Certains sont "très inquiets", d'autres plaident qu'il ne faut pas "céder à l'irrationnel": au lendemain de l'annonce des premiers cas de coronavirus à l'Assemblée, députés et collaborateurs digéraient la nouvelle, tandis que les mesures de sécurité ont été renforcées.
La présidence du Palais Bourbon a indiqué vendredi en début d'après-midi que "quatre autres personnes" avaient effectué un signalement et allaient être dépistées.
Elle avait annoncé jeudi soir la contamination de deux personnes: un député LR du Haut-Rhin, Jean-Luc Reitzer, hospitalisé en réanimation, et un salarié, qui travaillait encore ces derniers jours à la buvette des députés, "confiné à domicile".
S'y ajoutait un troisième cas suspect, chez un salarié du restaurant des députés, "hospitalisé", au moins deux députés venant de zones à risque ayant aussi été confinés dernièrement.
De quoi affoler ceux qui gravitent dans cette ruche, où se côtoient 577 élus, leurs collaborateurs, mais aussi plus d'un millier de fonctionnaires et des visiteurs en nombre.
Tout en soulignant que l'interruption des travaux du 9 au 22 mars, pour les élections municipales, fait que "le nombre de personnes sur site sera fortement réduit", la présidence a pris de nouvelles dispositions vendredi. Le télétravail sera facilité, les visites de groupes et colloques seront reportés, et les restaurants resteront fermés.
Pour Philippe Gosselin (LR), "c'est sérieux". Le virus "pourrait se propager d'autant plus facilement qu'à l'Assemblée tout le monde croise tout le monde. Et que tout le monde vient de partout, voire des quatre coins du monde", dit-il à l'AFP.
Dès le 3 mars, des consignes avaient été relayées: information en interne, pas de bise ni de serrage de main, utilisation du gel hydroalcoolique... Jeudi soir, le président Richard Ferrand (LREM) a rappelé les règles, notamment pour ceux ayant fréquenté la buvette ou le restaurant, dont le "contrôle de la température deux fois par jour" et la "restriction de la vie sociale".
- "Pas Ebola non plus" -
François de Rugy (LREM) qui rapporte à l'AFP avoir dernièrement déjeuné au restaurant et dîné à la buvette, "prend l'alerte au sérieux". Il n'ira notamment pas, comme il l'avait prévu, rendre visite à sa mère de 79 ans, qui suit un traitement réduisant ses défenses immunitaires.
Nombre de députés ayant fréquenté le restaurant et/ou la buvette ont annulé leurs rendez-vous, comme Matthieu Orphelin (ex-LREM) qui rapporte comme d'autres qu'il vient de "prendre (s)a température". Ou Philippe Chalumeau (LREM) médecin généraliste qui s'est retrouvé à l'Assemblée "dans une zone de contact".
Maxime Minot, député de l'Oise, un des foyers de l'épidémie, confie à l'AFP être "très inquiet pour l'ensemble de l'institution". Du côté des collaborateurs, on note qu'il y a "très peu" de monde sur place ce vendredi, les travaux dans l'hémicycle s'étant achevés la veille sur les retraites.
Mais le niveau d'inquiétude est "élevé" voire "très élevé", rapporte Gonzague de Chantérac, du syndicat CFTC, même si depuis une semaine "tout le monde garde davantage ses distances", selon Astrid Morne (UNSA-USCP).
Vendredi matin, avant la décision de reporter les visites, une classe de CM2 parisienne déambulait encore dans le Palais Bourbon. "On suit les consignes et on reste vigilants", rapportaient les accompagnatrices, tandis que non loin de là, des agents de nettoyage essuyaient méticuleusement les poignées de porte.
Côté députés, ce n'était pas la foule. Aux 4 colonnes, le lieu de rencontre avec la presse, Bruno Fuchs (app MoDem) plaidait pour ne pas sombrer dans la "psychose", malgré le "choc" de la contamination d'un collègue.
Jean-Marie Sermier (LR), dont la place dans l'hémicycle est juste derrière l'élu contaminé, a assuré sur BFMTV faire "complètement confiance en l’institution et au corps médical".
Le chef de file des élus LREM Gilles Le Gendre a admis pour sa part "la dimension symbolique" d'une contamination à l'Assemblée, mais estimé qu'il ne fallait pas "surréagir".
Son collègue Jean-Baptiste Moreau (LREM), lui, n'est "pas du tout" inquiet. "Il ne faut pas céder à l'irrationnel", dit-il à l'AFP. "Il faut être vigilants, mais ce n'est pas Ebola non plus".