Crânes restitués à l’Algérie : Catherine Morin-Desailly demande des comptes à la ministre de la Culture

La sénatrice centriste Catherine Morin-Desailly a interpellé ce 26 octobre la ministre Rima Abdul-Malak à propos des 24 ossements de présumés combattants tués pendant la conquête coloniale, remis par la France à l’Algérie en 2020. Selon le New York Times, la majorité des crânes proviennent de corps dont l’identité reste incertaine.
Guillaume Jacquot

Temps de lecture :

3 min

Publié le

Mis à jour le

Ce devait être un geste important de réconciliation des mémoires entre la France et l’Algérie, un signal diplomatique fort. Il a viré au couac. En juillet 2020, la France a remis à Alger 24 crânes de combattants tués pendant la conquête coloniale, conservés dans les collections du Musée de l’homme à Paris. En réalité, selon une enquête du New York Times, seulement six ont été clairement identifiés comme provenant de résistants. D’après des documents auxquels a eu accès le quotidien américain, certains ne seraient même des héros algériens, et pour d’autres, l’origine serait incertaine.Au Sénat, ce 26 octobre 2022, la sénatrice Catherine Morin-Desailly (Union centriste) a demandé des explications au gouvernement, lors de la séance hebdomadaire de questions d’actualité. « Il semble que le travail du comité d’experts scientifiques franco-algérien qui œuvrait depuis 2018 à l’identification des crânes, condamné à la plus stricte confidentialité, ait été écourté. Pourquoi ? »La ministre de la Culture Rima Abdul-Malak a rappelé que ce comité mixte avait mené un travail d’identification « rigoureux » pendant 18 mois, sur une « base consensuelle et documentée ». « La commission est arrivée à la conclusion que 24 crânes sur 45 remplissaient toutes les conditions pour être restitués. » Elle a également rappelé qu’un communiqué du comité intergouvernemental « de haut niveau » évoquait le terme de « restes humains présumés algériens ». « On avait pris toutes les précautions nécessaires sur ce sujet », s’est-elle justifiée.

« Vous défendez l’indéfendable »

« Vous défendez l’indéfendable », a répliqué la sénatrice. Catherine Morin-Desailly a cité les conclusions d’une commission qui s’est réunie le mois précédant le rapatriement des crânes en question. « La commission alerte sur le risque de protestation sur le caractère précipité et autoritaire de l’opération. La commission note que les modalités imposées par l’urgence diplomatique interrompent le travail de mémoire réalisé par le comité d’experts. »Plus largement, cette affaire est une démonstration supplémentaire qu’il faut « remettre de l’ordre » dans ce sujet des restitutions, selon la sénatrice. La parlementaire, très engagée sur ces questions, s’est interrogée sur la procédure choisie par le gouvernement, à savoir une convention de dépôt et non un « acte législatif de restitution ». « Le Parlement, garant des collections nationales, totalement contourné dans cette affaire – et je le regrette – est en droit d’obtenir des réponses. »En janvier, le Sénat avait adopté à l’unanimité un cadre juridique pour les restitutions de biens culturels aux pays étrangers (relire notre article). Ce faisant, les élus de la chambre haute ont dénoncé la propension du gouvernement à disposer de biens culturels inaliénables à des fins diplomatiques, sans passer, au préalable, par le Parlement.L’Assemblée nationale ne s’est pas saisie du texte. « Si ce texte avait été complètement voté, il aurait résolu complètement la question de la restitution des crânes à l’Algérie », s’est-elle exclamée. Rima Abdul-Malak s’est engagée à ce que la législation évolue sur les questions de restitution. « Nous allons travailler ensemble à des lois-cadres pour poser une doctrine, une méthode. »

Dans la même thématique

Crânes restitués à l’Algérie : Catherine Morin-Desailly demande des comptes à la ministre de la Culture
3min

Culture

La musique gitane « n’a pas de barrière, les gens vibrent de la même manière » : le message de paix et universaliste de Chico

Co-fondateur des Gipsy Kings, aujourd’hui leader de Chico and the Gypsies, il est un artiste incontournable de la scène de musique gitane. Des titres tels que Bamboléo ou Djobi Djoba ont su faire danser la France et le monde. Cinquante ans de carrière qui ont permis de mettre en avant la musique gitane, et d’incarner l’universalité de la musique. Aujourd’hui, dans l’émission Un monde, un regard, Rebecca Fitoussi reçoit Chico.

Le

Crânes restitués à l’Algérie : Catherine Morin-Desailly demande des comptes à la ministre de la Culture
3min

Culture

« Aujourd'hui quand le peuple vote, c’est une pulsion » s’alarme le comédien Jacques Weber

Comédien-monument, il a incarné les héros les plus emblématiques du théâtre Français : Don Juan, Tartuffe, Monte-Cristo ou Cyrano. Dans sa dernière pièce, il joue un personnage plus contemporain : François Genoud, banquier nazi. Pour lui, la scène est un lieu éminemment politique, qui interroge notre époque. Le recul de notre démocratie, l’instrumentalisation des faits divers et les dérives de la société du commentaire sont autant de sujets qui l’inquiètent. Cette semaine, Rebecca Fitoussi reçoit le comédien Jacques Weber dans l’émission « Un monde, un regard ».

Le

Crânes restitués à l’Algérie : Catherine Morin-Desailly demande des comptes à la ministre de la Culture
4min

Culture

« Sans #MeToo je n’aurais pas pu écrire ce spectacle » assure l’humoriste Caroline Vigneaux.

Dans une autre vie elle a été avocate, avant de bifurquer vers celle d’humoriste. Elle qui craignait de ne plus se sentir utile, elle manie le rire comme une plaidoirie pour dénoncer et exorciser les drames de sa vie : le deuil, les agressions sexuelles…Et faire passer des messages : en faveur du féminisme, contre le retour des masculinistes. Cette semaine, Rebecca Fitoussi reçoit l’humoriste Caroline Vigneaux dans « Un monde, un regard ».

Le