de ville où il n’y a aucun candidat PS identifié, à la veille des municipales et à la veille des sénatoriales de 2026. Il faut donc revoir l’organisation de cette maison de la cave au grenier. Il y a péril en la demeure », alerte le patron des sénateurs PS.
La présidentielle, « bien sûr qu’Olivier Faure y pense et ne s’en cache pas »
Malgré une victoire en demi-teinte, Olivier Faure peut s’estimer malgré tout, renforcé. Il a tenu. Au point de pouvoir caresser plus sérieusement des ambitions pour 2027 ? On lui en prête souvent. « C’est un peu tôt. Mais c’est légitime, à travers toutes les difficultés que le PS a pu traverser. A chaque fois, on prédit sa chute et il est toujours là. Même si la victoire n’est pas aussi franche qu’on aurait souhaité, il a une légitimité naturelle qui est installée maintenant. Il y a à la tête du PS un chef identifié. Et évidemment, il est légitime à être candidat à la candidature », lâche Corinne Narassiguin, « mais il est tout à fait conscient que ces choses ne se décrètent pas. Elles se construisent et bien sûr qu’il y pense et ne s’en cache pas. Mais il faut le prouver et en faire la démonstration et montrer que non seulement, on est le meilleur des socialistes pour être le candidat. Mais il faut aussi convaincre les autres, à gauche, que ce serait un socialiste qui serait la meilleure personne. Bien sûr qu’on souhaite qu’un socialiste mène la gauche à la victoire. Mais on reconnaît aussi que c’est normal pour les Verts d’y penser aussi ».
Mais cette proche du premier secrétaire insiste : « Olivier Faure ne cache pas le fait que lui-même se prépare à la possibilité d’une candidature à l’élection présidentielle. Mais il est aussi le premier à reconnaître qu’il y a d’autres personnes qui ont beaucoup de talent », à l’image de Boris Vallaud, dont on dit aussi qu’il pourrait viser 2027. Au PS, une élection peut en cacher une autre.