Paris: Passation pouvoir R. Ferrand et Y. Braun Pivet

Conseil constitutionnel : pourquoi la probable nomination de Richard Ferrand fait polémique

On connaîtra lundi les noms des candidats du chef de l’Etat et des présidents de l’Assemblée et du Sénat pour le Conseil constitutionnel. Emmanuel Macron compte proposer à sa présidence un très proche, Richard Ferrand, au risque de susciter la polémique. Pour Gérard Larcher, la candidature du sénateur Philippe Bas « tient la rampe ».
François Vignal

Temps de lecture :

8 min

Publié le

Mis à jour le

Ce sont certainement parmi les nominations les plus importantes. On connaîtra ce lundi 10 février les candidats que proposent Emmanuel Macron, Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet pour le Conseil constitutionnel. Le chef de l’Etat a le privilège de nommer le président de l’institution de la rue Montpensier. Il s’agit de remplacer Laurent Fabius, dont la présidence de neuf ans prend fin le 7 mars.

« Il va appeler tout le monde pour faire le décompte des voix »

Comme l’avait révélé Le Figaro, Emmanuel Macron hésitait entre trois noms : l’ex-président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, un de ses plus proches, et les conseillers d’Etat Jean-Denis Combrexelle et Bruno Lasserre. C’est finalement vers l’ancien député du Finistère que le Président se tourne, comme le confirment ce vendredi plusieurs sources.

Ces nominations ne sont pas automatiques. Elles doivent passer par le filtre des commissions des lois des assemblées. Pour être validées, elles ne doivent pas être rejetées par les 3/5 des votes contre des commissions. Pour les candidats de chaque assemblée, seul compte le vote de la commission maison. Mais pour celui du chef de l’Etat, on additionne les votes des commissions des deux chambres.

S’il faut attendre lundi pour que ce soit officiel, Richard Ferrand est déjà en réalité en campagne, à bas bruit. « Manifestement, il va appeler tout le monde pour faire le décompte des voix », confie un sénateur. Histoire de ne rien laisser au hasard.

« Sur le fond, Richard Ferrand n’a pas les compétences »

Mais le profil très politique de Richard Ferrand, fidèle parmi les fidèles, l’un des rares à pouvoir dire très franchement ce qu’il pense au chef de l’Etat, fait débat. Sur X, le constitutionnaliste Benjamin Morel met en garde. Il estime que « nommer Richard Ferrand, à l’image très abîmée dans l’opinion, très proche du Président », ce serait « affaiblir profondément le Conseil dont on n’a jamais autant eu besoin ». L’ancien président LREM de l’Assemblée, de 2018 à 2022, a eu à faire avec la justice. Mais il a été mis hors de cause dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne.

A gauche, cette candidature fait tousser. « Le Conseil constitutionnel ne peut pas être l’endroit où on recase ses amis », a taclé le coordinateur de La France insoumise Manuel Bompard. « Richard Ferrand, quand on voit son parcours, il n’est pas très juriste… », pointe un sénateur de gauche, qui ajoute même : « Sur le fond, il n’a pas les compétences. Laurent Fabius, c’est quand même un énarque. Il a la base technique ». Le même souligne « un parcours éminemment politique, marqué par quelques affaires judiciaires, et un très proche du président de la République. De l’expertise juridique, ce n’est pas mauvais pour le Conseil constitutionnel. Ce n’est pas son cas. Mais il a de la compétence politique ».

« C’est normal que le Président nomme un proche, en qui il a confiance. C’est important d’avoir quelqu’un qui tient la barque »

Des critiques balayées d’un revers de main dans le camp présidentiel. « Richard Ferrand, c’est le choix du cœur et le choix de la raison », estime un sénateur macroniste, qui pense qu’« au Sénat, il ne devrait pas y avoir trop de problèmes. A droite, une majorité votera pour lui, avec le bloc central ».

« C’est normal que le Président nomme un proche, en qui il a confiance. Il préparera l’avenir, les temps futurs seront compliqués. C’est important d’avoir quelqu’un qui tient la barque », ajoute ce soutien du chef de l’Etat, pour qui Richard Ferrand ne peut être attaqué pour sa proximité. « Et Jean-Louis Debré, ce n’était pas un ami de Chirac ? C’était le premier des chiraquiens. Laurent Fabius, ce n’était pas un ami de Hollande ? Et Robert Badinter un ami de Mitterrand ? », lance ce parlementaire.

« Si demain, ce pays devait être dirigé par l’extrême droite, le Conseil constitutionnel deviendra un élément de résistance »

« Pour présider, ça a toujours été des politiques. Vous ne nommez pas un ennemi. Roland Dumas, c’était un intime de Mitterrand. On nomme des gens qui sont proches et capables de faire le job, de résister à des situations compliquées, surtout suivant les résultats de la présidentielle en 2027. Ce n’est pas un technicien qui va résister en lisant le Code civil. Il faut quelqu’un qui a du réseau, qui sait parler à tout le monde », ajoute un sénateur de la majorité. En parlant des « résultats » de 2027, il évoque l’hypothèse d’une victoire de Marine Le Pen ou d’un candidat d’extrême droite. Dans ce cas, « si ça devait être à l’Elysée un Président dont on peut redouter les décisions, le Conseil constitutionnel fait partie des remparts de la République ».

