La France assiste-t-elle au début d’une possible septième vague ? Avec plus de 80 000 nouveaux cas enregistrés le 21 juin, la circulation du virus se poursuit sur l’ensemble du territoire. Interrogé par publicsénat.fr, le rapporteur de la commission d’enquête, le sénateur Bernard Jomier, regrette l’absence d’une communication claire de la part de l’exécutif depuis le début de l’année 2022.
Avec 45 700 cas de contamination détectés en sept jours entre le 12 au 18 juin, l’épidémie repart à la hausse dans l’Hexagone. Cette recrudescence de la pandémie était-elle prévisible ?
Aucune personne sensée ne pensait que le virus allait disparaître après le printemps ; donc oui, la situation actuelle était prévisible. Le coronavirus a continué à évoluer avec de nouveaux sous-variants d’Omicron qui provoquent désormais cette nouvelle poussée épidémique observée depuis quelques jours. On assiste à une reprise de l’épidémie après la poussée du printemps, jusqu’où ira-t-elle ? C’est la question à se poser. Ce rebond épidémique n’est sans doute pas le dernier.
Est-ce que ces souches BA.4 et BA.5 du variant Omicron, sont susceptibles de créer davantage de formes graves ? Ce n’est pas impossible. Je me réfère aux scientifiques qui expliquent que ces variants notamment le variant BA.5, seraient moins sensibles au vaccin. Si les populations les plus fragiles ne font pas leur rappel, on pourrait assister de nouveau à une augmentation spectaculaire des hospitalisations. Il ne faut pas baisser notre garde. L’hôpital public n’a pas besoin de cela, surtout en ce moment.
Dans ce contexte de dégradation de la situation sanitaire, un quart des personnes éligibles pour un second rappel ont reçu une dose. Le gouvernement s’est désolé du rythme assez lent de cette campagne vaccinale visant les personnes âgées de plus de 65 ans. Comment jugez-vous l’action de l’exécutif depuis le début de l’année ? La France a-t-elle relâché la garde trop tôt ?
Le coronavirus en 2022 n’est pas le même sujet qu’en 2020 ou au premier semestre de l’année 2021. Toutefois, la situation sanitaire actuelle devrait être traitée sérieusement par le gouvernement qui navigue à vue depuis le début de l’année. On ne peut se contenter de donner des coups de barre sans cohérence. Il faut poursuivre les efforts et assurer une large protection à la population face au virus.
Je trouve très dommageable l’absence de politique à la hauteur de ces enjeux. On a l’impression depuis quelques mois qu’il n’y a plus de communication sur la situation sanitaire de la part de l’exécutif, silence total. Tout est fait pour donner l’impression que tout est terminé avec la levée progressive des restrictions sanitaires. Selon moi, c’est un véritable problème. Il n’y a plus un message cohérent porté par le gouvernement qui se contente d’annonces ponctuelles.
Les institutions sanitaires disent des choses, mais le gouvernement a géré la crise sanitaire par une centralisation à l’extrême de la communication de la parole publique. Il ne faut pas s’étonner que la campagne de vaccination ne décolle pas. Nous avons besoin d’une stratégie nationale à moyen terme.
La vaccination a démontré son intérêt pour limiter les formes graves de la maladie et les décès. Toutefois, son efficacité est limitée pour stopper les transmissions et les contaminations. Il fallait plus de pédagogie dès l’hiver sur la vaccination. Un taux de vaccination élevé permet d’éviter de prendre des mesures coercitives, ce n’est pas l’heure de relâcher nos efforts sinon on risque de perdre beaucoup. Il est urgent qu’un ministre de la Santé mette en place une nouvelle politique.
Considérez-vous que l’absence supposée de communication gouvernementale sur le Covid depuis janvier est liée au calendrier électoral ?
Depuis quelques mois, il n’y a pas un pilotage à la hauteur des problèmes et des enjeux de santé publique. La seule mesure prise depuis janvier par le gouvernement concerne les urgences avec le lancement d’une « mission flash » confiée au docteur Braun, une décision prise par le Président de la République, Emmanuel Macron et non par la ministre de la santé, Brigitte Bourguignon. En théorie, rien ne doit empêcher le gouvernement de gouverner pas même le calendrier électoral. Le gouvernement actuel a arrêté d’agir. On en paie aujourd’hui les conséquences.
Je pense que les raisons sont politiques, on a voulu écarter le Covid de la période électorale et des débats entre candidats, notamment pendant l’élection présidentielle mais en réalité le virus ne disparaît pas.
Face à la crise sanitaire, l’exécutif a déclaré l’état d’urgence sanitaire par l’adoption d’une loi en mars 2020, état prorogé jusqu’au 31 juillet 2022 par la loi du 11 novembre portant diverses mesures de vigilance. Faut-il un nouveau texte de loi sur la situation sanitaire ?
Je plaide pour qu’on inscrive ces mesures de gestion des menaces sanitaires dans le droit commun, un moyen d’éviter les dispositifs d’exception. S’il faut prolonger l’état d’urgence sanitaire, c’est au Parlement d’en débattre et en toute transparence. En janvier, lors des débats sur le passe vaccinal certains avis rendus par le Haut conseil de la santé publique au gouvernement ont été publiés plusieurs jours voire semaines aux parlementaires. La loi prévoit pourtant la publication sans délai des notes, avis et études du conseil scientifique.
Concernant l’application de nouvelles restrictions des libertés publiques, elles doivent être débattues au Parlement. Ces différents outils s’apprécient les uns par rapport aux autres. Si l’objectif du gouvernement est de freiner le virus et réduire le nombre de cas, le vaccin est l’outil numéro 1, mais il en existe d’autres comme le port du masque, l’aération ou la ventilation.