« Lorsque je suis partie du ministère, il y avait un stock de 754 millions de masques chirurgicaux. On peut me dire ce n’est pas assez. Je maintiens que si ces stocks avaient été opérationnels en 2020. La perception du début de la crise aurait été très différente » a jugé Marisol Touraine lors de son audition devant la commission d’enquête du Sénat sur la gestion de la crise de la Covid-19.
En effet, au début de la pandémie, la question du manque de masques a occupé une place centrale. Face à l’indignation des soignants et de l’opposition au sujet de la pénurie de masques, le gouvernement s’était défendu et avait rappelé que la baisse des stocks d'État relevait de décisions prises au début des années 2010. Au mois de mars, le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, expliquait que le stock d’État était tombé à 117 millions de masques chirurgicaux.
Mais du côté des membres de l’ancien gouvernement, on ne l’entend pas de cette oreille, à l’image de l’ancien ministre de la Ville et actuel patron des sénateurs PS, Patrick Kanner qui, en mai dernier, s’exclamait : « Il y avait 750 millions de masques chirurgicaux en stock à la fin du quinquennat de François Hollande. Et si on doit le prouver, on le prouvera […] Il y a eu un problème : 600 millions de masques ont disparu et ont été détruits ».
« Est-ce qu’entre 2017 et 2020, les masques ont vieilli au point de devenir inutilisables ? Je n’en sais rien »
En ce qui concerne les raisons de la destruction de masques entre 2017 et 2020, Ce jeudi, Marisol Touraine a d’abord rappelé que « l’idée de base est que les masques chirurgicaux ne se périment pas ». « Il n’y avait pas de date de péremption (…) il y avait malgré tout un suivi régulier de la qualité des masques par sondage aléatoire dans les stocks. Et aucune alerte ne m’est jamais remontée sur la question de la qualité des masques dont nous dispositions » rapporte-elle avant d’ajouter : « Est-ce qu’entre 2017 et 2020, les masques ont vieilli au point de devenir inutilisables ? Je n’en sais rien. Ce que je sais c’est qu’une partie des masques qui ont été envoyés à la destruction en 2018 et 2019 n’ont finalement pas été détruits (…) à ce moment-là, le gouvernement demande une nouvelle étude à la direction générale de l’armement et à l’ANSM (l’Agence nationale de la sécurité du médicament) qui sort en mars 2020 et qui conclut que ces masques ont des capacités de filtration proche de leur qualité initiale et la conclusion c’est quoi ? Ces masques peuvent être utilisés par le grand public ».
L’ancienne ministre de la Santé insiste également que les stocks stratégiques de masques étaient destinés à la population en général. « A aucun moment il n’y a eu de remise en cause de la doctrine qui consistait à dire que nous devions tendre vers 1 milliard de masques (…) Nous en avons acquis 140 millions pendant la durée de mon mandat, 100 millions de masques adultes 400 millions de masques pédiatriques » assure-t-elle. Toutefois, l’ancienne ministre reconnait « que des décisions stratégiques, des arbitrages qui ont consistés à ne pas augmenter le stock de masques ont été pris par Eprus (Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires) et la DGS (Direction générale de la Santé) sans que « ça me remonte ». « Parce que l’analyse qui a été faite, c’était que nous avions suffisamment de masques pour faire face au début d’une crise (…) « En 2017, les stocks de masques étaient en ordre de marche » conclut-il.
« Santé publique France est nécessaire »
L’ancienne ministre de la Santé a par ailleurs défendu la création de Santé publique France. Cet établissement, créé en 2016, rassemble notamment l’Institut de veille sanitaire, l’Institut national de prévention d’éducation pour la santé et l’Eprus (Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires), qui était chargé de la gestion des stocks de masques. « La création de Santé publique France a été la réponse que j’ai apportée à l’éparpillement des agences en France à ce moment-là » explique Marisol Touraine. « L’intérêt de la création de Santé publique France était de rassembler dans une même structure l’expertise scientifique, l’analyse, la recherche médicale et scientifique ».
Alors que certains ont critiqué cette agence, dans laquelle l’Eprus a été fondu, Marisol Touraine reconnaît que « Santé publique France est encore en phase de maturation, de définition d’une culture », ce qui n’enlève rien, à ses yeux, à sa nécessité : « Si des manques sont identifiés, il appartient d’y répondre et faire en sorte de voir comment mieux installer Santé publique France. Mais Santé publique France est nécessaire. Son fonctionnement peut-il être amélioré ? Peut-être. (…) Mais a-t-on besoin en France d’une structure comme celle-ci ? La réponse est clairement oui ».
Elle confirme que la création de l’agence visait aussi à faire des économies sur les « fonctions supports », comme la communication ou la gestion financière. Elle rappelle au passage qu’à l’époque, « ici, comme à Assemblée nationale, il y avait sur tous les bancs la volonté que les dépenses publiques soient maîtrisées ».