Contrôle au faciès : une proposition de loi PS veut « rétablir la confiance entre la police et la population »

La sénatrice socialiste, Corinne Narassiguin présentait, ce mardi, sa proposition de loi visant à encadrer et réduire le nombre de contrôles d’identité. L’objectif est de mettre fin aux contrôles « au faciès ». Un premier pas, selon elle, pour retrouver des rapports apaisés entre la police et la population dans certains quartiers.
Simon Barbarit

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C’est en participant aux travaux de la mission d’information du Sénat sur les émeutes de 2023, que Corinne Narassiguin, sénatrice socialiste de Seine Saint Denis, a pu évaluer « que le rapport entre la police et la population était un énorme sujet de préoccupation ».

Ce mercredi, la sénatrice présentait donc sa proposition de loi « tendant à rétablir le lien de confiance entre la police et la population ». Un texte qui entend réformer la pratique du contrôle d’identité « qui est devenu le symbole de tous les dysfonctionnements ». « C’est établi par une enquête du Défenseur des droits, un avis du Conseil d’Etat, une décision de la Cour de Cassation… Il existe du contrôle au faciès dans notre pays malheureusement. Il y a des discriminations qui sont systémiques au travers l’aspect arbitraire des contrôles d’identité », déplore-t-elle.

Un rapport de la Cour des comptes évalue à 47 millions de contrôles d’identité réalisés chaque année. « 15 millions sont des contrôles routiers et les 32 millions sont une estimation du nombre de contrôle piéton, une estimation, car nous n’avons pas de traçabilité », explique-t-elle.

Récépissé

C’est la raison pour laquelle, la sénatrice relance l’idée d’un « récépissé » de contrôle d’identité. Il « prévoit l’établissement d’un document dont un double est remis à l’intéressé ». Ce récépissé intégrerait les motifs, la date et le lieu du contrôle, l’identité de la personne contrôlée ou encore le matricule de l’agent effectuant le contrôle.

Le texte modifie aussi le code de procédure pénale « afin d’inscrire dans la loi l’exigence de contrôle motivé qui exclut toutes discriminations. Pour circonscrire les contrôles administratifs préventifs autorisés actuellement quel que soit le comportement de la personne, pour prévenir une atteinte à l’ordre public, l’article 2 limite leurs usages à ces cas précis comme « la sécurité d’un événement, d’une manifestation ou d’un rassemblement exposé à un risque d’atteinte grave à l’ordre public à raison de sa nature et de l’ampleur de sa fréquentation ».

En ce qui concerne les contrôles d’identité faits sur réquisition du procureur de la République, l’élue veut là aussi renforcer leur encadrement car « parfois ils sont faits sur des plages horaires extrêmement larges, avec des objectifs qui ne sont pas bien définis », relate-t-elle. Elle demande donc la réalisation de rapports sur l’efficacité de ces contrôles. Si on a fait des contrôles pour démanteler un point de deal, il faut savoir si on a bien interpellé des dealers et non des personnes sans papiers ».

« Nous aussi, nous sommes tombés dans ce biais de la suspicion générale »

Ce n’est pas la première fois qu’une proposition de loi visant à lutter contre les contrôles d’identité abusifs est déposée. En 2016 un texte en ce sens déposé par le groupe communiste avait été rejeté au Sénat. Corinne Narassiguin n’hésite pas à reconnaître que la proposition a été « abandonnée en rase campagne » par les socialistes lors du quinquennat Hollande. « Nous avons augmenté le nombre de policiers mais ils ont été absorbés par la lutte antiterroriste. De ce fait, nous aussi, nous sommes tombés dans ce biais de la suspicion générale et du tout répressif ».

Si les syndicats de policiers restent opposés à la mise en place des récépissés, une étude du Défenseur des Droits publiée le 27 février 2024, montre que près de deux policiers et gendarmes sur cinq (39,2 %) jugent les contrôles d’identité « peu voire pas efficaces » pour garantir la sécurité d’un territoire.

L’objectif est également de « susciter un débat sur la doctrine d’emploi des forces de l’ordre pour une plus grande efficacité d’action, ce qui suppose de réévaluer les consignes de la hiérarchie et l’adéquation de leur formation », peut-on lire dans les motifs de la proposition de loi.

La proposition de loi sera examinée en séance publique le 15 mai et son auteure se fait peu d’illusions sur le sort que lui réservera la majorité sénatoriale de droite. Il s’agira donc surtout d’une occasion pour débattre « de l’importance d’une police républicaine ». « Je suis élue de Seine Saint-Denis et les habitants réclament une présence policière qui s’occupe véritablement de problème de délinquance et de sécurité », souligne-t-elle. Elle invite ses collègues de droite et le gouvernement à s’appuyer sur l’expérience des derniers Jeux Olympiques marqués par une présence policière accrue de forces de l’ordre dans son département mais « ils étaient dans une attitude d’apaisement ».

 

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