Richard Ferrand peut souffler et dire merci aux 16 députés RN qui se sont abstenus sur le vote concernant sa candidature en tant que membre du Conseil constitutionnel. Si l’ancien président de l’Assemblée nationale a recueilli une majorité contre lui, elle n’a pas atteint, à une voix près, les trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions des lois, la majorité de blocage prévue dans la Constitution. Dans le détail, au Sénat sur les 44 votants, 40 se sont exprimés. 26 ont voté contre et 14 pour. A l’Assemblée, sur les 72 votants, 57 se sont exprimés. 25 ont voté pour et 32 ont voté contre. La majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés était fixée à 59 voix contre, il n’y en a eu que 58 contre la candidature de Richard Ferrand.
« Il n’est pas désigné en tant que président du Conseil constitutionnel »
Si rien n’empêche Richard Ferrand d’intégrer la rue Montpensier et de succéder à Laurent Fabius à la tête de l’institution, ce n’est pas encore fait, comme l’a rappelé Muriel Jourda, la présidente (LR) de la commission des lois. « Il n’est pas désigné en tant que président du Conseil constitutionnel. Pour l’instant, rien ne s’oppose à ce que le président de la République le nomme comme membre (du Conseil constitutionnel). Et ensuite, nous verrons », a-t-elle rappelé.
Rappelons, nous, que les neuf membres du Conseil constitutionnel se renouvellent par tiers tous les trois ans, sur proposition du Président de la République, des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Depuis la révision constitutionnelle de 2008, ces nominations obéissent à la procédure prévue à l’article 13 de la Constitution selon laquelle le président de la République ne peut procéder à une nomination d’un directeur d’administration centrale « lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions ».
Richard Ferrand a passé l’étape de la « contrainte du contrôle parlementaire », mais le décret de sa nomination est entre les mains du président de la République. « Il est totalement libre de ses choix. Le décret en lui-même est insusceptible de recours juridictionnel, donc il ne pourra pas être contesté », a souligné Thibaud Mulier, maître de conférences en droit public.
Après le vote de la commission, la sénatrice écologiste, Mélanie Vogel a appelé Emmanuel Macron « à ne pas procéder à la nomination de Richard Ferrand ». « Il a le droit de le faire mais il n’est pas obligé de le faire ». « Nous appelons Richard Ferrand à ne pas accepter cette nomination », a-t-elle déclaré devant la presse en annonçant que son groupe avait déposé une proposition de loi constitutionnelle « pour modifier cette procédure ». « Parce que personne ne comprend que ce soit constitutionnel de désigner quelqu’un qui a le Parlement contre lui ».
Richard Ferrand peut-il être simple membre du Conseil constitutionnel ?
Autre possibilité, Emmanuel Macron pourrait nommer Richard Ferrand simple membre du Conseil constitutionnel. « La nomination d’un membre du Conseil constitutionnel par le chef de l’Etat doit être détachée de la désignation du Président du Conseil constitutionnel », expliquait la semaine dernière à publicsenat.fr, Julien Bonnet, professeur de droit public à l’Université de Montpellier. En effet, si selon l’article 56 de la Constitution, le président du Conseil constitutionnel est nommé par le Président de la République, il peut être nommé parmi les membres actuels. En mars 2000, Yves Guéna nommé membre du Conseil constitutionnel trois ans plus tôt par le président du Sénat, René Monory, avait été nommé président du Conseil par le président de la République Jacques Chirac.
Richard Ferrand peut-il renoncer à intégrer le Conseil constitutionnel ?
L’ordonnance de 1958 prévoit un délai de rétractation de 8 jours après la nomination des membres du Conseil constitutionnel. En 2017, Michel Mercier qui avait vu sa candidature au Conseil constitutionnel largement confirmée par le Sénat, avait finalement renoncé, estimant qu’il ne pouvait siéger « avec la sérénité nécessaire », car mis en cause dans une affaire d’emplois fictifs.
Mais Richard Ferrand a déjà prévenu les sénateurs. Même avec une majorité de voix contre sa candidature, il « appliquera la Constitution » « ou alors il faut en changer la règle ».