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Covid-19 : après l’union nationale, la politique reprend ses droits au Sénat
Par Public Sénat
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L’affaire Benalla et la crise des gilets jaunes avaient été pour Emmanuel Macron les moments les plus difficiles de son quinquennat…. jusqu’à l’épidémie de Covid-19. Au tournant de l’année 2020, un virus inconnu et mortel frappe le monde. Faute de masques et de tests, la France n’a d’autre choix que de confiner 67 millions d’habitants.
Une telle crise sanitaire, c’est du jamais vu. Aucun pouvoir, aucun homme politique en place ou passé n’en a l’expérience. Soir après soir, le terrible décompte des morts tombe. D’abord par dizaines, puis très vite par centaines. Des chiffres qui deviennent presque surréalistes, et les bilans donnent le vertige. La France est en état de choc. L’hôpital, surchargé, est lui au bord de la saturation. On frôle la catastrophe. Dans les Ehpad, nos anciens sont fauchés par le Covid. Et parfois, une terrible sélection s’opère dans certains établissements, où les plus fragiles ne sont pas toujours envoyés en réanimation, comme le relate Le Canard enchaîné.
Dans un contexte dramatique, l’heure est d’abord à l’unité nationale
Dans ce contexte dramatique, l’heure est d’abord à l’unité nationale. Ou plutôt à la retenue. Le Sénat, à majorité de droite, qui n’hésite pas à batailler habituellement face au gouvernement, se tient dans un premier temps aux côtés de l’exécutif dans cette épreuve. C’est la Nation qui se bat, unie. « Nous sommes en guerre » a lancé Emmanuel Macron annonçant un lundi soir le confinement. Alors en temps de guerre, on range ses vieilles querelles. Le projet de loi d’état d’urgence sanitaire est examiné en express par le Parlement. Le Sénat le vote, en responsabilité. Plus de deux mois après, les sénateurs auront plus de réticences sur le texte de sortie de l’état d’urgence, adopté avec une portée limitée.
Si l’attention se concentre sur la situation sanitaire, très vite une autre crise guette, économique cette fois. La récession menace l’économie française. Le Sénat soutient le gouvernement et adopte les projets de loi de finances rectificatives (le premier, puis le second), non sans quelques modifications.
Malgré ces crises multiples, la politique va progressivement reprendre ses droits. Les questions sur la gestion de la crise sanitaire sont nombreuses : comment la France, qui avait 1,7 milliard de masques en 2010, se retrouve si diminuée, quand le virus frappe ? La faute au changement de doctrine, amorcé en 2011 sous Nicolas Sarkozy, puis surtout, en 2013, sous François Hollande. A son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron ne change rien. Un certain Jérôme Salomon, qui deviendra le directeur général de la santé, l’avait pourtant prévenu dans une note durant la campagne présidentielle.
Masques, tests : Bruno Retailleau multiplie les attaques sur la gestion de la crise par le gouvernement
Au Palais du Luxembourg, un sénateur va s’emparer de ces questions. C’est Bruno Retailleau, le patron des sénateurs LR. Le 19 mars, il défend encore « une position d’accompagnement constructive. Le temps n’est pas aux polémiques », dit-il. Mais rapidement, le ton va changer. « On a le sentiment d’avoir un coup de retard » souligne-t-il, dès le 23 mars. « D'un côté on a envie de faire corps, de l'autre il y a une gestion chaotique » dénonce-t-il le 28 mars.
Le 8 avril, il pointe un État « omniprésent et impotent ». Le 15 avril, nouvelle salve : « La France est au 54e rang pour les tests par habitant. Nous sommes le quatrième pays au monde pour le nombre de morts. Il y a des pays qui réussissent beaucoup mieux que nous » (voir la vidéo ci-dessous). Le 26 avril, Gérard Larcher renchérit et estime qu’« on a géré la pénurie, le manque de masques et de tests par l’approximation et parfois par l'omission ». Le 6 mai, Bruno Retailleau lâche sa sentence : « Le gouvernement a enchaîné les fiascos ».