Une dimension qui parle même à l’opposition. « Si demain, ce pays devait être dirigé par l’extrême droite, le Conseil constitutionnel deviendra un élément de résistance. Et on peut imaginer que là, il vaut mieux un politique qui soit à la tête du Conseil », reconnaît un sénateur de gauche.

« La semaine dernière, c’était plutôt Buffet. Cette semaine, c’est plutôt Bas »

Pour la nomination proposée par Gérard Larcher, deux noms circulent : ceux de Philippe Bas et de François-Noël Buffet. Le premier est sénateur LR de la Manche, ancien président de la commission des lois du Sénat, ancien secrétaire général de l’Elysée sous Jacques Chirac, ancien ministre. Il s’est surtout fait connaître du grand public en présidant la retentissante commission d’enquête du Sénat sur l’affaire Benalla. Le second est aujourd’hui ministre auprès du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, ex-sénateur du Rhône, ancien président de la commission des lois qui a succédé à… Philippe Bas.

« C’est en train d’atterrir, le président a choisi », soutient un sénateur, selon qui le vent aurait tourné : « La semaine dernière, c’était plutôt Buffet. Cette semaine, c’est plutôt Bas ». « C’est Philippe Bas qui tient plutôt la rampe, car François-Noël Buffet est au gouvernement et est plus jeune », confirme un poids lourd de la Haute assemblée, qui se souvient que le sénateur de la Manche « avait déjà été cité il y a trois ans. Mais il n’était pas plus pressé que ça de quitter le Palais ». Un membre de l’opposition émet une autre hypothèse : « L’exfiltrer du Sénat peut faire plaisir à certains… Il y a des gens qui ne lui ont jamais pardonné son amendement sur la constitutionnalisation de l’IVG », avance ce sénateur de gauche…

Reste que Philippe Bas « a totalement le profil », souligne un sénateur de la majorité sénatoriale, « il a une expérience professionnelle et juridique importante, conjuguée à une expérience politique non moins importante. Il est légitime ».

Accord entre Larcher et Macron ?

Pour faciliter les nominations, certains évoquent « un accord entre Gérard Larcher et Emmanuel Macron. L’idée, ce serait d’accord pour Bas, donc d’accord pour Ferrand ». Un renvoi d’ascenseur en somme, ou plutôt un pacte de non-agression. « Philippe Bas n’aura pas besoin de ça, car seule la commission des lois du Sénat se prononce pour lui. Il suffit que la majorité soit d’accord. Pas besoin de négocier », corrige un sénateur.

Pour Philippe Bas, si c’est bien lui, les choses devraient d’autant bien se passer qu’à gauche aussi, certains saluent « une très belle candidature de droite. Il est extrêmement pointu et a le sens de l’Etat ». Les socialistes devraient voter en sa faveur. Pour Richard Ferrand en revanche, la décision n’est pas encore prise.

« Il y a des tas de gens qui regardent la candidature de Laurence Vichnievsky avec une certaine réserve »

Et quid de l’ex-député Modem et ancienne juge d’instruction, Laurence Vichnievsky, qui pourrait être la candidate de Yaël Braun Pivet, attachée à nommer une femme ? « Ça ne fait pas que des heureux. Il y a des tas de gens qui regardent cette candidature avec une certaine réserve. Ce n’est pas quelqu’un de naturellement souriante et affable », lâche un sénateur. Mais pour elle, ce seront aux députés de se prononcer. Rendez-vous le 19 février prochain, pour les auditions des candidats.

Dans la même thématique

Conseil constitutionnel : pourquoi la probable nomination de Richard Ferrand fait polémique
3min

Politique

Emmanuel Grégoire candidat à la mairie de Paris : "Je ne pourrai pas soutenir quelqu'un qui a passé son temps à me tirer le tapis sous le pied », déclare Anne Hidalgo

Invitée de la matinale de Public Sénat, la maire de Paris Anne Hidalgo s’est exprimée sur la fin de son mandat, et les élections municipales à venir. Si l’édile soutient le sénateur socialiste Rémi Féraud pour la succéder, elle attaque son premier adjoint Emmanuel Grégoire, également candidat, qui n’a pas « rempli son rôle de protéger le maire ».

Le

Conseil constitutionnel : pourquoi la probable nomination de Richard Ferrand fait polémique
2min

Politique

Assouplissement du ZAN : Agnès Pannier-Runacher dénonce « la manière dont certains populistes se saisissent de ce sujet »

La majorité sénatoriale propose d’assouplir les objectifs de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols, dans un texte examiné à partir de ce 12 mars. Si la ministre de la Transition écologique accepte de donner « un peu de souplesse » aux élus locaux dans l’application de la loi, elle s’oppose à tout abandon des objectifs chiffrés.

Le