Covid-19 : le droit du travail bousculé temporairement
Face à la crise du coronavirus, le gouvernement veut aider les entreprises à surmonter cette période : éviter les licenciements, permettre l’allongement de la durée du travail en cas de forte demande dans certains secteurs, favoriser la reprise lorsqu’elle aura lieu... Pour cela, le droit du travail a été temporairement modifié. Des dispositions qui inquiètent l’opposition.

Covid-19 : le droit du travail bousculé temporairement

Face à la crise du coronavirus, le gouvernement veut aider les entreprises à surmonter cette période : éviter les licenciements, permettre l’allongement de la durée du travail en cas de forte demande dans certains secteurs, favoriser la reprise lorsqu’elle aura lieu... Pour cela, le droit du travail a été temporairement modifié. Des dispositions qui inquiètent l’opposition.
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Par Fanny Conquy

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Ce matin en Conseil des ministres, vingt-cinq ordonnances ont été adoptées pour modifier temporairement la loi en pleine crise du Covid-19. « Un nombre historique, depuis 1958. C’est bien le signe que l’urgence dicte sa loi » selon les mots du premier ministre.

Plusieurs ordonnances concernaient des dérogations au droit du travail. Objectif : « Aménager temporairement le droit du travail pour permettre l'organisation d'une véritable économie de guerre dans les secteurs vitaux et sous conditions », a souligné Edouard Philippe. Que contiennent ces ordonnances ?

  • Durée du travail hebdomadaire

Pour les entreprises qui font face à une activité accrue en cette période, le texte permet d’allonger le temps de travail.  Actuellement, la durée maximale du travail hebdomadaire est de 48 heures. Le texte la fait passer à 60 heures par semaine. A partir de la 36e heure, le salarié sera payé en heures supplémentaires.

Sur une période de 12 semaines, actuellement le temps de travail doit être de 44 heures maximum, en moyenne, par semaine. Avec ce texte, il sera désormais possible de travailler 46 heures hebdomadaires en moyenne.

Ces dérogations concerneront les secteurs « particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale ». Ils seront précisés par décret. Les transports, la logistique, l’agroalimentaire, l’énergie, ou encore les télécommunications devraient en faire partie.

Par ailleurs, le temps de repos entre deux journées de travail pourra être ramené à 9 heures au lieu de 11 heures actuellement. Enfin, dans les secteurs concernés, les salariés pourront être amenés à travailler le dimanche.

  • Congés payés

Un employeur pourra modifier la date des congés payés, dans la limite de 6 jours de congés. Des jours qui pourront être pris sur le solde de congés à poser avant le 31 mai 2020.  Les congés d’été ne sont donc pas concernés. L’employeur pourra procéder à ces modifications, après accord de branche ou d’entreprise. Une condition qui satisfait les syndicats, et les élus d’opposition, qui réclamaient que cette possibilité pour l’employeur fasse l’objet d’un dialogue social.

En revanche, sans accord d’entreprise, l’employeur pourra fixer de manière exceptionnelle jusqu'à 10 jours de RTT ou de jours du compte épargne-temps.

  • Versement de l’intéressement et de la participation

Les ordonnances donnent la possibilité aux entreprises de décaler le versement des sommes attribuées au titre d'un régime d'intéressement ou de participation. Ces sommes sont souvent versées en mars … la date limite est repoussée au 31 décembre 2020.

Des modifications qui inquiètent les oppositions

En ce qui concerne l’allongement de la durée du travail hebdomadaire dans certains secteurs, Sophie Taillé-Polian, sénatrice socialiste du Val-de-Marne alerte : « Je suis dubitative, et inquiète. Cela peut représenter un risque pour les salariés. Certains travaillent dans des secteurs particulièrement fatiguants, avec de fortes cadences, des conditions propices aux accidents en cas de fatigue, de surmenage… Il est d’autant plus essentiel de préserver des temps de pause. »

Par ailleurs, la sénatrice souligne l’injustice pour ces salariés, à qui on demande de se mobiliser en cette période particulièrement délicate, mais à qui on ne peut pas toujours garantir des conditions de travail sûres, par manque de matériel de protections, de gants, ou de masques par exemple. Par ailleurs, plus globalement : « Qui va surveiller la mise en place de ces mesures et leur respect par les entreprises ? Jusqu’à quand et dans quel cadre cela s’appliquera … ? Il manque des garde-fous essentiels ».

Rachid Temal, sénateur socialiste du Val-d’Oise, interrogé à l’issue des questions au Gouvernement cet après-midi, va dans le même sens : « Il y a un recul impressionnant sur le droit social… Ces mesures cassent le modèle social. Il faudrait plutôt récompenser ces salariés qui se mobilisent plutôt que de durcir leurs conditions de travail ! »

Du côté de la droite, il y a aussi des réserves. Gérard Larcher était interrogé ce matin sur France Inter. Le président du Sénat s’est exprimé sur ces ordonnances concernant le droit du travail.  « Nous allons déroger au temps de travail, il faut que cela se fasse dans des conditions de sécurité et de santé par rapport au travail (…) Bien sûr à circonstances exceptionnelles : réponses exceptionnelles. Mais les réponses exceptionnelles doivent se faire avec comme préoccupation aussi bien la santé et la protection des salariés, et des chefs d’entreprises, n’oublions pas les petits artisans, les commerçants… Et nous devons aussi avoir la préoccupation de l’après-crise, pour ne pas connaitre un séisme au niveau des entreprises, avec les conséquences sur la production, sur l’emploi, sur l’indépendance … »

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