Une page se tourne sur le front du covid-19. Dans une recommandation publiée ce 30 mars, la Haute autorité de santé (HAS) préconise de lever l’obligation de vaccination contre le covid-19. Instaurée par la loi du 5 août 2021, celle-ci oblige les soignants mais aussi les sapeurs-pompiers, les ambulanciers et certains employés à domicile d’être à jour de leurs vaccins contre le covid-19 afin de pouvoir exercer. La vaccination est néanmoins « fortement recommandée », conseille les scientifiques de la HAS. Elle avait été saisie en fin d’année dernière par la Direction générale de la Santé, dépendant du ministère de la Santé.
Selon la loi en question, la levée de cette obligation doit se faire par décret, après avis de la HAS, « compte tenu de l’évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques ». Interrogé par l’AFP, le ministre de la Santé François Braun a indiqué qu’il « suivrait l’avis de cette autorité scientifique » qu’il prendrait « rapidement » un décret. L’ancien chef du pôle urgences à l’hôpital de Metz s’est engagé également à « concerter les fédérations hospitalières et les ordres des professions de santé pour définir les modalités de mise en œuvre ».
Une recommandation qui « ne constitue en rien une remise en question de ses précédents avis »
Dans sa communication, la HAS précise qu’une telle levée « ne remet pas en question l’intérêt de cette vaccination, que ce soit en milieu professionnel ou en population générale ». Elle ajoute également que sa recommandation « ne constitue en rien une remise en question de ses précédents avis et recommandations rendus dans des contextes sanitaires et épidémiques différents ».
Depuis septembre 2021, les 2,7 millions professionnels concernés devaient attester d’un schéma vaccinal complet (deux, puis trois doses), sous peine d’être suspendus, sans rémunération. Mi-mars, « autour de 0,3 % des agents » hospitaliers étaient suspendus, selon le ministère, et moins de 2000 chez les professionnels libéraux, selon l’Assurance Maladie.
Le sénateur Bernard Jomier s’inquiète d’un « virage politique »
Ancien corapporteur de la commission d’enquête sur la gestion de l’épidémie de covid-19, le sénateur Bernard Jomier (apparenté PS) se montre très réservé sur l’annonce de la HAS, qu’il qualifie de « critiquable ». « On est toujours dans des phases répétées, il y a toujours une incertitude sur l’évolution de la pandémie. Certes, on a des variants qui posent moins de problèmes, mais les infections répétées sont problématiques. Je trouve que la HAS est en dessous de ses responsabilités de santé publique », s’inquiète ce médecin de profession. « J’appelle à beaucoup de circonspection dans la décision qui sera prise derrière », invite-t-il.
Dans son avis, la HAS a par ailleurs passé en revue d’autres vaccinations obligatoires pour les soignants. Elle suggère par exemple de lever l’obligation concernant la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, sauf à Mayotte. « C’est un virage complet par rapport à 2018, je ne suis pas favorable à ce virage politique là. Les extensions de 2018 ont prouvé leur efficacité. Il y a un manque de prudence alors que les Français ne contestent pas ces obligations », s’interroge le sénateur de Paris.
Sollicitée également par Public Sénat, la présidente de la commission des affaires sociales Catherine Deroche (LR) dit « prendre acte » de l’avis de la HAS. « Je partage sur le fait que les professionnels de santé doivent prendre toutes les mesures pour ne pas contaminer les patients et je serais donc favorable à une obligation vaccinale contre la grippe, mais sur le covid-19, la contamination se fait maintenant par les gens vaccinés. On est dans une épidémie moins virulente donc j’en prends acte », réagit la sénatrice, médecin également. « Est-ce que ça fera revenir des soignants, c’est une autre question. Mais si certains veulent réintégrer, ils peuvent le faire. »
« C’est beaucoup beaucoup trop tard », dénonce le sénateur Loïc Hervé
Des sénateurs, qui défendaient la fin de cette obligation, ont fait part en fin de journée de leur satisfaction. Certains comme Loïc Hervé (Union centriste) ont regretté le calendrier. « Il aura fallu des mois pour que l’obligation vaccinale covid-19 des soignants soit enfin levée. C’est beaucoup beaucoup trop tard quand on sait qu’elle n’existait pas dans de nombreux pays et que ceux qui l’avaient instaurée l’ont levée depuis longtemps. »
Une autre saisine est en cours, celle du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE). À la demande du ministère, elle devra répondre aux questions éthiques et d’acceptabilité sociale soulevées par les obligations vaccinales des professionnels, et notamment les conséquences de celles-ci.
Le 5 avril, les sénateurs de la commission des affaires sociales auront l’occasion de poser des questions à Dominique Le Guludec, la présidente de la Haute Autorité de santé, au sujet de ce rapport sur les obligations vaccinales.