Corse: la jeune garde nationaliste indifférente à la présidentielle

Corse: la jeune garde nationaliste indifférente à la présidentielle

L'élection du président français ne nous concerne pas": dans les rues de Corte, berceau du nationalisme corse, Paul Salort, président du...
Public Sénat

Par Andrea PALASCIANO

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

L'élection du président français ne nous concerne pas": dans les rues de Corte, berceau du nationalisme corse, Paul Salort, président du principal syndicat étudiant de l'université de la ville résume une indifférence largement partagée chez les jeunes nationalistes de l'Ile de Beauté.

"On n'a pas la prétention en tant qu'indépendantistes de choisir le président d'un pays qu'on considère comme n'étant pas le nôtre", poursuit le leader de la Ghjuventù Indipendentista. Agé de 20 ans, le frêle tribun s'arrête régulièrement pour faire une bise, serrer une main ou indiquer l'église où s'est tenue la dernière grève de la faim des jeunes nationalistes --dont les trois syndicats étudiants sont largement majoritaires à l'université.

Née en 1981 de la revendication des mouvements régionalistes des années 70, l'Università di Corsica-Pasquale Paoli --du nom d'une figure emblématique de l'île au 18e siècle-- a longtemps été perçue comme une place forte du nationalisme, connaissant des poussées de fièvre sporadiques.

De ce fait, ce "foyer d'agitation" a fait peur aux responsables politiques insulaires, qui ont gelé ses crédits au milieu des années 80, et aussi aux parents, qui préféraient envoyer leurs enfants étudier à Aix-en-Provence ou Nice. Mais aujourd'hui, l'université accueille quelque 4.500 étudiants, dans la ville de 7.500 habitants accrochée aux montagnes au milieu de l'île.

Des jeunes nationalistes défilent dans les rues de Corte, en Corse le 5 avril 2017
Des jeunes nationalistes défilent dans les rues de Corte, en Corse le 5 avril 2017
AFP

Mercredi, quelque 250 personnes ont défilé, derrière les syndicats nationalistes étudiants pour protester contre les arrestations de jeunes nationalistes corses survenues au cours des derniers mois, marqués par plusieurs incidents opposant de jeunes manifestants aux forces de l'ordre. Et dans le cortège, l'indifférence affichée par Paul Salort à l'égard de l'élection présidentielle est largement partagée.

"Je n'irai pas voter. Quand j'ai reçu ma carte d'électeur, je l'ai mise à la poubelle", lance un étudiant. "On n'est pas dans les syndicats nationalistes, on est juste des étudiants. Mais presque tous les jeunes pensent comme ça", acquiescent deux jeunes femmes.

Francescu Luciani, 23 ans, ex-président de la Ghjuventù Paolina, troisième syndicat de l'université, assure quant à lui qu'il va "regarder, mais sans aller voter": "Gauche ou droite, on sait très bien qu'ils ne peuvent pas nous voir, ça ne nous concerne en rien."

- L'Europe, 'une bonne chose' -

"Certes, c'est le président de la France qui fera des choix pour la Corse, mais à l'heure actuelle on voit bien que sur le sujet tous les candidats se rejoignent: il n'y a aucune avancée sur nos revendications" comme la co-officialité de la langue corse ou le rapprochement des prisonniers dits "politiques", poursuit Paul Salort, citant des demandes qui sont aussi celles des nationalistes qui ont remporté les élections territoriales en décembre 2015.

Le président d'un syndicat étudiant nationaliste corse s'adresse à des manifestants le 5 avril 2017 à Corte
Le président d'un syndicat étudiant nationaliste corse s'adresse à des manifestants le 5 avril 2017 à Corte
AFP

"Le mouvement nationaliste a toujours été sur cette ligne-là. Mais en 1981 par exemple, quand Mitterrand avait promis l'amnistie des prisonniers politiques de l'époque, évidemment il y a eu un appel implicite, voire explicite, à voter pour lui", rappelle-t-il. Un seul candidat aurait pu trouver grâce aux yeux du jeune homme: l'indépendantiste polynésien Oscar Temaru, qui a échoué à rassembler les 500 parrainages nécessaires.

Mais si le futur président les laisse de marbre, les jeunes nationalistes restent des militants politiques. "On ne va pas dire qu'on ne regarde pas les débats, qu'on ne lit pas les programmes, il peut y avoir de bonnes idées qu'il faut aller chercher", comme le revenu universel, "une idée qu'on étudie" à la GI, pointe Paul Salort.

"Je ne me sens pas réellement concerné, mais je m'intéresse aux programmes, surtout sur la Corse et la jeunesse", reconnaît aussi Ange Chiodi, 19 ans, président du syndicat autonomiste Cunsulta di a Ghjuventù Corsa (CGC), le deuxième du campus, qui votera blanc à la présidentielle.

Et finalement, ce sont les élections législatives --"au moins, on a la chance de faire élire un représentant nationaliste", pointe Francescu Luciani-- ou européennes que ces jeunes nationalistes attendent avec plus d'intérêt.

"L'Union européenne est une bonne chose, il faut savoir travailler avec", avance Ange Chiodi, qui souligne que l'UE les rapproche des indépendantistes basques, catalans ou écossais.

Dans la même thématique

Corse: la jeune garde nationaliste indifférente à la présidentielle
3min

Politique

« La gauche était à 43% au premier tour en 2012, elle s’est atrophiée », tacle Stéphane Le Foll

Invité de la matinale de Public Sénat, Stéphane Le Foll est revenu sur le Congrès du PS qui se déroulera en juin prochain. Face à la multiplication des candidatures, l’ancien ministre de François Hollande souhaite un changement de ligne claire, et tacle la nouvelle génération du parti, incapable « d’écrire une nouvelle page » de l’histoire de la famille socialiste.

Le

Bayrou recadré
8min

Politique

Cacophonie au gouvernement sur le voile dans le sport : « Ce n’est pas le tempérament de Bayrou de gendarmer tous les matins, c’est un centriste… »

Après un nouveau couac entre ministres, avec Gérald Darmanin faisant planer la menace d’une démission s’il n’était pas entendu sur l’interdiction du port du voile dans les compétitions sportives, François Bayrou a dû recadrer ses ministres, donnant raison à la ligne dure. Mais l’épisode est symptomatique d’un problème plus profond dans la majorité.

Le

France Defense
2min

Politique

Réarmement : Emmanuel Macron annonce des commandes d’avions Rafale

Après une visite de la base aérienne de Luxeuil-Saint Sauveur en Haute-Saône, le président Emmanuel Macron a déclaré vouloir « poursuivre l’effort militaire » et a annoncé plusieurs investissements pour « l’armée de l’Air et l’Espace. »

Le