« France Relance ». C’est le nom du plan de relance présenté ce jeudi en Conseil des ministres. Un plan à la hauteur de la pire crise économique que connaît la France depuis 1945, face à l’épidémie de Covid-19.
Évoqué dans un premier temps au début de l’été, puis fin août, l’exécutif a pris une semaine de plus pour finaliser ce plan que Matignon veut « historique », avec pas moins de 100 milliards d’euros. « C’est quatre fois plus que le plan de relance de 2008 » souligne-t-on. Ce plan est échafaudé avec trois piliers : la transition écologique, l’appareil productif et enfin la cohésion sociale et territoriale. Il s’étale essentiellement sur 2021 et 2022. La relance, il faut que ça se voie… avant la présidentielle, si possible. Sur le plan législatif, le plan de relance passe en réalité par le projet de loi de finances, examiné cet automne.
Jean Castex : « Ce plan de relance vise à faire en sorte que notre économie ne s’effondre pas »
« Apres l’indispensable sauvegarde, la consolidation et l’offensive. C’est le plan de relance » a affirmé ce jeudi le premier ministre Jean Castex, après le Conseil des ministres. Il y voit « une ambition et une ampleur historique. 100 milliards d’euros, c’est presque quatre fois plus que le plan de relance de 2008 ».
« Trois leviers » articulent ce plan, explique Jean Castex : « Un rôle contracyclique, pour relancer l’activité », la volonté de « réduire les morsures de la crise sur notre pacte social et territorial » et enfin « accélérer la transformation de notre économie » par « des investissements massifs en faveur de la transition écologique, de la souveraineté et de la compétitivité économique ». « Ce plan de relance vise à faire en sorte que notre économie ne s’effondre pas » a-t-il dit un peu plus tôt, ce matin sur RTL. Objectif affiché : créer 160.000 emplois en 2021. Pour y arriver, le gouvernement espère que le plan aura « un effet d’entraînement et de levier sur l’économie » pour être au final « démultiplié, pour aller bien au-delà de ces 100 milliards d’euros ».
Après une récession de 11% en 2020, le gouvernement prévoit en 2021 un rebond de 8% de l’activité, hors relance. Grâce au plan, l’idée est « d’éliminer la perte, fin 2022 », explique une éminence grise, dans l’entourage de Bruno Le Maire.
Dès le début de la crise du Covid, le gouvernement a en réalité déjà apporté ses premières réponses, avec trois budgets rectificatifs successifs. 470 millions d’euros ont déjà été engagés pour le chômage partiel, qui a concerné 8 millions de salariés, et les prêts garantis par l’Etat. Le plan de relance est le dernier étage de la fusée, et pour le coup le plus gros. « En proportion de la richesse nationale, c’est le plan de relance le plus massif annoncé à ce jour par un grand pays européen » s’enorgueillit l’entourage du premier ministre, qui entend soutenir autant l’offre que la demande, les entreprises que les ménages.
« Préparer la France à l’horizon 2030 »
Mais avec l’ambition de « préparer la France à l’horizon 2030 », ce plan n’entend pas se limiter à atteindre l’incendie. « Il ne doit pas être un feu de paille, il doit permettre d’investir dans les secteurs qui tireront la croissance de demain » insiste-t-on de source ministérielle.
Le volet « verdissement » du plan se veut ambitieux, avec 30 milliards d’euros, soit quasi un tiers du total. De quoi apporter une réponse à ceux qui accusent le gouvernement d’oublier l’écologie, au moment où un autre projet de loi est présenté ce jeudi en Conseil des ministres, celui qui autorise par dérogation le retour des néonicotinoïdes. Les écologistes dénoncent « un projet de loi basé sur un mensonge » (lire ici).
7 milliards pour le bâtiment, 11 milliards pour les transports
Comme nous l’avait expliqué dès juin la secrétaire d’État Emmanuelle Wargon, un chapitre est consacré à la rénovation thermique des bâtiments, avec presque 7 milliards d’euros, dont 4 pour les bâtiments publics. Les rénovations globales sont ciblées, les propriétaires bailleurs et copropriétés seront aidés.
