Depuis mars 2020, le scenario se répète. Début de soirée, l’exécutif est à la manœuvre, les Français suivent la conférence de presse du Premier ministre, ou du ministre de la Santé, annonçant les dernières mesures sanitaires, des mesures qui doivent parfois s’appliquer dès le lendemain. Or sur le terrain, pas toujours facile pour les maires de s’organiser témoigne Christophe Bouillon, président de l’Association des Petites Villes de France (APVF) : « A peine la conférence de presse terminée, vous avez déjà des appels des parents d’élèves, du personnel municipal etc. ».
Car si l’État décide, c’est ensuite aux élus locaux d’appliquer les décisions venues d’en haut. Cette situation provoque parfois de la « colère » estime Christophe Bouillon, qui pointe une « incompréhension de la part du sommet de l’État sur la façon fonctionne une municipalité ». Sur le terrain, les maires sont obligés de s’adapter constamment, alors qu’ils découvrent les mesures en même temps que l’ensemble de la population.
Des décisions venues d’en haut
Les préfets peuvent décider, mais s’ils n’ont pas l’armée des ombres, l’armée des efficaces, que sont les maires, on n’arrive pas à gérer les choses et à maintenir le pays en marche.
Représentant de l’État dans les départements, le préfet joue alors un rôle majeur. Il constitue l’interlocuteur privilégié des élus. Françoise Gatel, sénatrice (union centriste) d’Ille-et-Vilaine, insiste sur l’importance du couple « maire/préfet » en cette période de crise sanitaire. « Le préfet répond plus facilement aux maires qu’aux services municipaux, donc les maires ont dû monter en puissance ». Si le préfet représente l’autorité de l’État, la sénatrice tient à rappeler que la gestion de la crise n’aurait pas été possible sans le travail des élus municipaux : « Les préfets peuvent décider, mais s’ils n’ont pas l’armée des ombres, l’armée des efficaces, que sont les maires, on n’arrive pas à gérer les choses et à maintenir le pays en marche ».
Mais le préfet est-il toujours le bon interlocuteur ? La discussion est souvent à sens unique selon certains élus, comme Jean Leonetti. Le maire Les Républicains d’Antibes juge sévèrement le rôle du représentant de l’État : « Le préfet informe plus qu’il ne concerte, et il ne décide pas ». Alors que les maires sont en première ligne sur le terrain, face aux citoyens, leur avis pèse, semble-t-il bien peu dans la prise de décision. S’il y a bien des discussions en région, Jean Leonetti les qualifie de « supercherie ». La décision tombe d’en haut selon lui, faisant peu de cas des avis locaux.
Le rôle des ARS
L’ARS peut décider toute seule, et c’est ce qui s’est passé en début de crise
La sénatrice Françoise Gatel pointe quant à elle une autre caractéristique organisationnelle qui explique pourquoi les discussions avec le préfet ne sont pas toujours efficaces. Elle rappelle qu’en France ce sont les ARS (Agences Régionales de Santé) qui sont responsables de la politique de santé sur le territoire. Or ces ARS ne sont pas sous l’autorité du préfet rappelle la sénatrice : « L’ARS peut décider toute seule, et c’est ce qui s’est passé en début de crise. Et alors le préfet n’a aucune consigne à donner à l’ARS ». Elles dépendent en effet directement du ministère de la Santé, quand les préfets répondent au ministère de l’Intérieur.
Pour une clarification des compétences
Face à ces interlocuteurs multiples, les maires se sentent isolés et peu écoutés, alors qu’ils ont été « des essentiels » dans cette crise estime Françoise Gatel. Il faudra selon elle en tirer les leçons pour éviter les difficultés auxquelles se sont heurtés les élus locaux.
Pour Jean Leonetti, les maires ne s’opposent pas à la répartition des compétences, il rappelle ainsi que « la santé est une fonction régalienne », et qu’il faut qu’elle le reste pour éviter des disparités d’accès aux soins sur le territoire national. « Les maires ne veulent pas avoir plus de compétences » conclut-il, « ils veulent une clarification des compétences ».
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