Coupe du monde de rugby : pourquoi le sénateur Didier Guillaume déclare forfait

Coupe du monde de rugby : pourquoi le sénateur Didier Guillaume déclare forfait

L’ex-président du groupe PS du Sénat devait prendre la tête du comité d’organisation de la coupe du monde de rugby 2023, organisée en France. Il a lâché l’affaire, malgré le soutien d’Emmanuel Macron. Mais contrairement à ce que la Fédération lui avait promis, le poste s’est avéré être une coquille vide…
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Au Rugby, on appelle ça être renvoyé dans ses vingt-deux. Ou prendre un tampon en pleine course vers l’essai. C’est au choix. On peut multiplier les métaphores rugbystiques. Mais le résultat est le même : la coupe du monde de rugby de 2023 en France, ce sera sans Didier Guillaume. L’ancien président du groupe PS du Sénat ne s’était pas reconverti en trois-quarts aile. Il devait prendre la tête du comité d'organisation de la Coupe du monde. Il a jeté l’éponge mercredi.

« Pressenti dès janvier pour prendre la présidence du GIP (Groupement d'intérêt public) de la Coupe du monde de rugby, dans le cadre d'une fonction à plein temps, je confirme aujourd'hui avoir décliné la proposition d'une présidence uniquement représentative », a-t-il annoncé par communiqué. « Le GIP va se constituer avec un autre président. Je reste bien entendu à la disposition de l'Etat et de la Fédération pour aider à la réussite de cette belle aventure, dans des missions compatibles avec mon mandat de sénateur » ajoute Didier Guillaume, qui a eu la bonne idée – ou plutôt le (french) flair – de ne pas encore démissionner de son poste de sénateur de la Drôme, qu’il va donc continuer à occuper.

Ruban et carnet d’adresses

Mais que s’est-il passé ? Le poste promis s’est avéré être beaucoup moins attrayant que prévu : il était à titre bénévole et non exécutif. Autrement dit, un poste honorifique. « Pas question de me contenter de couper des rubans, je suis un homme d'action » lâche à France Bleu Drôme-Ardèche Didier Guillaume. Pas du tout ce qui lui avait été présenté.

Bernard Laporte lui-même, président de la Fédération française de rugby, était venu chez lui pour lui demander de prendre la tête du comité d’organisation. « Ils voulaient avoir son carnet d’adresses sur les collectivités, pour les stades », explique un connaisseur de l’affaire. D’autant plus que la mise à disposition des stades par les villes s’annonce compliquée, comme le raconte Le Monde.

Problème : les statuts du GIP ne prévoient pas la fonction de président exécutif. En revanche, le directeur général du comité d’organisation, Claude Atcher, sera lui bien payé et aura le pouvoir décisionnel. Et n’entendait pas le lâcher. Selon Le Parisien, il devrait toucher un salaire de 210.000 euros brut par an.

Feu vert de Macron

Didier Guillaume aimerait comprendre « comment on lui a proposé une coquille vide » explique-t-on. D’autant qu’au cours du déplacement en Chine d’Emmanuel Macron, début janvier, le sénateur socialiste, connu pour ses positions Macron-compatible, était du voyage en tant que président du groupe d’amitié. Le chef de l’Etat lui a alors confirmé son feu vert, selon plusieurs sources. Mais si Emmanuel Macron était d’accord sur le principe, il n’était visiblement pas au fait des conditions.

Face à la situation, une porte de sortie a été cherchée. Ils n’ont pas trouvé. Aujourd’hui, Didier Guillaume se retrouve un peu « lâché en pleine nature ». Et on attend encore un geste de la ministre des Sports. L’exécutif n’a peut-être pas tout fait pour trouver une solution. Le Comité d'organisation de la Coupe du monde 2023, officiellement créé début mars au Stade de France par le premier ministre Edouard Philippe, rassemble pourtant des représentants de l'Etat, aux côtés de ceux de la Fédération française de rugby (FFR) et du Comité national olympique et sportif français. L’Etat dispose de quatre sièges sur dix au Conseil d’administration (cinq pour la FFR et un pour le Comité olympique).

« Pieds nickelés »

L’idée d’un coup tordu est à écarter. « Il n’y a pas eu de complot pour le sortir de sa présidence de groupe » assure un sénateur, « il y a eu des malentendus ». « Cette affaire n’était pas sous contrôle » dit pudiquement cet élu. « Manifestement, il y a eu une faiblesse, il n’y a pas eu les sécurisations sur le plan juridique et financier ». Un autre observateur met moins les formes : « Ce sont des pieds nickelés qui lui ont fait une proposition sincère ». De bon augure pour la préparation de la coupe du monde…

La pilule est d’autant plus difficile à avaler que Didier Guillaume avait annoncé changer totalement de vie. « J’ai décidé de quitter la vie politique. Je vais démissionner de mon mandat de sénateur dans les semaines qui viennent. Cette décision est mûrement réfléchie » avait-il annoncé sur Facebook.

« Ce qu’on nous a vendu comme le nouveau monde, avec des pros partout, c’est du pipeau »

Didier Guillaume va faire maintenant son vrai-faux retour au Sénat, puisqu’il n’en était pas parti. Ses camarades socialistes ne sont pas encore tous au courant de la situation. « Ohhh… Aïe, aïe ! » réagit une sénatrice en l’apprenant. « Je suis désolée pour lui. Heureusement qu’il n’avait pas démissionné ». « Il a bien fait. Quand vous n’êtes plus au pouvoir, vous n’êtes plus rien » confirme un autre. Il ajoute : « Humainement, ce n’est pas facile quand vous avez été numéro 1 ».

Il faut dire que les derniers mois de sa présidence de groupe avaient été mouvementés. Sa position Macron-compatible passait mal, voire très mal, chez une partie de ses collègues, préférant une ligne d’opposition au chef de l’Etat. La porte de sortie qu’était la Coupe du monde de rugby tombait à point nommé. Il avait démissionné de la présidence de groupe. Pour lui succéder, le sénateur du Nord et ancien ministre des Sports, Patrick Kanner, a été élu, avec le soutien des amis de Didier Guillaume. « Je lui conserve un profond respect et je ne doute pas que tous les membres du groupe lui conservent ce respect pour tout le travail fait comme président. C’est sa décision, il faut respecter l’homme et sa décision » réagit auprès de publicsenat.fr Patrick Kanner.

La nouvelle a peut-être moins attristé d’autres collègues. « On a souri » reconnaît un membre du groupe, qui n’était pas politiquement sur la ligne de Didier Guillaume. « La vie est cruelle. Et Kanner a beaucoup de chance ! » s’amuse la même personne. Un autre trouve là l’occasion pour tacler, ou plutôt plaquer, le chef de l’Etat. « Ce qu’on nous a vendu comme le nouveau monde, avec des pros partout, c’est du pipeau. C’est un établissement public et il y a des règles. Ça venait de tout en haut pourtant… » On demande l’arbitrage vidéo ?

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