11 milliards d’euros sont prévus pour les transports, dont près de la moitié pour le ferroviaire. 2 milliards seront consacrés à la filière hydrogène.
Sur le plan industriel, pas moins de 35 milliards d’euros, soit un autre tiers, ira à la compétitivité et à l’innovation, en concentrant ces aides sur les entreprises de taille intermédiaire, dont le tissu est moins fort qu’en Allemagne. Une baisse des impôts de production à hauteur de 10 milliards d’euros (20 milliards sur les deux ans du plan) est annoncée. Par ailleurs, la relocalisation de productions en France, dont on a beaucoup parlé, bénéficiera de 600 millions d’euros dans le secteur de la santé, de l’électronique ou du développement industrielle de la 5G. 385 millions sont prévus pour la transition numérique des TPE et PME.
Pour l’emploi, l’exécutif mise aussi sur son plan jeune, déjà présenté en juillet, à hauteur de 6,5 milliards d’euros. Il prévoit notamment une aide de 4.000 euros pour toute embauche d’une jeune de moins de 26 ans pour un contrat de trois mois minimum.
5,2 milliards pour les collectivités, 6 milliards pour les hôpitaux
Le plan touche tous les domaines. 5,2 milliards d'euros iront soutenir l'investissement des collectivités. 500 millions serviront à développer les infrastructures numériques et le très haut débit dans les territoires. 350 millions iront financer la rénovation de ponts en danger sur les territoires, sujet sur lequel le Sénat a travaillé. La contractualisation entre Etat et collectivités est au programme, avec la signature d’un premier plan entre Etat et Région de France d’ici une semaine.
Environ 6 milliards d'euros sont prévus pour le soutien à l'investissement des hôpitaux. L'augmentation de 100 euros de l'allocation de rentrée scolaire représente environ 500 millions d'euros. Le plan pauvreté et anti-exclusion sera lui doté de 200 millions d'euros supplémentaires. La culture, touchée par une crise profonde, bénéfice de 2 milliards d’euros.
« La pire des options aurait été de ne rien faire »
L’exécutif pilotera le plan par un comité interministériel mensuel. Avec une règle : « Si un programme prend du retard, qu’il puisse y avoir des relocalisations de ressources, aucun financement n’ayant vocation à être capté » explique-t-on à Matignon, « on reallouera les sommes si on s’aperçoit que ça ne va pas assez vite ». Manière polie de mettre la pression sur les ministères, qui après avoir trouvé les programmes, doivent les mettre en œuvre sur le terrain. « Tout l’enjeu, c’est de réussir l’exécution ». Soit passer des paroles aux actes.
Cette ouverture des vannes va déplaire à certains défenseurs de la rigueur à tous crins de la dépense publique. Sur les 100 milliards d’euros, 80 pèseront sur le déficit mais 40 sont pris en charge par l’Union européenne. La dette devrait atteindre 120% du PIB à la fin 2020. Mais à Matignon, on assure qu’« investir 100 milliards d’euros est un choix responsable en termes de soutenabilité de la dette publique », dont la réduction, promis, « ne se fera pas par une augmentation des prélèvements fiscaux » mais plutôt grâce à « l’activité » économique. Ce qui prendra du temps. Mais pour l’entourage de Jean Castex, « la pire des options aurait été de ne rien faire ».
L’exécutif agit, c’est indéniable. Mais certains trouveront que le plan de relance ne répond pas à l’ambition affichée par Emmanuel Macron lui-même le 12 mars dernier. Le chef de l’Etat avait alors appelé à « interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde », annonçant « des décisions de rupture ». Le 13 avril, il appelait à « nous réinventer, moi le premier ». Si le gouvernement met le paquet pour la relance, on est encore loin des grands changements de fond que le Président laissait miroiter au début de la crise.