C’est un des effets du confinement, très peu d’entreprises ont été placées sous contrôle judiciaire ces dernières semaines. « Normalement, il y a chaque semaine 1 000 entreprises sous procédures collectives, la semaine dernière il n’y en a eu que 73 » confirme Christophe Basse, président du conseil national des administrateurs judiciaires (CNAJ). Pas de « vague » donc pour le moment, analyse Frédéric Abitbol, vice-président du conseil, « les chiffres sont même très en retrait ». Et, les projections pour les mois à venir ne sont pas mauvaises comparées à celles des autres pays européens ou aux États-Unis. « La France est un des pays qui semble résister le mieux en nombre de défaillances ». Une solidité que Christophe Basse explique par la méthode française, « nous sommes un des rares pays protecteurs, le contrôle judiciaire à la française vise à sauver les entreprises, à l’étranger, l’objectif c’est de protéger les créanciers ». Si Christophe Basse admet que les outils pour venir en aide aux entreprises sont complets, il a fait des propositions au gouvernement pour faire face à la crise et accélérer et simplifier les contrôles judiciaires.
Les bailleurs doivent baisser les loyers commerciaux
« Pourquoi quand un magasin est fermé c’est à l’entreprise d’assumer 100 % de la perte ? », s’interroge Frédéric Abitbol, « et pourquoi pas le propriétaire ? ». Pour le vice-président du conseil des administrateurs judiciaires, il faut que les bailleurs, ceux qui louent les locaux, participent aux pertes des commerçants en baissant les loyers. Selon lui, ce que proposent les propriétaires fonciers face à la crise du covid, n’est pas suffisant, « ils proposent de décaler des paiements ». Mais pour Frédéric Abitbol, « il faut qu’ils prennent leur part de l’effort ». Pour ça, il propose une « baisse massive et durable » des niveaux de loyer pour s’adapter à la réalité de ce que vivent les entreprises. « Depuis 10 ans les magasins de centre-ville ont perdu 12 % de leur chiffre d’affaires avec la concurrence de la vente sur internet ». Il estime qu’avec le Covid, la vente en ligne pourrait exploser même après un retour à la normale et mettre encore plus les commerçants sur la paille. « Les loyers sont déjà trop chers, les commerçants ne pourront plus payer ». Résultat, beaucoup de commerces vont fermer « et rester vides » et « quand les bailleurs auront compris qu’il faut baisser les prix, on aura détruit des milliers de PME ».
« Le chef d’entreprise n’a pas été mauvais »
Frédéric Abitbol propose également, en cas de dépôt de bilan à cause du covid que le repreneur de l’entreprise puisse être celui qui l’a cédé. « Il y a en droit français une interdiction de principe qui dit on peut faire un plan de cession qui ne soit pas au profit du même dirigeant. Nous, on a fait une proposition qui viserait à l’autoriser ». Car selon lui, la crise du Covid est une situation particulière où, si le chef d’entreprise ne peut pas payer ses dettes, c’est parce qu’on lui a interdit de travailler. « On n’est pas dans le cas où le chef d’entreprise a été mauvais, il n’a pas fait de mauvais choix de gestion, il n’a pas déposé le bilan parce que la cuisine est mauvaise dans son restaurant ou que son hôtel est sale ». Le motif de la « morale des affaires » ne peut pas être utilisé dans ce cas, estime Frédéric Abitbol, il faut selon lui, « autoriser ces gens-là à racheter leur propre entreprise, à la redévelopper en partant d’une page blanche et en sacrifiant les créanciers ». Concrètement ses dettes seront gelées et il pourra repartir d’une page blanche, une mesure « qui sera réservée à cette période de crise » précise Frédéric Abitbol.