Tête penchée, Emmanuel Macron renifle une éprouvette. Le chef de l’Etat, qui a souffert du covid cet hiver, reconnaît une odeur « d’agrume ». Mais, selon le médecin, il n’a pas su identifier précisément les effluves d’orange. Le mal toucherait des « millions de personnes » selon l’OMS. Pan encore mal connu de la maladie, le covid long est diagnostiqué lorsque les symptômes de la maladie durent « plus d’un mois, voire plus de 6 mois ». Ses maux sont nombreux et divers : perte de goût ou d’odorat, céphalées, fatigue, douleurs musculaires, essoufflement, sensation de brouillard cérébral… Et beaucoup de patients qui ont vécu ce « traumatisme » ont souvent l’impression d’être « abandonnés par le système ».
Pour mettre en lumière la maladie et développer des méthodes de soins appropriées, Emmanuel Macron a rencontré ce jeudi des soignants et des patients à l’hôpital Foch de Suresnes, dans la banlieue ouest de Paris. « On ne connaît pas tout sur ces signes et symptômes persistants du « covid long ». Et pourtant, une part de nos concitoyens vit déjà avec. Les recherches sont engagées et notre système de santé s’adapte. Il nous faut apprendre, reconnaître et prendre en charge les patients », avait tweeté avant sa visite le chef de l’Etat. Au terme de sa visite, Emmanuel Macron s’est dit très « préoccupé » par le covid long avec lequel il va falloir « vivre durablement ».
Au Parlement, des initiatives ont été prises ces derniers mois. L’Assemblée nationale a voté à l’unanimité le 17 février une résolution visant à reconnaître et à prendre en charge les complications à long terme du covid-19. Elle recommandait aussi de « faciliter la reconnaissance en tant que maladie professionnelle des affections causées par les formes graves » de cette maladie dans les cas où celle-ci aurait été contractée au travail. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a quant à lui auditionné jeudi 8 avril, patient et médecins travaillant sur la maladie.
« La prise de conscience du président de la République arrive tard »
Pas suffisant aux yeux de certains élus. Sénatrice LR des Alpes-Maritimes, Alexandra Borchio Fontimp a écrit au ministre de la Santé, Olivier Véran, pour lui faire part de ses propositions en début de semaine. « En gestion de crise, il y a énormément de choses à gérer, mais cela fait plus d’un an que le covid a touché nos concitoyens. J’ai une collègue députée qui avait déjà déposé une proposition de loi en juin parce qu’elle a souffert de ces symptômes. La prise de conscience du président de la République arrive tard. Mais c’est mieux que rien », concède l’élue.
Touchée dans son entourage, la sénatrice est partie du constat que le covid long atteint « énormément » d’individus. Après avoir consulté les directeurs des centres hospitaliers de son département, elle propose donc « d’essayer d’identifier un centre de soins, un établissement de soins par département pour qu’il soit un lieu support : soit un lieu où on puisse recevoir et orienter les malades avec tous les corps de la médecine. » Selon les témoignages qu’elle a recueillis, les patients sont encore trop souvent « baladés d’hôpitaux en hôpitaux, dans une errance médiale. On ne met pas de mots sur ces symptômes…. » Devant les parlementaires de l’OPECST, la présidente d’une association de patients souffrant de covid long, Pauline Oustric, caractérisait ainsi la maladie : « Les symptômes d’un covid long sont prolongés, fluctuants et multisystémiques. Ils touchent plusieurs organes et se sont développés pendant la phase aiguë, puis persistent après 4 semaines », décryptait-elle.
« On est démunis tant qu’on n’a pas les traitements »
Une « errance médicale » qui n’a en outre plus lieu d’être, selon René-Paul Savary. Sénateur LR et médecin, il observe que « les symptômes de ce type de pathologie chronique commencent à être bien connus. Les médecins généralistes sont sensibilisés et prennent en compte des symptômes qu’ils ne connaissaient pas il y a un an. »
Pour le sénateur centriste Olivier Henno, membre de la commission des Affaires sociales, « les priorités sanitaires sont telles que par un effet de masse et l’urgence vaccinale, on n’a pas assez pris en compte la question du covid long. Et elle est diverse : ça va de personnes très affaiblies à des personnes qui ont perdu 20 % de capacité respiratoire. C’est ce qui est complexe à cerner. Les maux et les séquelles ne sont pas les mêmes ».
Pour l’heure, il n’existe pas de traitement spécifique et « l’arsenal des soins » est très « pauvre » rapportaient les soignants devant les parlementaires de l’OPECST. Olivier Henno se fait lucide : « Aujourd’hui on est démunis tant qu’on n’a pas les traitements. Comme face au Sida quand il n’y avait pas les trithérapies ». « On traite les symptômes simplement, mais pas la maladie. C’est pour ça qu’il faut continuer à vacciner. Il faut pousser les investissements sur la recherche et faire appel à des instituts de recherches européens, rassembler toutes ces compétences et ne pas se disperser », abonde René-Paul Savary.
« Il y a plus de covid longs que de thromboses ! »
Olivier Henno pense, lui,, que la communication n’est pas « la priorité ». « Il faut voir comment la société prend en charge les patients. Soulever le problème sans trop affoler les populations. Car beaucoup de personnes guérissent du covid », rappelle-t-il. « La vaccination est la solution », poursuit-il effaré par le refus d’une partie de la population de se faire vacciner avec des doses AstraZeneca. « Je suis parfois en colère par rapport aux réserves sur le vaccin. J’ai encore eu une conversation avec quelqu’un qui a annulé sa vaccination avec AstraZeneca, j’étais agacé. Moi je l’ai fait exprès avec l’AstraZeneca. Et je n’ai rien eu ! Et ces gens risquent un covid long ! C’est rageant ! C’est catastrophique et irrationnel. Il y a plus de covid longs que de thromboses ! », martèle-t-il. Mais le parlementaire reste convaincu que l’on « arrivera à trouver dans un délai raisonnable un remède. »
En attendant, Alexandra Borchio Fontimp plaide pour qu’un « parcours de soins » adapté soit mis en place. « Il n’y a pas d’arsenal, pas d’annonces là-dessus. Il faut vraiment reconnaître cette maladie. Il faut accueillir et prendre en charge ceux qui ont été affectés il y a un an et qui sont presque en marge de la société et incompris par leur entourage », enjoint-elle. Elle résume par un triptyque au parfum gouvernemental : « Prendre en charge, soigner, accompagner ». « Il serait temps que le gouvernement fasse des propositions concrètes. La proposition de résolution est un pas mais n’engage pas », relève-t-elle. À ce stade, le gouvernement a accordé une reconnaissance automatique en maladie professionnelle aux seuls soignants malades du covid avec des séquelles respiratoires. Un dispositif jugé trop restrictif par de nombreux élus. René-Paul Savary comme Alexandra Borchio Fontimp sont pour étendre le dispositif. Olivier Henno s’y oppose. « Je ne suis pas pour étendre la maladie professionnelle, autrement tout le devient. Par contre, il faut que ce soit une maladie remboursée à 100 % », préfère-t-il.
Le secrétaire d’Etat chargé des Retraites et de la Santé au travail, Laurent Pietraszewski, avait indiqué aux députés en février que le gouvernement était « prêt à examiner l’évolution de son dispositif » et souligné que le nombre de covid longs pourrait atteindre « plusieurs centaines de milliers » en France.