Oui au constat fait par François Bayrou mais non au budget qui est proposé. C’est la ligne tenue par Les Républicains réunis en Congrès samedi et dimanche à Port-Marly dans les Yvelines. Près de 2000 militants et cadres sont rassemblés pour adopter les nouveaux statuts rédigés cet été après la large élection de Bruno Retailleau à la présidence du parti.
Mais plus encore que les autres formations politiques, la droite a dû recalibrer cette rentrée en prenant en compte le vote de confiance demandé par François Bayrou. La perspective plus que probable de la chute du gouvernement, composé de 7 membres des Républicains, fait craindre aux cadres de passer sous les radars de la vie publique. « On existe que dans l’action politique. Avant d’entrer au gouvernement Barnier, on était menacés de disparition. Et regardez Gabriel Attal, une fois qu’il a quitté Matignon, il a quasiment disparu », constate une parlementaire proche de Bruno Retailleau.
De l’avis des militants et des cadres, l’intérêt de Bruno Retailleau qui s’exprimera dimanche en clôture du Congrès, est de rester au gouvernement au moins jusqu’aux municipales. Mais le locataire de Beauvau est sur une ligne de crête, oscillant entre la loyauté au gouvernement qui l’a propulsé en haut des personnalités politiques les plus populaires et la nécessité de prendre ses distances vis-à-vis du bilan politique d’Emmanuel Macron à mesure que l’échéance de 2027 se rapproche.
Laurent Wauquiez fait bonne figure
Bien conscient de la position inconfortable de son ancien rival, Laurent Wauquiez a provoqué des remous en interne cette semaine en annonçant sur BFM TV que la droite ne censurerait « ni un gouvernement PS, ni un gouvernement RN ». « Il en a marre de voir Bruno prendre la lumière au gouvernement. En donnant l’impression qu’il adouberait un gouvernement de gauche, Bruno sortirait et il remet les compteurs à zéro », analyse l’élue citée plus haut.
« Si la gauche est à Matignon, la droite sera dans l’opposition », a rappelé à l’ordre samedi le secrétaire général de LR Othman Nasrou. Loin de faire amende honorable, Laurent Wauquiez a dédramatisé l’impact de ses déclarations, préférant reprendre la tonalité de ses très nombreux meetings lors de la campagne interne pour la présidence du parti en visant « le système », « la dictature des associations d’extrême gauche » sans oublier les « juges » du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat qui « empêchent la démocratie de s’exprimer ». « C’est ce système qu’il faut faire sauter. Sinon on peut participer à tous les gouvernements du monde, faire des beaux discours en disant, ici, jamais de compromission… Ce système nous condamne à l’impuissance », a-t-il exposé sous les applaudissements de l’assistance.
« Les Républicains parlent d’une seule voix »
« Les Républicains parlent d’une seule voix. Vous l’avez entendu, Les Républicains sont unis pour dénoncer le danger majeur que la gauche fait peser sur notre pays », a balayé le numéro 2 du parti, François-Xavier Bellamy, refusant le terme de recadrage à l’attention de Laurent Wauquiez. Jeudi Bruno Retailleau avait pourtant immédiatement répondu à Laurent Wauquiez, rappelant sur X que « si LR a accepté d’entrer au gouvernement, c’est justement pour empêcher la gauche d’accéder au pouvoir ».
Gouverner avec les socialistes « serait une alliance contre nature »
Quant à la proposition de l’ancien socialiste et actuel ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, François Rebsamen « d’un collectif pour la France » allant « d’Olivier Faure à Bruno Retailleau », elle est immédiatement rejetée. « On ne participera pas à un gouvernement dont le Premier ministre est de gauche tout simplement parce qu’on considère que la France penche à droite », tranche la sénatrice de Paris, Agnès Evren qui précise viser les « socialistes actuels ». « Ce serait mentir aux Français. Ce serait une alliance contre nature quand on regarde leur programme, c’est 27 milliards d’impôts supplémentaires, c’est la division par deux de la réduction des déficits », ajoute-t-elle. Le président du groupe LR du Sénat, Mathieu Darnaud confirme : « Nous sommes cohérents. Nous ne voulons pas de budget qui porte des impôts et des taxes supplémentaires. Nous voulons un budget qui s’attaque à la dette. C’est ce que nous avons toujours fait au Sénat ».
Bayrou : « Quel est son bilan à part son impopularité, son inaction ? »
Et même si le président du Sénat, Gérard Larcher, a enjoint ses collègues députés à voter la confiance du gouvernement lundi, rappelant que « le sujet ce n’est pas François Bayrou, c’est la France », la confiance accordée à François Bayrou s’annonce arithmétiquement impossible. « Et si demain il y a une dissolution, nos députés ne veulent pas faire campagne sur le terrain en se présentant comme les élus qui ont tenté de sauver Bayrou. Quel est son bilan à part son impopularité, son inaction et la loi Paris Lyon Marseille ? » lâche un cadre qui ajoute : « Tout le monde veut lui retirer l’oxygène. Il a tendu une perche à tout le monde ». L’abstention des députés LR lundi ne devrait pas être marginale.
C’est pourquoi Les Républicains planchent déjà sur l’après Bayrou et ont rédigé un contrat de gouvernement, composé de quatre piliers : « Mieux rémunérer le travail », « la maîtrise des comptes publics », « la maîtrise de l’immigration » et « la sécurité ». Des marqueurs qui rappellent le pacte législatif présenté par les LR après la dissolution. « Oui mais là, on sera intransigeant. On veut des textes législatifs en face », assure notre source citée plus haut. La garantie qu’il n’y aura pas de réforme de la proportionnelle, une proposition honnie par la droite mais que François Bayrou comptait déposer à la fin de l’année pourrait également être dans la balance de la participation de LR au prochain gouvernement. Enfin, lors de son entretien vendredi avec Emmanuel Macron, Gérard Larcher aurait fortement plaidé en faveur du maintien de Bruno Retailleau au gouvernement.
Seule ombre au tableau de ce samedi pour la grande famille des 135 000 adhérents de LR, une petite partie de jeunes femmes et hommes ont bruyamment manifesté leur mécontentement au milieu des discours. Ils protestent contre les nouveaux statuts qui ne prévoient pas l’élection des Jeunes LR. Le président sera directement nommé par les instances du parti. Un début de fronde ? « On est dans un lieu d’échanges et de débats, c’est tout à fait naturel », a évacué Mathieu Darnaud.