Coût de la crise pour les collectivités : « L’Etat doit mettre la main à la poche », alertent les sénateurs
A quelques jours de la présentation du projet de loi de finances rectificative, l’hémicycle du Sénat a débattu avec le gouvernement du coût de la crise sanitaire et économique pour les collectivités locales. Le secrétaire d’Etat chargé de la Ruralité a promis une réponse pour compenser la baisse des recettes tarifaires. Un montant insuffisant pour les sénateurs.
Le gouvernement aura eu un avant-goût des discussions qui l’attendent lors de l’examen du prochain projet de loi de finances rectificative au Sénat. Le groupe majoritaire des Républicains avait demandé ce 1er juin la tenue d’un débat sur le coût de la crise sanitaire et économique sur le budget des collectivités locales. D’un banc à l’autre de cet hémicycle représentant les collectivités locales, cette séance a été une nouvelle occasion pour les sénateurs d’interpeller le gouvernement sur la situation budgétaire des communes, départements et régions, après plusieurs mois de crise sanitaire.
« Il nous fait être au rendez-vous et rappeler combien l’Etat doit aujourd’hui mettre – si j’ose dire – la main à la poche », a prévenu d’emblée le sénateur LR Mathieu Darnaud. Malgré l’accompagnement budgétaire mis en place par l’Etat dès les budgets rectificatifs de 2020 pour limiter l’ardoise de la crise du covid-19, les collectivités estiment que le compte n’y est pas encore. D’autant que les comptes sont « loin d’être définitifs », a tenu à rappeler le rapporteur général de la commission des finances Jean-François Husson (LR).
« Beaucoup de dépenses passent inaperçues »
La dernière version du rapport du député Jean-René Cazeneuve (LREM) avait chiffré le total des pertes nettes pour les collectivités à 3,8 milliards d’euros pour 2020, avec une baisse des recettes de 1 % et une hausse de 0,1 % des dépenses pour le bloc communal. L’Association des maires de France évalue la note pour le bloc communal à six milliards pour la période 2020-2022. « Beaucoup de dépenses passent inaperçues », a rappelé le sénateur Mathieu Darnaud, qui demande un « juste accompagnement financier de l’Etat ». « Il faut que nous soyons dans une indemnisation au réel, et non pas au forfait. »
Dans la lignée des discours rassurants des ministres de Bercy du début de l’année, le secrétaire d’État chargé de la Ruralité Joël Giraud a rappelé que l’année 2020 aurait pu être bien pire. « L’année 2020 a certes été difficile, mais n’a pas été l’annus horribilis que l’on avait annoncé », a-t-il rappelé, soulignant que l’épargne brute des collectivités avait limité sa chute à 11,4 % (deux fois moins que ce qui était redouté). L’enjeu pour le gouvernement est de « s’assurer que ce coût reste soutenable », a insisté l’ancien rapporteur du budget à l’Assemblée nationale.
Pour 2021, « l’immense majorité des recettes » des collectivités « sont à l’abri », selon le gouvernement
Joël Giraud a même fait état de premières données « rassurantes » pour l’année 2021. « L’immense majorité des recettes » des collectivités « sont à l’abri », a-t-il affirmé. Seuls les produits de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la taxe d’aménagement et – cela ne surprendra personne – la taxe sur les remontées mécaniques devraient fléchir cette année.
Si l’Etat avait introduit l’an dernier un mécanisme permettant de garantir les recettes fiscales et domaniales des communes au niveau de la moyenne 2017-2019, il n’avait pas voulu s’engager jusqu’à présent sur une compensation intégrale des pertes de recettes tarifaires. Compte tenu de l’épidémie, de nombreux équipements sont restés fermés (équipements culturels, sportifs ou encore touristiques), occasionnant un manque à gagner important pour les collectivités. Plusieurs sénateurs avaient tenté d’améliorer la réponse de l’Etat sur ce point lors des débats sur la loi de finances 2021.
Joël Giraud a annoncé que le premier projet de loi de finances rectificative pour 2021, présenté ce mercredi en Conseil des ministres, comporterait 200 millions d’aides « au profit des services gérés en régie et confrontés à une baisse des recettes tarifaires en 2020. » Pour le secrétaire d’Etat, cette nouvelle dotation budgétaire a vocation à répondre à la situation d’un nombre « limité » de communes : des grandes villes, où les équipements fermés ont été nombreux, mais aussi des petites communes avec des équipements très spécifiques, qui pèsent lourd dans leur budget. C’est le cas des villes thermales par exemple. Précision importante : il ne sera pas question d’avances remboursables, comme dans d’autres dispositifs.
« Ce qu’on vous demande, c’est tout simplement de sortir le filet à crevettes »
Pour le sénateur centriste Jean-Marie Mizzon, cette nouvelle ligne budgétaire risque de s’avérer insuffisante. « Ces 200 millions sont très loin du compte. Les associations nationales [des collectivités locales, ndlr] sont sur des montants bien supérieures, qui dépassent les deux milliards d’euros, un montant dix fois supérieur. » A l’approche de la saison touristique, certains élus de départements du littoral s’inquiètent de la fragilité des offices de tourisme, après l’effondrement des rentrées de la taxe de séjour. Même si le gouvernement leur a assuré que la situation des offices de tourisme serait prise en compte dans le prochain budget rectificatif, les craintes persistent. « On voit que le filet de sécurité est à larges mailles […] Ce qu’on vous demande, c’est tout simplement de sortir le filet à crevettes, pour les cas particuliers, et il y en a beaucoup », a comparé le sénateur de la Manche, Jean-Michel Houllegatte (PS).
Les sénateurs attendent beaucoup de cette nouvelle cagnotte de 200 millions pour redonner quelques couleurs aux régies municipales, lourdement pénalisées par la baisse des recettes tarifaires. Selon le sénateur (Union centriste) Bernard Delcros, les lois de finances de 2020 ont créé des « disparités » entre les collectivités qui ont fait le choix de confier certaines activités à des délégataires de service public (éligibles au chômage partiel), et celles qui les ont intégrées à travers des régies, « angle mort » des discussions budgétaires à l’automne.
Quand est venu le moment de conclure le débat, la majorité sénatoriale a choisi d’afficher une certaine déception sur cette compensation promise pour les baisses de recettes tarifaires. « Vous avez pris quelques engagements. Vous avez aussi, Monsieur le ministre, bien compris que les 200 millions d’euros que vous avez abordés seront manifestement insuffisants », a prévenu le rapporteur général Jean-François Husson. Alexandra Borchio Fontimp, sénatrice LR des Alpes-Maritimes, a reproché au gouvernement de se reposer sur les efforts des collectivités. Rappelant que l’Association des maires de France anticipait une hausse de la taxe foncière. « Une fois de plus, l’Etat fait porter la responsabilité de l’augmentation de la pression fiscale aux collectivités en n’assumant pas jusqu’au bout les missions qui lui incombent. »
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A un an des municipales, Renaissance se lance déjà dans la bataille. Le parti de Gabriel Attal vient de désigner ses 20 premiers chefs de file, dont Thomas Cazenave à Bordeaux, ou Violette Spillebout à Lille. Pour Lyon, l’ex-premier ministre a rencontré l’ancien patron de l’OL, Jean-Michel Aulas. S’il affiche quelques « ambitions », Gabriel Attal aborde l’élection avec « humilité ».
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