Crise énergétique : la ministre de l’Enseignement supérieur veut travailler sur le calendrier universitaire
Auditionnée au Sénat ce 19 octobre, la ministre Sylvie Retailleau a confirmé qu’un mécanisme de compensation était en cours de réflexion pour les établissements de l’enseignement supérieur, pour leurs surcoûts énergétiques. En attendant, elle les encourage à puiser dans leurs réserves de précaution. Une réflexion sur l’aménagement du calendrier universitaire va aussi être lancée.

Crise énergétique : la ministre de l’Enseignement supérieur veut travailler sur le calendrier universitaire

Auditionnée au Sénat ce 19 octobre, la ministre Sylvie Retailleau a confirmé qu’un mécanisme de compensation était en cours de réflexion pour les établissements de l’enseignement supérieur, pour leurs surcoûts énergétiques. En attendant, elle les encourage à puiser dans leurs réserves de précaution. Une réflexion sur l’aménagement du calendrier universitaire va aussi être lancée.
Guillaume Jacquot

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Les établissements de l’enseignement supérieur et les laboratoires de recherche n’envisagent pas l’année 2023 sereinement. L’envolée des prix de l’énergie est source d’incertitude pour leurs budgets. Les universités représentent 18 millions de mètres carrés, soit 20 % du patrimoine de l’État. Des surfaces importantes à chauffer. Les sénateurs de la commission de la culture et de l’éducation du Sénat ont relayé ce point d’alerte lors de l’audition ce 19 octobre de Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. « Le projet de loi de finances ne prévoit aucune forme de compensation », s’est inquiété le président de la commission, Laurent Lafon. « Tous les organismes de recherche que j’ai auditionnés m’ont dit avoir été pris à la gorge par le renchérissement des prix de l’énergie et ne pas savoir comment boucler leur budget 2023 », a averti Laure Darcos (LR), rapporteure des crédits pour la Recherche. Dans certains laboratoires, la part « incompréhensible » des dépenses en électricité peut aller de « 60 à 70 % », selon elle. Le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) en est l’exemple le plus connu des gros consommateurs.

Selon les prévisions du ministère, les surcoûts provoqués par la flambée des prix de l’énergie pourraient représenter 500 millions d’euros pour l’an prochain pour les établissements de l’enseignement supérieur, et 100 millions d’euros pour les organismes de recherche. Soit quatre à cinq fois plus que le surcoût prévu pour 2022. Sylvie Retailleau a indiqué qu’un dispositif de compensation financière serait prévu. Il est encore à l’étude avec le ministère des Comptes publics. Différentes options et scénarios sont sur la table, mais rien de précis à ce stade. « Nous serons en mesure de vous le détailler et de donner des chiffres très très prochainement », a-t-elle promis.

Appel aux établissements à puiser dans leurs trésoreries

Avant même l’annonce d’un plan, la ministre a appelé les différents établissements à éviter toute forme d’austérité, quitte à « assumer pleinement » des budgets en déficit. « Les contraintes budgétaires liées au coût de l’énergie ne doivent pas pénaliser ni les projets de recherche ou d’investissement, ni les campagnes de recrutement sur les postes, ni les conditions d’enseignement pour nos étudiants », a-t-elle appelé.

Sylvie Retailleau a annoncé que l’accompagnement se ferait au « cas par cas » et que le dispositif de compensation permettra une intervention de l’État « lorsque les surcoûts seront définitivement connus ». Et en attendant l’arrivée des aides, la ministre a rappelé l’existence des réserves financières des établissements, des stocks d’épargne accumulés au fil du temps. « Elles sont là précisément pour faire face aussi à ces situations exceptionnelles et qui doivent, quand elles existent, être mobilisées quand c’est possible ». La ministre ne veut « pas pénaliser » les projets de recherche ou encore les projets immobiliers pour la rénovation thermique.

Pour le sénateur LR Stéphane Piednoir, le recours à ces fonds de roulement est une « solution court-termisme », qui n’est « pas pleinement satisfaisante ». « Une partie de ces fonds est déjà fléchée sur des dépenses ou des programmes d’investissement. Leur suspension compromettrait le développement des établissements », a mis en garde le parlementaire du Maine-et-Loire.

« Il faut qu’on se mette tous autour de la table » sur le calendrier universitaire

Pas question de puiser sur les réserves destinées aux paiements des salaires ou des projets, a voulu rassurer la ministre. Uniquement sur la partie non utilisée. « C’est sur cette troisième partie sur lequel nous demandons un acte de solidarité et de responsabilisation aux établissements. Le fonds de roulement, c’est là pour des crises […] Il y a une volonté de ne pas assécher pour ne pas mettre les établissements en difficulté sur le moyen terme. »

Une autre piste serait à l’étude pour encaisser le choc sur les prix de l’énergie. Le sénateur Stéphane Piednoir a voulu savoir si une réflexion était engagée sur la réorganisation de l’année universitaire, afin d’alléger le nombre de cours sur les mois les plus froids. C’est loin d’être un fantasme. « C’est aussi quelque chose sur lequel on va travailler », a clarifié Sylvie Retailleau. « Ce n’est pas encore mis. Il faut qu’on se mette tous autour de la table, et ça sera plutôt pour l’année d’après, s’il y a des modifications. »

À lire aussi : Fermeture de la fac de Strasbourg : « Une catastrophe d’un point de vue pédagogique », pour le sénateur Pierre Ouzoulias

En matière de rénovation thermique, Sylvie Retailleau a aussi fait savoir qu’un plan serait prochainement lancé, avec le ministère de la Transition écologique. « Nous espérons l’annoncer dans les semaines ou les mois qui viennent », a-t-elle indiqué.

Réévaluation de la loi de programmation de la recherche : « Il est urgent d’attendre »

Surcoût lourd, l’énergie n’est même pas le seul mur budgétaire qui va se poser au monde de l’enseignement supérieur et de la recherche. L’inflation, à près de 6 % actuellement, affaiblit les hausses annoncées. Hors compensation de la revalorisation du point d’indice (364 millions d’euros supplémentaires), les moyens de l’enseignement supérieur, par exemple, vont augmenter de 185 millions d’euros, et de 143 millions, pour la suite de la mise en œuvre de la loi de programmation de la recherche (LPR). Au total, le programme « formations supérieures et recherche universitaire » pourrait atteindre 14,8 milliards d’euros, selon le projet de loi de finances.

« Aucun mécanisme de réévaluation lié à l’inflation n’est prévu dans le cadre de la loi de programmation », s’est inquiété le sénateur Max Brisson (LR). Déjà à l’automne 2020, la commission des finances du Sénat alertait sur le niveau réel de la LPR. « La hausse prévue par la loi de programmation serait cinq fois inférieure à ce qui est annoncé à horizon 2030 », mettait en garde Jean-François Rapin (LR). À l’époque de la sortie du rapport, l’indice des prix à la consommation ne dépassait même pas 2 %.

Sylvie Retailleau s’est engagée à faire un bilan « avant l’été » pour faire un bilan de la loi de programmation. « Je pense qu’il est urgent d’attendre de regarder comment évolue cette inflation », a-t-elle répondu.

Dans cette situation, le sénateur communiste Pierre Ouzoulias a déploré une forme de « mise sous tutelle » des universités, qui « vont être dans l’obligation toute l’année d’aller quémander à Bercy des moyens supplémentaires pour assurer leurs missions ». « J’aurais eu envie de questionner une personne qui n’est pas avec vous et qui pourtant tient les clés du problème de l’université : c’est M. Bercy. »

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