Crimes sexuels sur mineurs : pourquoi le Sénat veut changer la loi ?
Portée par la sénatrice centriste, Annick Billon, la proposition de loi visant à protéger « les jeunes mineurs des crimes sexuels », en débat au Sénat ce jeudi, entend poser un « interdit clair » sur les relations sexuelles entre un adulte et un enfant. Pour cela, le texte fixe un seul d’âge de non-consentement de la victime. Explications.

Crimes sexuels sur mineurs : pourquoi le Sénat veut changer la loi ?

Portée par la sénatrice centriste, Annick Billon, la proposition de loi visant à protéger « les jeunes mineurs des crimes sexuels », en débat au Sénat ce jeudi, entend poser un « interdit clair » sur les relations sexuelles entre un adulte et un enfant. Pour cela, le texte fixe un seul d’âge de non-consentement de la victime. Explications.
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Un jeune mineur peut-il avoir des relations sexuelles consenties avec un adulte ? La question semble stupide, choquante, pourtant elle n’est pas toujours tranchée dans les tribunaux. Comme en 2017, lorsque la cour d’assises de Seine-et-Marne avait acquitté un homme de 30 ans jugé pour le viol d’une fillette de 11 ans.

Comment une telle décision a-t-elle été rendue possible ?

Devant une cour d’assises, juridiction compétente pour juger un viol, le crime doit être constitué par un de ces quatre éléments : « Violence, menace, contrainte ou surprise » de la part de l’auteur. Ce qui a pu entraîner la requalification d’un viol en atteinte sexuelle. Un délit réprimant les relations sexuelles, y compris consenties, entre un majeur et un mineur. Une infraction punie de 7 ans d’emprisonnement devant le tribunal correctionnel contre 20 ans pour un viol.

La loi Schiappa de 2018 a introduit une « présomption de contrainte » sur les mineurs de moins de 15 ans. Les relations sexuelles avec un adulte ne sont pas considérées systématiquement comme un viol. Mais lorsque les faits seront commis sur la personne d’un mineur de quinze ans - « la contrainte morale ou la surprise pourront résulter de l’abus d’ignorance de la victime ».

« Aujourd’hui, en matière de crimes sexuels sur mineurs, nos lois sont perfectibles », expliquait la semaine dernière à publicsenat.fr, Annick Billon, auteure d’une proposition de loi visant à protéger « les jeunes mineurs des crimes sexuels », examinée par le Sénat, jeudi.

La question du consentement est-elle valable pour des jeunes mineurs ?

Vider les tribunaux des débats autour du consentement réel ou supposé de la victime, c’est ce que propose le texte d’Annick Billon en instaurant un seuil d’âge en dessous duquel une victime est considérée comme ne pouvant pas être consentante. Sa proposition de loi créée nouvelle infraction de crime sexuel sur mineurs dans le Code pénal. Le crime puni de 20 ans de réclusion criminel est constitué en cas de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’elle soit, commise par un majeur sur un mineur de moins de treize ans, dès lors que l’auteur des faits connaissait ou ne pouvait ignorer l’âge de la victime.

Ce n’est pas la première fois que la question d’un seuil d’âge de non-consentement est débattue au Parlement. Promesse de la ministre Marlène Schiappa et d’Emmanuel Macron, le seuil d’âge de 15 ans n’avait finalement pas été retenu dans la loi contre les violences sexuelles et sexistes de 2018.

Le Conseil d’Etat avait estimé qu’une présomption de non-consentement pouvait être comparée à une sorte de peine automatique, une présomption de culpabilité peu compatible avec les droits de la défense.

Par la création d’un crime spécifique commis sur des mineurs, le Sénat déplace l’approche subjective valable pour un viol sur majeur, (la victime était-elle consentante, y a-t-il eu violence, menace, contrainte ou surprise ?) à une approche objective (quel âge avait la victime au moment des faits ?).

13 ou 15 ans ?

C’est un débat qui occupera les sénateurs jeudi. Annick Billon préconise d’instaurer un seuil d’âge de non-consentement à 13 ans. Elle se calque sur l’âge à partir duquel un enfant peut se voir infliger une peine comme le placement en centre éducatif fermé. Si le juge considère qu’un enfant de moins de 13 ans n’a pas le discernement suffisant pour se voir infliger une sanction pénale, il n’en a pas non plus pour consentir à une relation sexuelle avec un adulte.

Les associations, comme Innocence en danger, demandent que le seuil d’âge soit fixé à 15 ans, soit l’âge de la majorité sexuelle. C’est également le souhait de la gauche du Sénat. Un amendement de la sénatrice PS Laurence Rossignol a été déposé en ce sens. « C’est plus protecteur pour les enfants âgés entre 13 et 15 ans. C’est d’ailleurs ce qu’on a vu dans l’affaire Olivier Duhamel où la victime avait 14 ans au moment des faits » explique-t-elle à publicsenat.fr.

L’inceste, un crime spécifique ?

L’affaire Olivier Duhamel a entraîné une vague de témoignages sur les réseaux sociaux sous le hashtag #Metooinceste. Cet interdit ne fait pourtant pas l’objet d’une infraction dans le Code pénal. A l’Assemblée nationale, une proposition de loi entend y remédier (voir notre article), au Sénat, le groupe socialiste a déposé un amendement à la proposition de loi d’Annick Billon. Il punit de 20 ans de réclusion criminelle une relation sexuelle incestueuse entre un majeur et un mineur de moins de 18 ans et ceci sans qu’il soit nécessaire de prouver qu’elle a eu lieu avec violence, contrainte, menace ou surprise.

Faut-il rendre imprescriptibles les crimes sexuels sur mineurs ?

La loi Schiappa a rallongé le délai de prescription en matière de viol sur mineurs de 20 à 30 ans. Ce délai court à compter de la majorité de la victime Les associations militent pour l’imprescriptibilité, aujourd’hui réservée aux crimes contre l’Humanité. Jeudi, par voie d’amendement, Annick Billon proposera dans l’hémicycle de l’allonger à 40 ans « pour ouvrir le débat ».

 

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