Pas encore officiellement lancée, la candidature de Gabriel Attal pour prendre la tête de Renaissance ne fait plus beaucoup de doute en interne. Une bataille d’ex-premiers ministres, face à Elisabeth Borne, déjà candidate, va s’engager, au risque de tomber dans la guerre des chefs. Mais certains, à commencer par Emmanuel Macron, prônent un accord pour avoir un seul candidat.
Crèches : Des élus écologistes veulent « tout changer » pour sauver un système « à bout de souffle »
Par Quentin Gérard
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Les crèches privées sont dans la tourmente depuis une semaine. Le nouveau livre de Victor Castanet jette un pavé dans la mare. Dans « Les Ogres », le journaliste indépendant décrit un système à la dérive. Le groupe People & Baby est particulièrement visé, entre autres accusé de maltraitance. Le cas d’une fillette de onze mois, morte par empoisonnement après qu’une salariée, excédée par ses pleurs, l’a forcée à ingérer un déboucheur ménager est notamment cité. Après cette tragédie, le groupe préfère parler d’un « drame isolé ».
« Le Bernard Tapie des crèches »
Le procès d’une directrice et infirmière de la crèche du groupe People & Baby à Villeneuve-d’Ascq (Nord), a aussi débuté lundi 23 septembre à Lille. Six et douze mois de prison avec sursis sont requis contre les deux anciennes salariées pour violences sur neuf enfants dont les âges vont de quatre mois à trois ans. Les faits se seraient déroulés entre septembre 2019 et mai 2021.
Victor Castanet indique que le fondateur de People & Baby, Christophe Durieux, aurait profité d’un système fondé sur le low-cost et prospéré grâce aux aides de l’Etat. Il explique comment le « Bernard Tapie des crèches » a pu jouer sur certains mécanismes pour toucher de l’argent public. Le livre révèle aussi un pacte de non-agression entre Aurore Bergé, alors ministre des Solidarités et Elsa Hervy, déléguée générale de la Fédération française des entreprises de crèches. « Un accord gagnant-gagnant à la sauce macroniste. Les géants du secteur se gardent de taper sur le gouvernement et de mettre en cause la politique de la petite enfance suivie ces dernières années, en échange de quoi le gouvernement saura faire preuve de mansuétude », décrit le journaliste. Aurore Bergé et Elsa Hervy ont toutes les deux démenti.
Totalement changer le système
C’est dans ce contexte que Raymonde Poncet-Monge, sénatrice écologiste du Rhône et Vice-présidente de la commission des Affaires sociales et Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère et Président du groupe écologiste ont organisé une conférence de presse ce mardi 24 septembre. Six élus locaux de Lille, Versailles, Bordeaux, Lyon, Marseille et Dijon en charge de la petite enfance ont été conviés. Ils ont pu exposer leurs recommandations pour sauver un système « à bout de souffle ».
Pour eux, le système doit totalement changer. En premier lieu, il faut « remettre à plat » la prestation de service unique (PSU), le mode de financement de la petite enfance. Les deux tiers sont partagés entre les familles et la Caisse d’allocation familiale (CAF). Le reste est pris en charge par le tiers financier. A savoir les communes, les hôpitaux… ou les entreprises pour les crèches privées. C’est ce dernier qui pose problème aux élus. « Le tiers financier produit un système délétère. Il vient amplifier les effets néfastes de la lucrativité. Tout ça est normalement étranger au service public », souffle Fannie Le Boulanger, adjointe au maire de Bordeaux, en charge de la politique de la ville, de la petite enfance et de la parentalité.
Des prix planchers contre le dumping
Pour en « finir avec le low-cost » et encadrer les acteurs privés, les élus veulent fixer un montant plancher minimum sur ce tiers financier. « Il y a un système de dumping des entreprises. Ils tirent les prix vers le bas et veulent simplement gagner de l’argent », lance Steven Vasselin, adjoint à la Mairie de Lyon, en charge de la Petite enfance. C’était aussi l’une des accusations du journaliste Victor Castanet. Certaines entreprises, comme People & Baby, utilisent la délégation de service public (DSP) pour entrer sur le marché public. Avec ce principe, les collectivités peuvent confier la gestion d’une crèche municipale à un acteur privé. Une fois l’établissement acquis, les prix sont tirés vers le bas. Leur seul objectif est de faire des bénéfices. « Ils mettent 2 000 € pour un enfant. Nous à Lyon, un berceau nous coûte entre 10 000 et 12 000 € », souligne Steven Vasselin, pour qui le montant plancher pourrait être fixé à 7 000 €.
Un ministère de plein exercice
L’autre conséquence des prix tirés vers le bas est le manque de personnels. « Il y a maintenant davantage de personnes qui quittent le secteur que de professionnels qui y entrent », se désole l’adjoint de Grégory Doucet à Lyon. 15 000 places sont vides. En juin 2023, Élisabeth Borne a annoncé un objectif de 200 000 recrutements d’ici 2030. « Littéralement impossible », répondent les élus. Ils souhaitent que « la première des bienveillances » aillent aux professionnels en poste. Ce sont des femmes à plus de 90 % dont le salaire dépasse rarement le Smic.
Un autre souhait de leur part : un ministère de plein exercice. S’ils se réjouissent que le gouvernement garde un portefeuille de la Petite enfance, les élus auraient préféré qu’il ne soit pas complété de la Famille. Ce ministère a été confié à Agnès Canayer, sénatrice les Républicains de Seine-Maritime. « Ou alors, qu’on soit rattaché à l’Education nationale pour ne pas être financé par la CAF », suggère Kildine Bataille-Bennetz, adjointe au maire de Dijon. Être soutenu financièrement par la CAF les dérange car cette caisse est financée par des cotisations patronales et non par l’Etat. Alors que si le secteur est placé sous l’égide de l’Education nationale, son budget serait alloué par l’Etat. Il serait donc voté et débattu au parlement.
Vers une proposition de loi
Les élus municipaux veulent aussi favoriser les congés post-nataux. « Les parents doivent avoir le choix de mettre son enfant à la crèche ou de la garder à la maison en n’allant pas travailler », indique Sophie Guérard, adjointe au maire de Marseille. Les élus veulent s’inspirer des pays scandinaves. Au Danemark, les indemnités journalières sont équivalentes au salaire du parent pendant cinquante-deux semaines. En France, c’est 429 € par mois pendant un an, renouvelable une fois. « Les crèches doivent prendre acte qu’elles ne peuvent pas accueillir tout le monde », assènent-ils. Il faut donc donner la capacité aux parents de vivre convenablement avec un nouveau-né quand ils restent à la maison.
Guillaume Gontard, le patron des sénateurs écologistes trouvent ces propositions « très intéressantes ». Il souhaite mettre en place une mission d’information à ce sujet au Palais du Luxembourg. « L’histoire de prendre quatre ou cinq mois pour poser les choses », indique l’ancien maire de Percy (Isère). « Rien n’empêche de travailler ensuite sur une proposition de loi », souligne Raymonde Poncet-Monge, Vice-présidente de la commission des Affaires sociales à la chambre haute. La sénatrice écologiste en fait son cheval de bataille. « Cette proposition de loi sera l’un de mes objectifs pendant cette législature ».