Après le discours d’Emmanuel Macron mercredi en Corse, où le Président a refusé les principales revendications des nationalistes, tout en acceptant d’inscrire la Corse dans la Constitution, les nationalistes de l’Ile de Beauté ont ressenti la visite du chef de l’Etat comme « une occasion manquée », tout en affirmant que les nationalistes allaient toutefois conserver un « esprit de dialogue » en restant « des artisans de la paix ».
« Un soir triste pour la Corse »
« Le président aurait pu s'affirmer comme l'homme d'Etat capable à la fois d'enraciner la paix et de construire la réconciliation », mais « il a choisi de ne pas le faire » a réagi Gilles Simeoni, le président de l'exécutif de la collectivité territoriale. Sur l’inscription de la Corse dans la Constitution, il a une nouvelle fois demandé que cela « débouche sur un statut d'autonomie de plein droit et de plein exercice » inscrit dans l'article 74 de la constitution, qui fait référence à la Nouvelle-Calédonie, ou dans un article spécifique à la Corse. Le chef de l’Etat fait lui référence à un autre article, le 72.
Gilles Simeoni a également regretté de « multiples vexations, manquements au protocole et à la simple politesse » qui sont, selon lui, « l'expression au mieux d'un manque de considération, au pire une forme de condescendance ou de mépris ». « C'est un soir triste pour la Corse », a renchéri Jean-Guy Talamoni, le président de l'Assemblée de Corse, « consterné par le niveau des réponses ».
Larcher se félicite du discours de Macron
Ce jeudi matin, la ministre Jacqueline Gourault a estimé que les nationalistes corses « poussent toujours le bouchon un peu loin », qualifiant de « faux pas » le refus des élus de participer au « déjeuner républicain » avec Emmanuel Macron. « Le dialogue n'est pas rompu et nous attendons que (les élus corses) nous fassent des propositions », a ajouté la ministre sur RTL, affirmant que l'État sera « là pour les accompagner »
Le président LR du Sénat, Gérard Larcher, s’est félicité des déclarations du chef de l’Etat. Le sénateur a rappelé avoir indiqué à Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, quand ils les a rencontrés, qu'il existait des « lignes rouges qui étaient à son sens indépassables: l'amnistie des prisonniers, la co-officialité de la langue corse et le statut de résident ». Il constate que « le président de la République adopte une position identique et s'en félicite ». Sur la Constitution, Gérard Larcher avait clairement indiqué que le cadre des négociations devait être l'article 72.
Interrogé mercredi sur Public Sénat, le sénateur LR Gérard Longuet s’est dit partagé : « Emmanuel Macron continue d’être déconcertant. C’est à la fois "oui" et en même temps "non". Nous avons un Président qui va en Corse expliquer aux nationalistes, et je m’en réjouis, qu’il ne s’agit pas de leur faire des concessions (…) Mais au dernier moment, il nous sort, (l’inscription de la Corse dans) la Constitution. (…) On a le sentiment qu’au dernier moment, il a ouvert une vanne, en se disant (…) que cela pourra toujours être utile ».
Macron en Corse : « L’homme est déconcertant » selon Gérard Longuet
Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, a également salué jeudi la fermeté d'Emmanuel Macron sur la Corse mais jugé « inutile » en revanche de la mentionner dans la Constitution car cela pourrait réveiller les « séparatismes ».
« Je ne vois pas en quoi il faudrait mentionner la Corse dans la Constitution, ce n'est pas un territoire d'outre-mer »
L’ancien premier Manuel Valls s'est dit aussi ce matin défavorable à l'inscription de la Corse dans la Constitution. « Je ne voterai pas cette partie-là », a prévenu Manuel Valls sur France Info. Il a apprécié qu’Emmanuel Macron écarte la co-officialité de la langue corse ou refuse un « statut de résident, mais il ne voit « pas en quoi il faudrait mentionner la Corse dans la Constitution, ce n'est pas un territoire d'outre-mer ». Selon l'ancien premier ministre, « il y a une spécificité insulaire, une culture corse, mais il y en a ailleurs ». Il a cité la Bretagne, l'Alsace ou encore le Pays basque. « Chacun à ce moment-là pourrait demander une inscription », a mis en garde le député de l'Essonne. Pour lui, « c'est ouvrir la boîte de Pandore, je pense qu'on est dans un moment où il faut faire très attention à tout ce qui peut défaire la France ».
« Ce n'est pas une très bonne opération qu'a fait le président de la République hier », a pour sa part jugé sur RFI l'ex-ministre PS et sénatrice Laurence Rossignol. « Non seulement il est ferme avec les revendications des nationalistes, ce qui me paraît justifié, mais il ouvre une fenêtre sur l'inscription de la Corse dans la Constitution, mais sans plus de précisions, on ne voit pas bien ce que ça signifie », a regretté la sénatrice de l’Oise. « Et ensuite, on va avoir un débat dans les mois qui viennent sur les institutions. Est-ce qu'il faut vraiment rajouter la question régionaliste dans le débat qu'on va avoir sur la réforme institutionnelle ? Tout ça ne me paraît pas tout à fait stabilisé », a déploré Laurence Rossignol.