Six mois après avoir été condamné pour détournement de fonds publics, l'ex-député DVG de Haute-Corse Paul Giacobbi, figure de la vie politique de l'île depuis une quinzaine d'années, a été mis en examen mercredi dans une enquête sur des emplois présumés fictifs.
L'ancien député a été "mis en examen pour détournement de fonds publics", a annoncé à l'AFP le procureur de la République de Bastia Nicolas Bessone. "Il lui est reproché d'avoir validé le recrutement de personnes employées fictivement, et validé des dépenses somptuaires injustifiées", a précise le procureur.
Les juges du pôle économique et financier du tribunal correctionnel de Bastia s'intéressent à des faits remontant à l'époque où Paul Giacobbi dirigeait l'exécutif corse, entre mars 2010 et décembre 2015, avant l'élection des nationalistes à la tête de la collectivité territoriale.
La justice accuse "M. Giacobbi d'avoir laissé le système perdurer en connaissance de cause" mais écarte tout "enrichissement personnel", a précisé une source judiciaire.
Pour Me Emmanuel Mercinier Pantalacci, conseil de M. Giacobbi, les abus dont on tient pour responsable son client ont été "commis par son entourage, au sein de son cabinet et de la direction générale des services". "Les agissements des collaborateurs concernés lui étaient parfaitement dissimulés", a-t-il affirmé.
Face aux enquêteurs, Paul Giacobbi et les autres personnes visées dans l'enquête ont nié les faits qui leur sont reprochés.
Outre M. Giacobbi, cinq autres personnes ont été mises en examen mercredi soir dans cette affaire: l'ancien directeur général des services de la collectivité territoriale, Thierry Gamba-Martini, pour "détournement de biens publics", l'ancien directeur de cabinet de M. Giacobbi, Augustin-Dominique Viola, pour "complicité", sa nièce et deux autres femmes pour "recel de détournement de biens publics".
"Ils ont tous été placés sous contrôle judiciaire et ont interdiction de se rencontrer", a précisé le procureur de la République Nicolas Bessone.
- 480.000 euros détournés -
Ancien élève de l'ENA, haut fonctionnaire et industriel, Paul Giacobbi, 60 ans, entré en politique en 1982 au Parti des radicaux de gauche, élu en 2002 député de la seconde circonscription de Haute-Corse, a déjà été condamné en janvier à trois ans de prison ferme, 100.000 euros d'amende, et cinq ans d'inéligibilité dans une autre affaire, dite des "gîtes ruraux", une condamnation dont il a fait appel.
Le tribunal correctionnel de Bastia l'avait sanctionné pour le détournement de quelque 480.000 euros de fonds publics, au sein du conseil départemental de Haute-Corse qu'il a présidé entre 2007 et 2010. Destinées à financer la construction ou la rénovation de gîtes, ces sommes avaient profité en réalité à une quinzaine de personnes, également condamnées et qui ont aussi fait appel.
Au cours du procès, M. Giacobbi s'était déjà défendu en assurant ne pas avoir "bénéficié personnellement des sommes qui auraient été détournées". "Je tiens à dire solennellement que je n'ai pris aucune part aux faits reprochés, ni n'en ai eu connaissance avant que la presse ne s'en fasse l'écho, bien après mon départ du conseil général", avait-il déclaré à l'époque.
Un des principaux soutiens d'Emmanuel Macron en Corse lors de l'élection présidentielle, Paul Giacobbi avait renoncé à briguer un nouveau mandat lors des législatives de juin. "J'ai observé la vie politique nationale marquée par une crise sans précédent qui peut nous mener aux extrêmes (...) J'ai relevé l'exigence légitime de nos concitoyens que les candidats ne soient entachés d'aucun soupçon", avait-il alors déclaré, tout en assurant poursuivre le "combat" pour faire reconnaître son "innocence" dans l'affaire des gîtes ruraux.