Crise agricole : la FNSEA est « responsable » du piège qui se referme sur les agriculteurs, pointe Yannick Jadot

L’élu écologiste bat en brèche l’idée selon laquelle les écologistes et les agriculteurs n’auraient pas les mêmes intérêts, et prône une réforme de la politique agricole commune pour sortir d’un modèle qui mène selon lui les agriculteurs à leur perte.
Hugo Ruaud

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Face à la crise que traverse l’agriculture et la grogne des agriculteurs français qui s’exprime depuis plusieurs jours et s’étend à toute la France, le sénateur écologiste Yannick Jadot dresse un constat alarmant. Les « petits agriculteurs » sont selon lui « piégés par l’endettement, par l’explosion des coûts, par l’agro-industrie qui fait des marges extraordinaires, par le réchauffement climatique ». Mais sur les autoroutes bloquées, sur le fronton des préfectures où du fumier est déchargé, c’est certes contre leurs faibles revenus et la hausse des charges que les agriculteurs protestent, mais c’est aussi, voire surtout, contre l’empilement de normes dont ils se disent victimes. Or ces normes sont souvent édictées pour des raisons environnementales et écologiques, à l’instar de celles rassemblées au sein du Green Deal – l’ensemble de mesures adoptées par l’Union européenne afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Partant de ce principe, les intérêts des agriculteurs semblent opposés à l’environnement et à la vision politique de Yannick Jadot. Faux selon le sénateur de Paris, pour qui « les agriculteurs sont les premières victimes du changement climatique ». « Des normes ? Quelles normes ? », s’insurge Yannick Jadot, qui déplore que le mot norme soit « devenu un gros mot », alors que « la norme, c’est ce qui protège la santé ».

Les écolos boucs émissaires

Pour le responsable politique, il n’y a pas plus compatible que l’agriculture avec l’écologie politique. L’ancien candidat à la présidentielle en veut pour preuve « les milliers d’agriculteurs qui passent à l’agroécologie, au bio ». Sur le plan politique, plusieurs partis n’hésitent pourtant pas à critiquer la position des écologistes, qui participent selon eux de l’impossibilité des agriculteurs d’exercer leur métier, à force de s’opposer aux modes de production conventionnels. Le Premier ministre Gabriel Attal a par exemple dénoncé mardi à l’Assemblée nationale « les larmes de crocodile » de la gauche sur le sujet. « A chaque fois que nos agriculteurs, que nos éleveurs familiaux, ont un projet d’extension de leur élevage » ou «qu’un projet est lancé […] sur une retenue d’eau pour lutter contre la sécheresse, sur des investissements pour nos exploitations, ce sont vos amis qui s’y opposent», a-t-il énuméré, lors de la séance des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, en visant surtout LFI et écologistes. 

 

« L’irresponsabilité » de Gabriel Attal

« Renvoyer aux écologistes la crise agricole, c’est ignorer le débat qui doit y avoir au sein de la profession agricole», proteste Yannick Jadot, pour qui le gouvernement et Gabriel Attal font preuve d’une « irresponsabilité totale » en matière de politique agricole. L’écologiste reproche au gouvernement de faire fi de la diversité des agriculteurs, des agricultures, et de n’avoir d’yeux et d’oreilles que pour les exploitations agricoles les plus productivistes. « Dans la profession agricole, il y en a qui jouent des marchés internationaux et qui de fait acceptent les traités de libre-échange », fustige Yannick Jadot, pour qui ceux qu’ils désignent là font partie du problème. Dans son viseur, Arnaud Rousseau, patron de la FNSEA, « qui vit très bien du commerce international, de l’agro-industrie et de ses marges qui se font sur le dos des petits agriculteurs ». Le syndicat agricole, l’un des principaux interlocuteurs du gouvernement depuis le début de la crise, est selon Yannick Jadot responsable du « piège » qui s’est refermé sur les agriculteurs : « Le cannibalisme agricole, c’est-à-dire que vous ne pouvez survivre qu’en prenant la ferme d’à côté qui est en train de s’écrouler ».

L’Europe la solution, mais la PAC problématique

La seule solution pour sortir de cette crise agricole est pour Yannick Jadot de réformer la politique agricole commune. « On a un modèle qui est profondément inégalitaire. 80 % des aides de la PAC vont vers 20 % des agriculteurs les plus importants. Plus vous produisez, plus vous avez d’hectares, plus vous touchez », dénonce l’élu. Yannick Jadot appelle le gouvernement à réformer la PAC, « contraindre les marges de la transformation de l’agro-industrie », et déterminer le montant des aides selon « le nombre de salarié » et le « respect de la nature » d’une exploitation agricole. Car pour Yannick Jadot, l’Europe n’est certainement pas la cause des maux des agriculteurs. « Il faut rappeler aux agriculteurs qui s’ils ont pu participer à la reconstruction de l’Europe après-guerre, c’est grâce à une politique européenne ambitieuse qui, tous les ans, transfère plus de 9 milliards d’euros vers les agriculteurs ». Une manière de tacler l’extrême droite, qui « s’est toujours foutue des agriculteurs », selon l’élu.

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