On ne sait pas encore quel sera le degré d’efficacité des nouvelles mesures sanitaires décidées le 18 mars par le gouvernement, pour ralentir la progression du covid-19. Mais on connaît déjà le coût qu’il devrait avoir pour les finances publiques. 16 départements sont concernés par les nouvelles restrictions, en Île-de-France, dans les Hauts-de-France, dans les Alpes-Maritimes, une petite partie de la Normandie, et dans les Alpes-Maritimes. Cela représente un tiers de la population française et 40 % de l’activité économique.
La décision de fermer les commerces et rayons jugés non-essentiels dans cette zone géographique portera le nombre de commerces fermés à 110 000, selon le gouvernement. Ces six dernières semaines, certains avaient déjà dû abaisser leurs rideaux de fer, car situés à l’intérieur des centres commerciaux. Pour compenser cette fermeture administrative, le fonds de solidarité, le chômage partiel pour les salariés et les exonérations de charges vont être mobilisés, comme pour les autres secteurs déjà à l’arrêt. Selon Bercy, le coût global par mois de ces mesures d’aides prises en charge par l’Etat, qui était déjà d’environ six milliards d’euros par mois, devrait augmenter de 1,2 milliard d’euros.
« Ce n’est pas excessif »
Au Sénat, le chiffre ne semble pas inquiéter outre mesure. « C’est évidemment une dépense supplémentaire mais ce n’est excessif par rapport aux montants déjà exécutés », observe Claude Raynal, le président (PS) de la commission des finances du Sénat. « C’est une somme importante, mais tout est relatif », considère également Serge Babary (LR), président de la délégation sénatoriale aux entreprises.
Pour le moment, le budget de l’Etat pourra absorber la rallonge dans le sauvetage de ces entreprises à l’arrêt. Tous les crédits d’urgence ouverts en 2020 n’avaient pas été consommés. Auditionné fin janvier au Sénat, le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt avait estimé que le reliquat permettait de tenir « entre trois et six mois, à conditions sanitaires et de maintien de l’activité économique constants. » La donne a désormais sensiblement changé, et ce, pour quatre semaines, minimum. Bercy exclut pour le moment tout nouveau texte budgétaire. « Aujourd’hui, on n’a pas besoin d’un projet de loi de finances rectificative, en l’état actuel des mesures et de la durée annoncée », nous explique-t-on ce vendredi dans l’entourage du ministre. Mais si le confinement version 2021 venait à être étendu à d’autres départements, ou prolongé dans sa durée, Bercy se « rapprocherait » alors du moment où un PLFR devra être présenté.
« Le quoiqu’il en coûte va se poursuivre tout au long de la crise épidémique », a insisté Olivier Dussopt
D’autant que la somme globale des aides d’urgence effectivement utilisée a été revue à la baisse. Les services du ministère des Finances l’évaluaient à 7,5 milliards par mois en janvier, avant de redescendre l’estimation à six milliards. « L’activité économique s’est maintenue plus que ce qu’on l’envisageait », explique le ministère. Côtés recettes, les rentrées de TVA ont-elles aussi été meilleures que prévues. Elles ont représenté en janvier 2019,4 milliards d’euros, soit 2 de plus qu’espéré, soit un niveau équivalent à celles de 2020.
Ce confinement du troisième type reste en tout cas, à ce stade, bien moins coûteux pour l’Etat que celui mis en place au printemps 2020, qui avait fait chuter le PIB de 30 % par mois. Celui mis en place cet automne, beaucoup moins strict, l’avait fait chuter à hauteur de 8 % en novembre. La baisse d’activité devrait être également limitée pour mars-avril 2021. « L’activité en France est à l’heure actuelle à 90 % de ses capacités. C’est sur le reste, et notamment les commerces à nouveau fermés, que ça pose problème », s’inquiète le sénateur Serge Babary, qui voit un « retour en Absurdistan », avec de nouvelles différences entre rayons.
Le train de mesures décrétées cette semaine devrait représenter une chute de 0,2 % du PIB sur l’ensemble de l’année, mais le gouvernement maintient toujours son objectif d’une croissance à 6 %, espérant un rebond plus fort au deuxième semestre. Sur Europe 1, dans la matinée, Olivier Dussopt a assuré que les dispositifs d’aides exceptionnels seraient maintenus « aussi longtemps qu’il y aura des restrictions ». « Le quoiqu’il en coûte va se poursuivre tout au long de la crise épidémique », s’est-il engagé.
Les commerçants demandent un accompagnement sur les loyers et la gestion des stocks
Aujourd’hui, les représentants du secteur commercial réclament des mesures massives. La Fédération des commerçants de France ou encore l’Alliance du commerce (qui représente notamment les grandes enseignes textiles) demandent des aides pour la prise en charge des loyers. Le dossier des coûts fixes est jugé « essentiel » par le sénateur Babary. « Les loyers sont parfois très importants », souligne-t-il. Ces dispositifs doivent être « rapidement précisés », selon l’Alliance du commerce. Elle s’impatiente : « A ce jour, les entreprises n’ont reçu aucune aide. » Autre sujet qui se pose : la question des stocks et des invendus importants, après des mois difficiles. Les commerçants demandent un assouplissement des règles pour pouvoir les écouler, ou des indemnisations pour les produits qui se seraient dépréciés avec le temps. Si les demandes étaient acceptées par l’Etat pourraient faire augmenter un peu plus la note.
A moyen terme, après plusieurs auditions sur le poids de la dette, le président de la commission des finances du Sénat estime que le creusement du déficit sera absorbable. « Il est clairement établi aujourd’hui, que même s’il y avait une année 2021 horribilis, ce serait tout à fait soutenable. C’est évidemment malheureux qu’on ait besoin de poursuivre les mesures mais les finances publiques le supportent. »