Le sénateur de Vendée trouve également un autre angle d’attaque : la chloroquine. Le traitement, défendu par le professeur Raoult, que la France va découvrir avec son bagou, ses cheveux longs et un look quelque part entre surfeur et professeur Géo Trouvetout, est au centre d’une nouvelle polémique.
Paris contre Marseille et province, gros labos contre molécule bon marché, technostructure de l’État contre local... Élites contre peuple en somme. Tout est bon pour monter en épingle un débat qui traverse les fractures françaises. Bruno Retailleau a choisi son camp : celui de la chloroquine. Pour mieux multiplier les attaques contre l’exécutif. « Il faut très vite que son protocole puisse être généralisé » demande ainsi le sénateur le 23 mars.
« Arme anti-macron »
Ainsi, plus on avance dans la crise et plus les oppositions oublient leurs retenues initiales. Alors que les plaintes en justice se multiplient contre les membres du gouvernement, le Sénat décide de créer une commission d’enquête sur la crise sanitaire. Il s’agit de comprendre pourquoi le pays a connu des difficultés, en tirer des enseignements pour ne pas reproduire les mêmes erreurs à l’avenir.
Inévitablement, le sujet prend une tournure politique. « La commission d’enquête n’est pas de nature à faciliter les relations entre le Sénat et le gouvernement », craint François Patriat, président du groupe LREM à la Haute assemblée, « il y a une perversion de l’outil, qui devient aujourd’hui une arme anti-Macron ». Une décision qui ne surprend pas un autre responsable LREM : « Philippe Bas (président de la commission des lois, ndlr) et compagnie ont fait un ramdam sur l’affaire Benalla. On est habitués ».
Course de vitesse entre le Sénat et l’Assemblée pour la commission d’enquête
Une course de vitesse avec l’Assemblée se met en place. Les députés ont déjà lancé une mission d’information sur la crise, aux pouvoirs moins étendus. Elle commence ses travaux pendant le confinement. La commission d’enquête du Sénat est annoncée elle pour fin juin.
Dans la majorité présidentielle, certains accusent les sénateurs de ne pas attendre la fin de la crise. « En juin, ça devient une initiative politique pour mettre en cause le gouvernement » dénonce Patrick Mignola, patron des députés Modem. Pourtant, les députés décident de voler la politesse aux sénateurs et commencent leur commission d’enquête quelques semaines plus tôt.
La surprise va venir du gouvernement, qui annonce sa propre enquête sur la crise sanitaire. « Nous avons d’abord cru à une « fake news ». Nous sommes stupéfaits ! Alors que les deux chambres du Parlement ont créé une commission d’enquête… » réagit Gérard Larcher.
Le virus de la politique n’est jamais loin
Au Sénat, la commission est présidée par le modéré Alain Milon, sénateur LR du Vaucluse, médecin, et président de la commission des affaires sociales. L’enquête de l’exécutif lui donne envie « d’aller chercher la petite bête »… Quelques jours après, c’est la justice qui ouvre, elle, son enquête sur le plan judiciaire. Certains sénateurs craignent une volonté « d’empêcher » les commissions d’enquête parlementaires. Mais Alain Milon l’assure, cela ne changera rien au travail des sénateurs, qui n’entendent pas mordre sur celui de la justice. Chacun son couloir.
La tension va finalement redescendre. Et plutôt que la « petite bête », la commission d’enquête du Sénat va se concentrer comme prévu sur la compréhension des événements et l’aspect scientifique. Sans oublier la dimension territoriale.
L’Assemblée, qui enchaîne les auditions des ministres et ex-ministres, annonce une première synthèse pour fin juillet. Après vouloir voulu accélérer, les sénateurs préfèrent retrouver un train plus sénatorial. Les auditions des ministres pourraient n’arriver qu’à la rentrée de septembre. Les 36 membres de la commission d’enquête veulent faire toute la lumière sur la crise. Si l’esprit n’est pas à chercher la polémique, une deuxième vague de tension n’est cependant pas à exclure. Le virus de la politique n’est jamais loin.